Publié le Écrit par Kanwaljit Singh
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Valérie L. accuse son ancien entraîneur de basket du pôle espoir de Caen d'avoir abusé d'elle entre la fin de l'année 2002 et le mois de mai 2004. Il a été mis en examen pour "viol sur mineure par personne ayant autorité".

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Le basket, c'était presque tout pour elle. Un rêve qu'elle a même touché du doigt en devenant joueuse professionnelle. Mais aujourd'hui Valérie L. a tout arrêté. Elle ne peut désormais plus toucher un ballon ni même assister à un match assise dans les tribunes : "J'avais de l'eczéma sur les mains avant d'aller jouer, pourtant je ne pratiquais plus à un niveau professionnel. Je savais dans le fond d'où ça venait. J'étais angoissée à l'idée de m'entraîner et jouer dans un milieu qui ne m'avait pas protégé lorsque j'étais plus jeune".

Valérie est âgée de 35 ans aujourd'hui. Il y a 3 ans, elle décide de porter plainte pour "atteinte sexuelle" contre un ancien entraîneur du pôle espoir de Caen. Elle l'accuse d’avoir profité d'elle et de son jeune âge, 14 ans au moment des faits, pour avoir des relations sexuelles avec elle.

L'homme de 46 ans est finalement mis en examen en novembre 2022 pour "viol sur mineur de 15 ans par une personne abusant de l’autorité que sa fonction lui confère". Une plainte requalifiée par le parquet de Caen, en charge du dossier.


Une présence insistante du "coach"

C'est en septembre 2002 que Valérie intègre le "Pôle espoir basket" à Caen, là où elle vit. Elle est en 3ème et vit sa scolarité au rythme intense des entraînements, fière d'être aux côtés des meilleurs jeunes joueurs de la région. L'entraîneur arrive cette année là. Il a 26 ans et est joueur professionnel dans le club de la ville. Un jour il propose aux joueurs de venir voir un match. Valérie refuse, mais celui qui fait figure d'autorité insiste, elle finit par accepter.

Mais voilà, Valérie nous explique que l'entraîneur la contacte ensuite régulièrement. "Il m'appelait tous les soirs sur le fixe de mes parents, dans la journée aussi. Il me couvrait de compliment et me disait qu'il était amoureux de moi, qu'il ne voulait que mon bien. Je ne m’en rendais pas compte mais il y eu une réelle manipulation psychologique. Elle ajoute :

Mes parents étaient divorcés, mon père n'allait pas très bien à cette époque, pour moi c'était juste de l'attention".

Valérie L.

Elle est catégorique et nous explique qu'elle n'était pas du tout attiré par lui. "Les petits copains, ça ne m'intéressait pas à cette époque et lui avait le double de mon âge. Vous savez j'étais une adolescente timide et renfermée" nous décrit-elle. Un jour de décembre, il l'embrasse. Un mois plus tard, ils ont leur première relation sexuelle, chez lui, nous raconte Valérie. Elle décrit, la voix pleine d'émotion : 

"Je n'ai rien fait, je ne me suis pas débattue, je ne bougeais plus, je n'ai pas hurlé. J'étais comme lobotomisée. C'est lui qui décidait et choisissait pour moi"

Valérie L.

Les adultes ferment les yeux

Le temps passe, l'homme est toujours en demande de relations sexuelles qui se multiplient. Comme un serpent qui entoure sa proie, il la coupe de ses amis : "Il avait de plus en plus d'emprise sur moi, il me répétait sans cesse de n'en parler à personne, qu'il pourrait avoir des problèmes et même aller en prison". L'adolescente se sent mal, pleure beaucoup.

Les rumeurs commencent à circuler. Ses co-équipières finissent par en parler aux adultes, mais eux demandent à ce que toutes arrêtent de colporter des rumeurs qui pourraient nuire à l'entraîneur : 

"Vous savez à l'époque, pas un adulte n'est venu me voir pour me demander si c'était vrai, ils ont fermé les yeux, ils ne m'ont pas protégée"

Valérie L.

"Aujourd'hui je cherche aussi des réponses, j'aimerais savoir si ces personnes avaient posé la question au coach, est-ce qu'ils l'auraient cru? Cela passera aussi par la justice pour moi" nous explique la jeune femme. Son avocate, Me Anne-Claire Lejeune ajoute : "Cet homme est l’un de ses entraîneurs. Dans le milieu sportif, la parole du coach est rarement remise en question".

Après cet épisode, Valérie tente de couper contact avec celui que tout le monde surnomme "coach",mais il aurait menacé de se suicider. Selon Valérie, cette "relation" s'arrêtera en mai 2004. L'adolescente est en seconde, au centre de formation. L'homme n'est plus son entraîneur mais lui rend visite et poursuit ses appels téléphoniques incessants.


Une femme profondément marquée

Tout cela s'arrête grâce à une autre joueuse qui va bientôt avoir 18 ans. "Elle me dit qu'elle sait tout, qu'elle sort avec lui aussi, et qu'il est fiancé. Elle me montre des messages et me propose de faire tomber les masques en le coinçant chez elle". Un piège qui fonctionne, selon elle : "J'étais cachée dans le placard et je suis sortie pour lui montrer que j'étais là". C'est là qu'elle coupe net la "relation".

Près de vingt ans après les faits, la jeune femme dit être encore profondément marquée. Elle est professeure d’EPS mais est en arrêt maladie depuis près de deux ans : 

"J’ai mis très longtemps à réaliser ce qui m’était arrivée. J'étais dans le déni et quand j'ai compris cela a été une descente en enfer"

Valérie L.

Elle précise aussi que : "Pour moi il y a aussi eu un viol mental, il m'a manipulée et atteinte psychologiquement. Mes relations avec les hommes étaient chaotiques ensuite, mais je ne faisais pas le lien avec cette affaire".

C'est en 2019 qu'elle parle de cette épisode de sa vie, un peu par hasard, à son psychologue. Elle vit à New-York, se sent mal dans sa peau. "Il me dit que ça vient de là. Je prends conscience. Je décide de contacter des associations et de porter plainte'.


Libérer la parole d'autres joueuses

Elle se tourne donc vers la justice pour que le "coach" soit reconnu coupable. "Ma cliente attend maintenant d’être reconnue comme victime pour avancer" insiste son avocate, Me Anne-Claire Lejeune. "Il fallait que je le fasse pour me construire, j'ai deux enfants aujourd'hui, je veux aller mieux" nous confie Valérie. Elle ajoute :

"Je veux qu'il soit reconnu coupable mais je veux aussi libérer la parole d'autres joueuses victimes de viols"

Valérie L.

La jeune femme veut que les choses bougent dans les clubs également. Que les adultes croient en la parole des jeunes. "Elle a aussi porté plainte pour que ces choses ne se reproduisent pas" précise Me Anne-claire Lejeune.  

Le mis en cause a été laissé libre sous contrôle judiciaire et poursuit sa carrière d'entraîneur en Nationale 1 : "Je veux alerter aussi, il n'entraîne pas forcément des mineurs aujourd'hui mais il est en contact avec eux étant dans un club".

Un combat que la jeune femme ne lâchera pas jusqu'à obtenir gain de cause. "Ce sont des affaires ou souvent c’est une parole contre l’autre. Mais dans mon malheur, la bonne nouvelle c'est qu'énormément de gens savaient. Ils me soutiennent dans ma démarche".

Contacté, la Ligue de Normandie de basket-ball, n'a pas souhaité réagir à cette affaire pour le moment.

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