La photojournaliste Delphine Lefebvre recueille des témoignages de Normands qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale pour un documentaire. Des recherches inspirées par l'histoire de sa grand-mère.
Delphine Lefebvre se souvient: "Quand j'étais petite, j'allais faire du manège à Ouistreham. Ma grand-mère me racontait qu'auparavant, à la place de ce manège, des poteaux en béton se trouvaient là. Ils avaient été mis en place par les Allemands".
Rendre hommage à sa grand-mère
Sa grand-mère s'appelait Paulette Debeaumont. Elle était âgée de 16 ans en 1943. Une simple civile, adolescente, qui vivait à Ouistreham qui venait régulièrement en aide aux infirmières. "Un jour, elle nous a expliqué qu'en allant les aider, elle est tombée sur des soldats allemands et elle a pris peur. Un sentiment qui lui est toujours resté. Ça l'avait marqué". Cette même année, elle quitte la Normandie pour s'installer dans les Hauts-de-France à Amiens.
Quelques anecdotes dont se rappelle Delphine Lefebvre même si elle aurait aimé en savoir plus : "Ma grand-mère parlait très peu de cette période de sa vie. J'ai des tantes qui lui avaient dit d'écrire mais elle a toujours refusé de le faire. Elle ne se sentait pas légitime. Et moi, pendant longtemps, je n'ai jamais vraiment voulu trop en savoir. J'étais jeune avec d'autres préoccupations".
En 2016, Délphine Lefebvre perd sa grand-mère qui s'éteint à l'âge de 91 ans. La jeune femme, âgée de 32 ans aujourd'hui a une prise de conscience. Elle est photo journaliste et veut, à travers son métier, faire ce travail de mémoire que son aînée n'a pas souhaité. Une façon de lui rendre hommage : "J'ai toujours été proche d'elle, je suis frustrée de ne pas en savoir plus sur cette partie de l'histoire, sur cette partie de la vie qu'elle a vécu. Je suis frustrée que parce qu'elle était une simple civile, elle avait le sentiment que sa parole ne comptait pas".
À la recherche de témoignages de civils
La journaliste s'est donc lancée, depuis plusieurs mois maintenant, à la recherche de témoins civils. Des témoignages de la Guerre 39-45 en général en sillonnant la France. Et puis forcément des témoignages en Normandie surtout, là où sa grand-mère a vécu, là où elle a elle-même passé de nombreux étés. "À l'aube du 80ème anniversaire du Débarquement, je suis consciente que ce sont les derniers témoignages que je vais pouvoir regrouper. J'en ai dans l'Eure, l'Orne et le Calvados notamment. Des civils qui m'ont raconté leur quotidien de l'époque", confie la photojournaliste.
Elle a pu recueillir 13 témoignages au total dans la région : "J'ai rencontré Germaine, 91 ans, par exemple. Elle m'a raconté que lorsqu'elle avait 12 ans, elle était allée chercher des légumes. Elle voulait aussi récupérer son lapin auquel elle tenait. Mais au moment de le prendre, un soldat allemand est arrivé sur son cheval. Elle m'a dit qu'il avait "un regard noir ce boche". Il a transpercé l'animal avec une lame et l'a tué. Elle a également été blessée et porte encore la cicatrice".
Delphine Lebebvre a aussi échangé avec Paul, 97 ans. Il ne vit pas très loin de Caen : "Il était parti en exode, comme beaucoup de monde à cette époque. Quand il est revenu, il a découvert que plusieurs membres de sa famille avaient été tués".
Un documentaire photos
Un travail pour transmettre la parole de ces civils souvent oubliés de cette partie de l'Histoire : "Dans les livres on apprend que les faits d'histoire et pas ce qu'était la vie de ces gens pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans les guerres d'aujourd'hui, on en sait un peu plus grâce aux réseaux sociaux et encore si on regarde bien, rares sont les témoignages sur le quotidien de ces civils".
Des interviews qu'elle filme et qu'elle termine par un portrait photo : "C'est un documentaire photos sur lequel je travaille en ce moment. Les filmer me permet d'être totalement plongée dans leur histoire. Et puis, plus tard, j'aimerais aussi utiliser ces témoignages dans le cadre d'un documentaire audio en mettant ces paroles sous des photos qui défileront".
Un travail qui ne fait que commencer. Si vous souhaitez contacter Delphine Lefebvre, vous pouvez le faire sur son site internet : delphinelfbvre.com