Chaque département devrait disposer d'une " brigade sanitaire" pour casser la dynamique de la contagion. Elles devaient entrer en action aujourd'hui avec le déconfinement : le Conseil Constitutionnel a censuré partiellement des aspects de ce tracage et encadre l'isolement strict du confinement.
Ce sont des acteurs pivots de la lutte contre le coronavirus d'après le gouvernement: les brigades sanitaires dont la création a été annoncée par Edouard Philippe mardi 29 avril 2020.
Ainsi, chaque Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de chaque département a formé du personnel qui sera chargé d'enquêter sur l'entourage des malades. " Concrètement, cela signifie qu'un patient qui a fait l'objet d'un test est reçu par son médecin traitant. Si le test est positif, si le patient est atteint par le Covid-19, le médecin a l'obligation de le signifier, le coronavirus est soumis à obligation de déclaration comme 34 autres maladies, la méningite par exemple", nous explique-t-on à la CPAM du Calvados.
" Le patient peut alors préciser quelles sont les personnes avec lesquelles il a été en contact rapproché, c'est le plus souvent des membres de la famille. Cette liste de personnes, le patient a le choix de la donner ou pas, le médecin de le signifier ou pas, mais l'objectif est de réduire la contagion. Avec l'identité des personnes contact, notre service peut alors mettre en place le dispositif : contacter ces personnes, les informer qu'elles ont été en contact avec une personne malade dont l'anonymat peut être préservé si tel est le souhait du patient. Les personnes contact sont placées en quatorzaine, un confinement strict, sans sortie. Ces personnes seront testées. En cas de test positif, une liste des personnes qu'elles auraient pu contaminer sera à son tour établie".
Les brigades seront composées principalement de salariés de l'Assurance maladie. " Par exemple, nous avons une cinquantaine de personnes formées dans le Calvados, elles seront chargées de contacter une à une les personnes recensées. L'objectif final est de casser les chaînes de contamination."
" Avec les services des préfectures, un système de plateaux repas peut se mettre en place. Si les mesures de quatorzaine sont difficiles, des logements réquisitionnés à l'hôtel seront proposés. Du côté de l'Agence Régionale de Santé, on explique qu'" une trentaine de nos agents interviendront également avec ces personnes contact, identifiées par les brigades sanitaires de la CPAM, à 3 reprises par téléphone ou par le biais d'une application pour assurer un suivi notamment sur les tests et le confinement ."
Les médecins en première ligne
" Le médecin généraliste est un rouage essentiel, c'est par ailleurs celui qui connaît souvent toute la famille. Cette consultation sera payée 55 euros car elle est difficile et longue : il faut annoncer la maladie et rassurer le patient et saisir informatiquement toutes les coordonnées des personnes contact. "
" Nous ne sommes pas très partisans du fait que des informations médicales soient traitées par du personnel non-médical, ça nous pose un gros problème éthique, par rapport au secret médical. Nous avons obtenu que les personnes qui interviendront soient soumises à une clause de confidentialité, on nous a assuré que le dispositif serait exceptionnel et limité dans le temps", explique Antoine Leveneur, Président de l'Union Régionale des Médecins Libéraux.
Traçage et isolement retoqués ou nuancés
" Mais pour l'heure, nous attendons la publication de cette loi au journal officiel, elle devait entrer en vigueur ce matin (lundi 11 mai), au premier jour du déconfinement. La loi d'urgence sanitaire, soumise à l'aval du Conseil Constitutionnel, n'a pas pu être promulguée à temps, il rendra son avis ce soir, sous réserve donc, tant que cela n'est pas fait. J'imagine que c'est donc mercredi que cela pourrait se mettre en place".
Et le Conseil Constitutionnel a validé ce lundi soir la loi mais apporte certaines réserves et censures:
" Concernant le régime des mesures de mise en quarantaine et de placement en isolement, le Conseil constitutionnel a jugé que constituaient des mesures privatives de liberté les mesures consistant en un isolement complet, lequel implique une interdiction de « toute sortie ». Il en va de même lorsqu'elles imposent à l'intéressé de demeurer à son domicile ou dans son lieu d'hébergement pendant une plage horaire de plus de douze heures par jour."
Prenant en compte les garanties inscrites par le législateur dans le régime de ces mesures, le Conseil a relevé, notamment, que, en cas de placement en isolement, la décision, qui est subordonnée à la constatation médicale de l'infection de la personne, ne peut être prise qu'au vu d'un certificat médical.
Concernant le système d'information destiné à permettre le traitement de données destinées au « traçage » des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières, le Conseil constitutionnel limite le nombre de personnes pouvant accéder à ces données.
" Le Conseil constitutionnel a également pris en compte le choix du législateur de prévoir que ce dispositif ne peut s'appliquer au-delà du temps strictement nécessaire à la lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19 ou, au plus tard, au-delà de six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020. D'autre part, les données à caractère personnel collectées, qu'elles soient ou non médicales, doivent, quant à elles, être supprimées trois mois après leur collecte."
" Atteinte au droit au respect de la vie privée"
Le Conseil constitutionnel a formulé une première réserve d'interprétation en jugeant que, sauf à méconnaître le droit au respect de la vie privée, l'exigence de suppression des nom et prénoms des intéressés, de leur numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques et de leur adresse, dans les parties de ces traitements ayant pour finalité la surveillance épidémiologique et la recherche contre le virus, doit également s'étendre aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés.
Le Conseil constitutionnel juge toutefois que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu renforcer les moyens de la lutte contre l'épidémie de covid-19, par l'identification des chaînes de contamination. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.