Élisabeth Cadot, une proviseure atypique au service de l'enseignement professionnel

"L'école française, ce qu'elle fait, c'est qu'elle secoue l'arbre pour faire tomber les pommes pourries et ne garder que les plus belles " regrette Elisabeth Cadot, qui dirige le lycée professionnel Jean Jooris de Dives-sur-Mer (14) depuis 2015.

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Elle a consacré sa vie professionnelle au service des autres, des jeunes qu'elle accompagne dans le difficile apprentissage de l'enseignement. Et pourtant, rien ne prédestinait la petite Elisabeth à devenir professeure, puis proviseure-adjoint et enfin proviseure de lycée professionnel. Née à Tours en Indre-et-Loire, dans une famille très modeste, elle a passé une grande partie de son enfance à Saint-Pierre-des-Corps, une commune ouvrière de l'agglomération tourangelle. Ses parents, issus de l'enfance maltraitée, à la scolarité quasi inexistante, lui ont pourtant donné beaucoup d'amour.

Cette photo me tient à coeur car elle montre que l'on peut être heureuse sans rien avoir, juste l'amour de ses parents. La petite fille que je suis a le sourire alors que l'environnement social est triste. On était très pauvres mais j'ai reçu l'essentiel, l'amour de mes parents.

Élisabeth Cadot.

Les parents d'Élisabeth ont toujours insisté pour qu'elle et ses deux frères travaillent à l'école, "ils me disaient toujours, il faut aller à l'école, c'est par l'école que tu t'en sortiras" ajoute celle qui aujourd'hui dirige un établissement de 250 élèves. Elisabeth a grandi dans le quartier de La Rabaterie à Saint-Pierre-des-Corps, dans une cité très pauvre mais c'est là, dans l'école primaire qu'elle a pensé pour la première fois à enseigner.  Dans la cour de l'école déjà, elle faisait preuve de maturité.

Un après-midi dans la cour de l'école, l'institutrice qui était de garde m'a confié le sifflet et la responsabilité de surveiller mes camarades. J'ai adoré ça.

Élisabeth Cadot.

De l'école primaire à l'université, cette vocation précoce ne s'est jamais estompée et après avoir boudé le Capes (Certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré) qu'elle trouvait trop élitiste, Élisabeth s'est retrouvée un matin d'octobre 1992 professeure auxilaire en Français, Histoire et Géographie dans un lycée professionnel déjà, à Langres en Haute-Marne (52). " Ce fut un choc, la première semaine fut rude, mais j'ai passé dix mois formidables pendant lesquels j'ai découvert le métier de professeur dans un lycée profesionnel et je suis tombée amoureuse de mon travail" se remémore Madame la Proviseure.

Après avoir passé le concours de Concours d'Accès au corps des Professeurs de Lycée Professionnel, Élisabeth Cadot commence son parcours d'enseignante à travers le pays, à Thouars dans les Deux-sèvres (79) puis à Blois dans le Loir-et-Cher (41) ou elle a, dit-elle, adoré son travail auprès de jeunes en grande souffrance pédagogique et personnel.

Les limites du métier d'enseignant

Après sept années à enseigner dans ce lycée profesionnel, Élisabeth Cadot perçoit les limites de son métier, incapable de pouvoir vraiment influer sur le sort de ces jeunes qui arrivent dans l'établissement pour beaucoup en mauvais état, fachés avec le milieu scolaire. 

Je me suis interrogée. Comment le système éducatif de notre pays qui m'a fait tant de bien à moi peut mettre des élèves en souffrance ? En tant que professeur, je n'avais pas de levier pour changer les choses.

Élisabeth Cadot.

C'est à cette époque, au début des années 2000, qu'elle commence à se renseigner sur le métier de personnel de direction, un moyen pour elle de faire évoluer les pratiques enseignantes, pour que les enfants arrêtent de souffrir à l'école." Il faut que les jeunes arrêtent de dire qu'ils sont nuls, on n'est pas nul, on a des mauvais résultats peut-être mais on est jamais nul" ajoute-t-elle. Comme toutes les choses qu'elle entreprend dans sa carrière professionnelle, Élisabeth entame une nouvelle partie de sa vie dans les lycées professionnels en devenant proviseure-adjoint au lycée Sonia Delaunay, puis au lycée hôtelier de Blois. Elle y passe six ans et s'occupe notamment de l'organisation des examens des CAP, des Bac Pro et des BTS. Après une pause de quelques années à faire trois enfants, arrive l'heure de prendre la tête d'un établissement scolaire. Ce sera dans le collège Jacques Prévert à Dives-sur-Mer dans le Calvados en 2008.

Pour son premier poste, Madame la Principale se met au travail avec ses équipes pédagogiques et s'attaque à cette fameuse souffrance des élèves, sur la valorisation des parcours et sur le dévelopement des compétences.

Moi j'arrête pas de dire depuis que je suis en Normandie, je suis dans un verger avec des pommes partout, y en des magnifiques, des moins belles, des cabossées. L'école française, ce qu'elle fait, c'est qu'elle secoue l'arbre pour faire tomber les pommes pourries et ne garder que les plus belles .En France, on est capable de produire les plus belles pommes du monde, mais que fait-on des pommes tombées par terre ? Je ne suis pas trieuse de pomme et je refuse de l'être.

Élisabeth Cadot.

Durant son passage à la tête du collège Jacques Prévert de Dives-sur-Mer, Élisbeth va expérimenter sa méthode avec le projet Proteus qui sera récompensé au salon de l'Innovation de Paris.

Élisabeth le répète inlassablement, "il faut travailler les compétences des élèves et non spécialement les notes, faire changer le système éducatif vers où les enfants avancent, non pas parce qu'ils ont l'âge d'avancer, mais parce qu'ils ont les compétences pour le faire" et ajoute "juste en fonction de leur capacité". C'est en janvier 2015, que l'Éducation nationale propose à Élisabeth de prendre le poste qu'elle espère, celui qui marque peut-être le sommet de sa carrière : Proviseure de lycée professionnel. Le 4 janvier 2015, elle prend les commandes du lycée professionnel Jean Jooris, toujours à Dives-sur-Mer (14). Dans son établissement, la nouvelle proviseure insuffle à ses équipes pédagogiques une nouvelle dynamique avec comme priorité l'accompagnement individuel des élèves.

On n'a pas le choix, en CAP aujourd'hui, on a des élèves qui viennent d'horizons très différents, de 3ème général, de section d'enseignement général et professionnel adapté, des élèves non francophones ou des élèves en situation de handicap. Ils sont dans les mêmes classes, avec les mêmes professeur, si on ne s'intéresse pas à leurs profils, on ne peut pas les faire progresser.

Élisabeth Cadot, Proviseure du lycée Jean Jooris de Dives-sur-Mer.

"L'objectif, c'est qu'ils ne sortent pas du système éducatif sans formation, ni qualification, c'est très important pour leur confiance" affirme avec conviction Madame la Proviseure qui ajoute aussitôt " c'est très compliqué de faire de la compétence dans un système qui est fait pour trier, pour les enseignants c'est un casse-tête quotidien".

La dernière ligne droite

A huit ans de la retraite, le moment du bilan n'est pas encore arrivé pour Élisabeth Cadot, qui compte bien continuer à faire ce qui la passionne depuis ses débuts, il y a près de trente ans, accompagner les élèves dans l'apprentissage de leur vie professionnelle. "Ma grande fierté, c'est d'avoir pérénisé ce lycée de territoire avec aujourd'hui dix formations, de l'avoir modernisé, d'en avoir fait un établissement accueillant" ajoute avec fierté la petite fille de Saint-Pierre-des-Corps à la carrière passionnée et éxemplaire.
Son avenir, elle l'envisage surement dans une nouvelle aventure, ailleurs que dans la filière professionnelle qu'elle a tant aimée. " J'adore les gosses, j'aime les enseignants, mais il est temps pour moi de conclure le chapître de mon aventure éducative dans une autre voie" précise Élisabeth Cadot sans préciser vers quoi ni où.

 

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