L’inauguration a eu lieu ce samedi 29 juillet à Fierville-les-Parcs, dans le Calvados. Une stèle-sculpture réalisée avec les débris d’un avion américain qui s’est écrasé le 7 juin 1944 dans la commune. Une telle œuvre, c’est une première en Normandie.
Il est possible que la petite commune de Fierville-les-Parcs, 220 habitants, accueille désormais les curieux. Et pour cause, trônant devant la mairie, une stèle-sculpture rendant hommage aux aviateurs alliés tombés sur le sol normand durant la bataille de Normandie. Et si à première vue la sculpture de deux mètres semble faite de morceaux d’acier et de ferraille anodins, il faut la regarder de plus près. Quoi de mieux pour faire honneur « à tous ces pilotes qui ont donné leur vie », que d’utiliser des pièces d’un avion ayant servi au combat ? C’est ce qu’a fait le sculpteur Yvan Barbieri. Pour composer la structure, il n’a pas hésité à utiliser des balles de mitrailleuse, des canalisations de gaz d’échappement ou encore un support moteur d’un avion P-47 américain tombé sur le village de Fierville en juin 1944. « C’était un avion de chasse, un des meilleurs de l’époque », nous a confié l’artiste.
Des pièces trouvées dans un champ
Yvan Barbieri est sculpteur sur fer recyclé, mais également administrateur du Comité Juno Canada Normandie. Alors la libération de la Normandie c’est un thème qu’il connaît bien : « Je suis un passionné d’histoire et j’avais envie d’honorer les soldats canadiens et tous ceux ayant permis de libérer la France à la fin de la Seconde Guerre mondiale. » Une fois la Normandie libérée, les habitants du territoire ont été nombreux à découvrir dans leurs champs des débris, derniers stigmates de la guerre. Les pièces de cet avion P-47 américain ne dérogent pas à la règle. Elles ont été trouvées sur un terrain de Fierville-les-Parcs et Yvan Barbieri est allé les récupérer auprès du propriétaire. Après vérification et authentification par des spécialistes, il a été confirmé que les débris appartenaient bien à l’avion de chasse. Et la municipalité a tout de suite soutenu le projet du sculpteur ; pour le maire c’est « un coup de projecteur sur la ville car rien n’y a jamais été fait, aucune commémoration. C’est une idée géniale pour honorer ces soldats. »
Il aura fallu un mois et demi de travail pour réaliser cette œuvre de 150 kilos et de deux mètres de hauteur. Yvan Barbieri a dû « nettoyer les huit pièces d’aviation qui composent la sculpture, les passer au karcher, s’assurer qu’elles ne se dégraderont plus. » Même si le sculpteur a l’habitude des projets volumineux, la tâche n’a pas été simple ; mais le projet en valait la peine. « Travailler sur cette œuvre c’était beaucoup d’émotion. À chaque fois que je soudais une pièce je pensais à l’homme qui a piloté cet avion. »
Un hommage au Capitaine Clough Farrar Gee III
Cet homme, c’est le pilote américain Clough Farrar Gee III. Abattu dans son avion le 7 juin 1944. Il avait 25 ans. Alors pour l’inauguration de la stèle, la nièce du capitaine, Janet Gee, ainsi que dix autres membres de la famille ont répondu présent, tout droit venus des États-Unis. En découvrant la sculpture, ils n’ont pu retenir leurs larmes. Un moment suspendu et émouvant, partagé avec plusieurs officiels venus aussi pour la cérémonie.
La stèle est également l’occasion de rendre hommage au pilote rhodésien de la Royal Air Force, le Flight Sergent John Cheshire Harrold. Le 19 juillet 1944, son avion de combat s’est lui aussi écrasé sur la commune. Le pilote avait 21 ans. Venus du Royaume-Uni, sa nièce, Lesley Hunt, ainsi que cinq autre membres de la famille étaient là pour l’inauguration. C’était la première fois qu’ils venaient en France et c’est grâce aux recherches du sculpteur Yvan Barbieri pour les retrouver qu’ils ont finalement pu renouer avec une partie de leur histoire. C’est là toute la symbolique de son œuvre. « Je veux que l’on retienne surtout l’émotion que l’œuvre peut susciter. Ce n’est pas la sculpture qui est importante mais le message qu’elle transmet. À travers ces deux pilotes, on rend hommage à tous ces pilotes qui se sont sacrifiés. »
Le travail d’Yvan Barbieri ne s’arrête pas là. L’année prochaine la Normandie commémorera les 80 ans du Débarquement. Trois communes ont déjà demandé les services du sculpteur pour réaliser des stèles. Cette fois ce sera avec des matériaux plus modernes. Et en grand passionné, Yvan Barbieri l’assure, si d’autres pièces d’aviation venaient à être découvertes, « naturellement » il créerait de nouvelles œuvres.