Ce mardi 9 mai, l'ancien propriétaire du Haras de Bernesq a été condamné pour sévices graves par le tribunal correctionnel de Caen. En février 2018, un rapport accablant de la DDPP avait révélé que près de 160 chevaux étaient sous-alimentés, certains blessés, et qu'ils vivaient dans des conditions indécentes.
C'est l'histoire d'une terrible souffrance animale, tout autant que celle de la chute d'un haras de renom. Ce mardi 9 mai 2023, le tribunal correctionnel de Caen a condamné Franck B. pour sévices graves sur les chevaux présents dans le haras qu'il détenait à Bernesq, dans le Bessin. Toutefois, la justice a été relativement clémente avec l'éleveur qui n'avait encore aucune mention de ce type à son casier judiciaire, et encourait jusqu'à 6 mois de prison et 7 500 € d'amendes.
Reconnu coupable de maltraitance animale, il est désormais interdit à vie de détenir des équidés. Durant les cinq prochaines années, il n'aura pas le droit d'exercer une profession en lien avec des animaux. En outre, il a aussi été condamné à une amende délictuelle de 3 000 €, dont 2 000 € avec sursis, ainsi qu’à une amende contraventionnelle de 200 €, pour absence de registre. Franck Benillouche n'était pas présent à son procès, pas plus que son avocat. Il a donc été jugé par défaut. On ignore s'ils ont l'intention de faire appel.
Des chevaux amaigris, dans des boxes souillés
En février 2018, plusieurs signalements de mauvais traitements parviennent à l'association Stéphane Lamart "Pour la défense des droits des animaux". Ils visent le Haras de Bernesq, au coeur du Bessin, une structure jouissant pourtant d'une grande notoriété, où de nombreux propriétaires laissaient leur chevaux en pension.
Les photos transmises, aussi répugnantes que malaisantes, font froid dans le dos. On y découvre des animaux dans un état de santé très préoccupant. Certains sont très amaigris, les signes de malnutrition sont évidents. D'autres présentent des plaies non cicatrisées, des traces de coups.
Face à l'horreur de ces clichés, l'association Stéphane Lamart dépose plainte pour sévices graves. Dès le lendemain, la procureur de la République de Caen saisit la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) qui se rend sur place. Son constat sera édifiant.
On note la présence d'une majorité de chevaux sous alimentés. Les chevaux d'élevage sont clairement négligés, absence de foin, absence de paille dans les boxes, et surtout abreuvoirs non entretenus, pour certains couverts de fientes d'oiseaux (...) Les céréales sont mal stockées et polluées par la poussière et les rongeurs. Les bâtiments sont sales et non entretenus mettant les chevaux en présence d'une atmosphère malsaine.
Extrait des conclusions du rapport d'expertise de la DDPP
Dans l'univers équin, la surprise se mêle à la stupéfaction. Le haras s'était forgé une solide réputation depuis sa création en 1981. Installé sur 100 hectares autour d'un magnifique château, il avait été créé par la famille Benillouche. A la publication de la nouvelle, les propriétaires des équidés en pension étaient venus les récupérer en urgence.
Face à l'opprobre jetée sur sa structure, Franck B. avait annoncé qu'il attaquerait en diffamation les personnes et les médias qui diffuseraient selon lui "de fausses informations". En février 2018, à la suite du passage de l'autorité vétérinaire et des gendarmes, il déclarait à Jour de Galop : "Nous avons licencié un employé qui ne faisait pas correctement son travail. Ce dernier, pour se venger, a contacté une association d’amis des animaux (...) De fausses informations ont été relayées dans la presse régionale et sur les réseaux sociaux. Nous avons subi deux contrôles, dont un des forces de l’ordre. Ils ont pu constater, à l’exception d’un blessé, que nos 150 chevaux étaient bien nourris et en bonne santé".
Les maltraitances mêlées aux ennuis judiciaires
En redressement judiciaire depuis juillet 2017, soit sept mois avant le contrôle de la DDPP, la Haras de Bernesq ne s'est pas remis de l'affaire. En octobre 2018, une liquidation judiciaire était prononcée à son encontre. Le procès pour maltraitance et mauvaise tenue du registre d'élevage doit se tenir fin 2019, mais pour divers motifs, il est plusieurs fois ajourné, jusqu'à se tenir en ce début mai 2023.
Pourquoi a-t-il réagi comme ça ? Est-ce un manque de trésorerie ? Est-ce un manque de temps ? Est-ce un choix stratégique ? Quelles que soient les raisons, iI aurait dû faire en sorte que les animaux qu'il avait sous la garde soit mieux traités. Le problème, c'est que dans ce milieu là, la réputation est très importante.
Me Patrice Grillon, avocat de l'association Stéphane Lamart
Aujourd'hui, difficile de trouver trace de Franck Benillouche. Il se pourrait qu'il ne réside plus en France. Il n'a, de toutes façons, plus de lien avec le Haras de Bernesq. En janvier 2019, le domaine est racheté par Philippe Bouaziz, président fondateur de Prodware, une société d'informatique internationale, côtée en bourse. Néophyte dans le monde des courses, le dirigeant d'entreprise renomme la structure Sarona Farm. Il transforme également le château de Bernesq en un hôtel 4 étoiles.