Le maintien de barrages sur la Vire aurait-il permis d'éviter l'assèchement du fleuve ?

Avec un débit de 500 litres par seconde en cette fin août dans le secteur de Saint-Lô, la Vire est à un niveau historiquement bas. Au-delà du réchauffement climatique, le choix de retirer certains barrages a-t-il aggravé la situation ?

Selon la préfecture du Calvados, même si des coupures d'eau potable ne sont pas encore à redouter, la situation hydrologique est "particulièrement critique" dans le secteur de Vire. Le débit du fleuve, la Vire, est même "très inférieur au niveau d'alerte". D'où la demande faite aux entreprises et aux particuliers de réduire leurs consommations d'eau.

Début août, une opération préventive de batardeau a même été mise en place à hauteur de Baudre, au Sud de Saint-Lô. Des sacs de 800 kg de sable et de gravats ont ainsi été déposés au fond du cours d’eau pour créer un barrage temporaire. Celui-ci réhausse temporairement de 2 à 3 cm le niveau d'eau pour assurer le bon fonctionnement de la station de pompage et alimenter l'agglomération saint-loise en eau potable. 

La Vire, longue de 128 kilomètres, totalise 2 000 kilomètres d'affluents. Et beaucoup sont à sec. "La faute au réchauffement climatique qui assèche les affluents", explique Stéphanie Legendre, Directrice du syndicat de la Vire.

Certains usagers pointent également du doigt la destruction de certains barrages. Mais ces ouvrages ont-ils vraiment une incidence ? 

Une dizaine de barrages en moins sur le secteur de Saint-Lô 

Le secteur de Saint-Lô comptait historiquement, entre Saint-Fromond et Tessy-Bocage, 21 ouvrages. Il s'agit de "seuils" sur le lit mineur du fleuve qui servaient au fonctionnement des moulins (en déportant l'eau), au passage des bateaux (grâce aux écluses), et plus tard, au fonctionnement de turbines de stations hydro-électriques. 

Aujourd'hui, il en reste une dizaine. "Ceux qui sont détruits n'ont plus d'usage économique ou patrimonial", explique Laurent Pien, maire de Condé-sur-Vire, et Président de la Commission locale de l'eau.

C'est le cas par exemple à Tessy-sur-Vire et à Bourgvallées. Ce fut le cas aussi en 2018 aux Fourneaux du côté de Pont-Farcy et à la Roque, sur la commune de Condé-sur-Vire. Il s'agit de 4 ouvrages d'un même propriétaire privé qui a fermé ses microcentrales hydrauliques. 

Préserver la qualité de l'eau 

Laurent Pien rappelle par ailleurs qu'une directive européenne, transposée en droit français, impose aujourd'hui des contraintes quant à la qualité de l'eau et la biodiversité et que "certains ouvrages présentent de ce point de vue des inconvénients."

Des inconvénients pour la qualité de l'eau tout d'abord. "Quand il y a des retenues, l'eau s'échauffe, jusqu'à 20 à 25 degrés cet été", affirme Stéphanie Legendre, du syndicat de la Vire. Le risque est alors de de se retrouver face à des phénomènes de prolifération d'algues, des algues qui vont consommer l'oxygène, entraînant une surmortalité piscicole. "D'autant que les poissons cherchent au contraire des radiés, des zones bien oxygénées, pour leur reproduction". Laurent Pien souligne également que sur une retenue, on perd beaucoup d'eau "par évaporation, notamment en période estivale". 

C'est d'ailleurs pour préserver la qualité de l'eau que l'Etat a sollicité courant juillet tous les propriétaires  afin qu'ils ouvrent leurs ouvrages. 

Maintenir la biodiversité 

Des inconvénients pour la biodiversité ensuite. "Les ouvrages sont des obstacles pour le passage des poissons, notamment des salmonidés, qui viennent se reproduire dans le cours d'eau avant de repartir vers la mer", explique Stéphanie Legendre. "Les nouveaux systèmes sont plus performants mais ne conviennent pas à toutes les espèces". 

Pour concilier la demande européenne avec tous les usages de l'eau, un SAGE, un Schéma d'Aménagement et de Gestion de l'Eau, a été élaboré en 2015. Il sert de base pour le choix des ouvrages à maintenir ou à détruire. 

"Nos usages ont changé aujourd'hui", souligne Stéphanie Legendre. "Nous avons moins de moulins et davantage de base de loisirs". A la Chapelle sur Vire, l'ouvrage très dégradé a ainsi été enlevé, "ce qui a permis un miroir d'eau intéressant pour la base de canoë-kayak". "Le barrage était avant infranchissable et aujourd'hui, les kayakistes n'ont plus à porter leur kayak sur le dos", précise Laurent Pien. 

Ouvrages ou pas, la quantité d'eau est la même 

"Le fait d'avoir une retenue donne l'impression visuelle qu'il y a plus d'eau", explique Stéphanie Legendre. "Mais le débit reste le même." Et rappelle que lors des sécheresses de 1976 et de 1921, tous les ouvrages étaient bien là, sans que la situation soit plus avantageuse que cette année.  

Laurent Pien confirme. "S'il ne pleut pas, la Vire n'est pas alimentée par ses affluents. Mais la quantité d'eau est la même. Les barrages ne changent rien. Sauf à provoquer davantage d'évaporation." 

La quantité d'eau dépend donc du ciel. Et si l'hiver prochain, la météo est plus humide, à La Chapelle sur Vire, où les travaux de destruction du barrage se finalisent, les Saint-Lois devraient pouvoir venir se baigner et pêcher. 

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