Dans 18 circonscriptions normandes sur les 28 que compte la région, les candidats du RN ont pris le pas au premier tour sur leurs opposants. Si certains visages de ces candidats d'extrême droite sont déjà connus des électeurs, d'autres n'ont pas fait campagne ou vivent dans une autre région. Comment expliquer qu'ils aient raflé les suffrages exprimés ?
Des candidats RN inconnus ou presque des électeurs, sortis en tête d'une confrontation avec un élu local bien connu et enraciné dans son territoire : la chose n'est pas rare lors de ce scrutin.
C'est le cas dans la Manche. La 3e circonscription est la seule où le RN est en tête. Stéphane Travert (Ensemble-Renaissance), candidat bien implanté dans le territoire et Pierre Giry candidat RN se retrouvent avec une quasi-égalité de score. Les deux obtiennent un peu plus de 33% des voix exprimées au premier tour. Pierre Giry n'est pas connu localement, il occupait un poste dans un cabinet de stratégie parisien, et c'est sa première candidature à une élection. Stéphane Travert quant à lui était fort de son expérience comme conseiller régional depuis 2010 et député depuis 2012.
Dans la 4e circonscription de l'Eure, le candidat RN Patrice Pauper devance de 4 points Philippe Brun député PS sortant, candidat du Nouveau front populaire. Patrice Pauper est avocat dans l'Essonne, il vit à Juvisy-sur-Orge. Il fait partie de ceux qui ont été envoyés par le parti d'extrême droite afin de conquérir des sièges.
Quant à Gérard Vienne, dans la 2e circonscription de l'Orne, s'il vit à Vimoutiers et a participé en 2014 à des élections municipales, il n'était pas très connu dans le reste de la circonscription mais parvient à mettre en péril dans son propre fief Véronique Louwagie.
Un scrutin ambigu
"Cette vague d'un parti sans ancrage local prouve que c'est l'aspect national qui prévaut" décrypte Christophe Boutin, politologue et professeur de droit à l'université de Caen. Il poursuit: "le scrutin des législatives est ambigu. On est élu dans une circonscription mais pas d'une circonscription. Un député doit faire les lois et pas jouer les assistantes sociales localement, mais certains s'investissent plus ou moins au niveau local, dans leur territoire."
Si l'élu ne répond pas aux sujets qui interrogent les électeurs, il saute.
Christophe Boutin, politologue
Le vote RN traduit aussi des inquiétudes de la population et face à cela, l'élu enraciné localement ne fait pas le poids. "Dans les villages de Normandie, les gens estiment qu'on ne s'occupe pas d'eux, ils ont le sentiment d'être oubliés. Outre le pouvoir d'achat, ce qui les intéresse c'est l'insécurité, l'immigration. En milieu rural, ils votent RN en se disant "même si on n'est pas concerné par l'insécurité et l'immigration, on voit ce que ça donne ailleurs et on n'en veut pas chez nous" détaille Christophe Boutin.
Convaincus par une figure nationale, Jordan Bardella
Enfin dernier élément d'explication : l'image des élus RN. "Les électeurs voient aussi comment se sont comportés les candidats du Rassemblent National, ils se sont assagis, ils portent une cravate... les gens pensent que le député, quel qu’il soit, suivra les consignes du parti. C'est Jordan Bardella qui les a convaincus."