Plus personne n'espérait le revoir un jour : le coq de l'église Saint-Jacques avait été englouti lors des bombardements de juin 1944. Il a refait surface à la faveur d'une conversation dans un salon de coiffure. Ébouriffant...
Il n'est certes plus de première jeunesse mais il a conservé son port altier. La peinture, jaunâtre, est ratatinée comme si elle avait vu le feu. Le coq en zinc est amoché, cabossé. Sa crête et une partie de sa tête ont disparu. Une vraie gueule cassée. "Il porte les marques de ce qui lui est arrivé", observe Yves Pennec, l'habitant de Lisieux qui a remis la main sur ce grand disparu.
C'est un revenant. "Un phénix", ose Corinne Lecourt, l'adjointe au maire de Lisieux qui est en charge du patrimoine. Le coq passait pour perdu à jamais. Il a refait surface il y a quelques jours... dans un salon de coiffure. Hoops (c'est le nom du salon). Yves Pennec bavarde avec sa coiffeuse. "Je lui redis - j'en avais déjà parlé au mois d'août : tu sais, le coq de l'église Saint-Jacques, il est chez moi. Si la ville veut le récupérer..." La coiffeuse sursaute (sans que la coupe ne s'en trouve affectée...) : depuis le mois de juin, Corinne Lejeune est aussi élue au conseil municipal. Elle téléphone à sa collègue du conseil, "l'autre Corinne" qui est en charge du patrimoine. "J'ai poussé un cri. Je n'en revenais pas", raconte Corinne Lecourt.
"Mon oncle avait participé au déblaiement de la ville après les bombardements. Il a dû retrouver le coq et le mettre à l'abri, raconte Yves Pennec. Mon père dans ses vieux jours a écrit des nouvelles. Dans l'une d'elle, il faisait parler ce coq pour raconter les bombardements. J'en ai lu un extrait à son enterrement. À la mort de ma tante, mes cousins m'ont dit : le coq est dans la cave, si tu le veux, prends-le"
En 1971, un autre coq a été installé au sommet du clocher reconstruit de l'église Saint-Jacques qui sert aujourd'hui de salle d'exposition. Le revenant y trouvera une petite place. Ce brave témoin des heures sombres de la ville a gagné le droit de rester à l'abri des intempéries qu'il a si longtemps affrontées. Après tout, il a déjà bien payé de sa personne. "S'il pouvait parler..."