Lors de l'expulsion d'une maison à Orbec, un huissier de justice a découvert une vingtaine de chiens maltraités. L'association Stéphane Lamart a été sollicitée pour recueillir ces animaux. Son fondateur plaide pour une plus grande régulation de la profession d'éleveur canin.
Quand l'huissier de justice arrive le vendredi 19 août à Orbec escorté par les forces de l'ordre pour procéder à l'expulsion d'un individu, il ne se doute pas du nombre d'occupants qu'il va trouver sur les lieux. "Il s'aperçoit qu'au domicile de cette personne, il y a énormément de chiens", raconte Stéphane Lamart, fondateur d'une association de protection des animaux, "Logiquement, un particulier est limité à neuf chiens. Au-delà, il doit faire une déclaration auprès de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP)." Sur place, l'huissier de justice en recense 26. Outre le nombre, il est interpellé par les conditions de vie des animaux et contacte rapidement le Parquet de Lisieux qui ordonne leur saisie.
L'association Stéphane Lamart est alors sollicitée pour participer à "l'opération de sauvetage", selon son fondateur. Ce dernier évoque "des conditions de détention" et dresse un tableau sordide du domicile de cet éleveur de caniches royaux. "La maison était insalubre, les animaux étaient en piteux état : des chiens avec une patte cassée, avec un œil crevé, des animaux pas entretenus (conjonctivites, puces), extrêmement maigres." Les membres de l'association, qui ont participé à l'opération, décrivent une odeur nauséabonde dès l'entrée sur les lieux et un sol jonché d'excréments. L'huissier de justice, qui les a précédés, a déjà exploré la maison et fait une macabre découverte. Dans un congélateur gisent les cadavres de sept chiens en décomposition.
Toute la misère animale sur les bras
"On a déposé plainte aujourd'hui contre cette personne (l'éleveur) pour mauvais traitements sur des animaux", indique ce mardi 23 août Stéphane Lamart, "On a appris aujourd'hui que cette personne aurait des chevaux quelque part, en piteux état également. On attend l'adresse." Pour l'association, ce triste épisode n'a malheureusement rien d'exceptionnel. "Tous les jours, notre standard croûle sous les appels téléphoniques, ça nous appelle de toute la France pour nous signaler de la maltraitance." De la maltraitance visible de l'extérieur, signalée par des particuliers. "Mais dans une habitation, on ne voit pas ce qui se passe quand la porte est fermée. C'est lorsqu'il y a des constats, des interpellations, que les forces de l'ordre s'aperçoivent qu'il n'y a pas que des humains qui sont maltraités. Des associations, comme la nôtre, nous sommes régulièrement sollicitées. On l'est de plus en plus, énormément. On a parfois toute la misère animale qui nous tombe sur les bras."
Les 26 chiens découverts à Orbec n'ont pas pu être tous accueillis par le refuge des Orphelins de l'association Stéphane Lamart, à Aunay-sur-Odon. La moitié d'entre eux a dû être prise en charge par le refuge Augeron, près de Lisieux. "On n'a plus un box de disponible. On essaye de pousser les murs, de mettre des chats et des chiens en pension, on a même des chiens et des cochons d'inde dans nos bureaux, tous les bureaux sont pris d'assaut par les animaux qu'on a", explique Stéphane Lamart. Parmi les pensionnaires de l'association, beaucoup de victimes de la période estivale. "Des gens partent se faire bronzer au soleil et abandonnent lâchement leurs animaux de compagnie sur les routes, les autoroutes, les bois. Certains les noient parfois comme on a eu le cas récemment avec trois chiens qui avaient des pavés attachés autour du cou."
"On fait naître des animaux et on les euthanasie derrière"
Outre le comportement des maîtres indignes, Stéphane Lamart déplore le manque de régulation de la profession d'éleveurs canins. "La profession n'est pas du tout encadrée correctement, par manque d'effectifs de la DDPP. Eux aussi croulent sous les demandes d'intervention de sauvetage." Le fondateur de l'association est même pour une interdiction ou tout du moins une limitation drastique de cette activité. "Je ne comprends pas qu'on fasse naître des animaux pour en euthanasier d'autres. Les éleveurs font naître des animaux. On sait très bien que c'est pour l'argent. S'ils ne pouvaient pas les vendre, il y aurait beaucoup moins d'élevages. Nous, on récupère des animaux adultes dans nos refuges. Un adoptant préfère dans la majorité des cas un chiot. On fait donc naître des animaux et on les euthanasie derrière, dans les fourrières." Et de plaider pour la limitation des élevages par le préfet en fonction du nombre de refuges (et de leur taux d'occupation) sur le département. "Ça régulerait la profession et ça régulerait les naissances. Et en même temps ça éviterait les euthanasies, les abandons, la maltraitance et ça permettrait de vider les refuges."
En attendant d'obtenir un jour gain de cause auprès des pouvoirs publics, l'association cherche de nouveaux foyers pour les 13 chiens recueillis à Orbec mais aussi, plus largement, pour tous ses pensionnaires. "On a besoin de trouver des adoptants pour pouvoir en accueillir d'autres. Adopter un animal, c'est en sauver deux puisque ça permettra de libérer un box et d'accueillir un autre animal", résume Stéphane Lamart. L'association cherche également des bénévoles "pour promener les chiens, jouer avec eux, s'occuper d'eux et les resociabiliser. Les 13 chiens que nous avons accueillis, ils ne connaissaient rien. Les agents animaliers qui nous les ont amenés ont dû les porter dans leurs bras car les chiens avaient peur des cailloux au sol. Ils ont toute la vie à découvrir."