Le centre de soins situé près de Lisieux (Calvados) recueille chaque chaque année 1.500 animaux, principalement des oiseaux. C'est une sorte d'hôpital de campagne où sont soignés des bobos souvent causés par les voitures. Une fois rétablis, ces bêtes sauvages sont rendues à la nature. "C'est notre raison d'être".
Il tremble encore dans son linge, mais son regard de rapace nous transperce. Son bec attrape les petits morceaux de viande que la soigneuse lui tend à l'aide d'une pince à épiler. L'animal est vorace. C'est bon signe. "On lui donne des poussins que des couvoirs nous fournissent congelés. C'est pour s'approcher de la nourriture qu'il trouverait dans la nature", explique Alyssa, la soigneuse du centre de la Dame blanche.
Ce jeune faucon hobereau est arrivé il y a dix jours, en état de quasi-paralysie. "Des gens l'ont trouvé et nous l'ont amené. Il ne bougeait plus les pattes ni la queue. On ne sait pas ce qui lui est arrivé. Sans doute un choc avec une voiture. Il va beaucoup mieux, mais il ne peut pas encore se nourrir tout seul. On pense que c'est le stress", confie la soigneuse qui veille sur lui depuis qu'il est arrivé au centre.
"On a soigné des milliers et des milliers d'animaux"
D'ici quelques jours, l'oiseau partira en convalescence dans l'une des volières du centre. "On verra s'il mange et s'il se déplace correctement". Dès que son état le permettra, le faucon hobereau sera relâché dans la nature. Ce redoutable chasseur habite les lisières de bois et les bosquets d'où il peut fondre sur ses proies, du moins s'il n'est pas blessé...
Ici, c'est un peu comme à l'hôpital. On soigne. Ensuite, les oiseaux rentrent chez eux.
Ayssa, soigneuse à la Dame blancheFrance 3 Normandie
Gérard Bertran se souvient de la naissance de la Dame blanche. Il est précis : "le 19 décembre 1986". Ce centre est l'œuvre de sa vie. "Mon père était le régisseur d'une ferme. En le suivant au travail, j'ai commencé à m'intéresser aux oiseaux."
Un jour, un bûcheron m'a amené des bébés chouettes qu'il avait blessées en coupant un arbre. J'ai commencé comme ça, en soignant des chouettes dans ma chambre. Ma mère n'appréciait pas trop...
Gérard Bertran, président de la Dame blancheFrance 3 Normandie
En longeant les grandes volières où les oiseaux convalescents retrouvent l'usage de leurs ailes, Gérard Bertran mesure le chemin parcouru. "On a soigné des milliers et des milliers d'animaux". Aujourd'hui, la Dame blanche est estampillée "centre de sauvegarde". L'association reçoit les animaux blessés du Calvados, de la Manche, de l'Orne et de l'Eure. Ils lui sont confiés par l'Office Français de la Biodiversité et, le plus souvent, par des particuliers.
Canicule, sécheresse, un été meurtrier
Cet été, la Dame blanche a été littéralement submergée. "On recevait entre 80 et 100 coups de téléphone par jour. Nous avions déjà accueilli plus de mille animaux en juillet, raconte le président de l'association. Jamais ont n'avait atteint un tel niveau si tôt dans la saison". La sécheresse et, plus encore, les chaleurs extrêmes ont diablement fait souffrir la faune sauvage de nos campagnes.
"On a eu beaucoup d'oisillons. Les jeunes quittaient les nids beaucoup trop vite. Ceux qui nichent dans les toits sous les ardoises, c'était encore pire, vous imaginez... Nous avons aussi eu beaucoup de hérissons." Pour l'association qui fait avec un budget serré, cet été meurtrier n'est pas sans conséquences. Les frais de vétérinaire ont beaucoup augmenté et il a fallu acheter de la nourriture en quantité.
La Dame blanche vit grâce au soutien des communes alentours. "C'est souvent des subventions de 500 ou 1000 euros. Le département du Calvados nous aide aussi. On a l'espoir que la région Normandie le fera aussi". Des particuliers effectuent aussi des dons.
Enfin, le parc animalier, créé il y a une dizaine d'années, permet de générer des recettes. L'association y abrite des animaux domestiques, mais aussi des renards, des biches et des corneilles qui n'auraient pas pu survivre dans la nature malgré les soins prodigués.
On a de plus en plus d'animaux blessés par des voitures ou des lignes électriques. En les soignant, on essaye de réparer les dégâts causés par l'être humain.
Gérard Bertran, président de la Dame blancheFrance 3 Normandie
"Avec le parc, on leur offre la possibilité d'avoir une vie, mais la finalité des soins, c'est de remettre les animaux dans la nature", insiste Samuel Haye, l'un des soigneurs de la Dame blanche. Dans une petite cage qu'il tient à bout de bras, un faucon crécerelle s'apprête à recouvrer la liberté. Il était arrivé blessé. Après avoir été soigné, il brûle de retrouver les haies du bocage à partir desquelles il part à la chasse aux rongeurs.
Gérard Bertran tient les pattes du faucon entre les doigts. "On lui souhaite un bon vol et une longue vie". L'oiseau s'envole. Il regagne une nature devenu presque hostile. "Leur territoire est de plus en plus occupé et transformé par l'homme. On a de plus en plus d'animaux blessés par des voitures ou des lignes électriques. Le but, c'est de maintenir autant que possible la biodiversité en leur apportant des soins. On essaye de réparer les dégâts causés par l'être humain".