À 33 ans, Marion consacre sa carrière professionnelle à un public de sportifs qui requièrent toute son attention. Elle organise près de Caen des séances de sport adapté aux enfants atteints de troubles du spectre autistique ou TSA. Marion nous explique ce qui motive ses choix.
Au moment de passer ses diplômes d’éducatrice sportive, Marion n’imaginait pas se consacrer à des enfants atteints de handicaps mentaux et/ou moteurs. Mais ses pas l’ont amenée à travailler pour l’association Cap'Sport, à Hérouville-saint-Clair, dont c’est le cœur même. Depuis 6 ans, elle travaille surtout avec des 4-18 ans atteints de troubles du spectre autistique. "Une fois inscrits en sport, les enfants restent des années, alors on s’attache, et surtout on se sent utile !" note-t-elle, enjouée.
Une souplesse sans faille pour adapter les séances aux enfants
Ce genre de proposition à destination d’enfants autistes est rare. "À ma connaissance, nous sommes les seuls à proposer un encadrement d’un adulte par enfant pour la pratique d’une activité sportive." Actuellement, l’association accueille 15 enfants les mercredis après-midi.
"Cela demande énormément d’adaptation : chaque enfant autiste est différent des autres, alors on élabore des séances que l’on modifie à la carte, selon l’enfant et selon son état du jour", explique Marion, avant de détailler les moments clés d'une séance de sport adapté.
"L'accueil est essentiel. On leur apprend des règles comme de ranger correctement leurs affaires au vestiaire. Puis ils sont invités à indiquer leur état émotionnel du moment. C’est important pour le déroulement de la séance. Suivent un échauffement et les activités du jour. Le moment de se quitter est tout aussi important que l’accueil, il faut souvent calmer et apaiser. Bien souvent, les jeunes sont ravis d’être là avec nous et n’ont pas envie de partir."
L'appui des familles
Les activités sont élaborées grâce aux informations que les parents transmettent. "La famille joue un rôle essentiel. Lors de l’inscription, les parents nous indiquent si leur enfant est verbal ou pas, ce qui peut déclencher une crise, ce qui l’apaise, ce qu’il aime ou pas… Tout cela nous aide à organiser les séances d’activité" explique Marion.
D’un enfant à l’autre, ce que l’on propose peut ne pas convenir du tout, parfois on doit juste faire au mieux. Mais le plus gratifiant c’est de constater qu’un jeune évolue de séance en séance
Marion Bissey, repsonsable de Sport Autistes Mineurs
D'ailleurs, l’an dernier, un jeune est resté dans le couloir pour la première séance, puis s’est approché un peu et participe pleinement à l’activité aujourd'hui.
Les qualités d’une éducatrice sportive pour les jeunes atteints de TSA
Marion est formelle là-dessus : "il faut une grande patience, beaucoup de bienveillance et bien sûr un sens de l’adaptation. Ce genre de séance exige de donner 100% de son énergie, et de mettre ses problèmes personnels de côté." Le collectif est présent en cas de besoin. "On doit s’appuyer les uns sur les autres. Par exemple, quand une crise éclate, l’éducateur n’a pas toujours la solution pour apaiser l’enfant mais l’autre peut y parvenir différemment. Il est essentiel de travailler ensemble."
Rarement, Marion a pu se sentir dépassée. "J’ai reçu une fois un bon coup de tête lors d’une crise, mais cela arrive exceptionnellement. Cela peut-être difficile et prenant émotionnellement, il faut une énergie conséquente. Mais c’est ambivalent parce qu’on s’attache beaucoup aux jeunes et aux familles. On leur apporte un moment de répit."
Apprendre à communiquer
Mais comment comprendre un enfant autiste, qui parfois ne peut pas exprimer en mots ses besoins ? Pour Marion, l’expérience et la formation sont les réponses à ces questions.
On apprend à déceler ce qui va convenir aux profils d’enfants que l’on accompagne. Sur le long terme, on finit par comprendre ce qu’ils aiment ou pas. Une jeune fille n’aime pas la musique, l’autre n’apprécie pas le contact physique
Marion Bissey, responsable de SAM
Elle complète : "Même s’ils ne parlent pas, ça se voit très vite sur leur visage, ou alors ils s’expriment parfois en langue des signes, ou par des petites images. On travaille d’ailleurs avec des pictogrammes pour comprendre s’ils ont mal quelque part ou pour qualifier leurs émotions. " Des rencontres organisées avec des professionnels de structures comme une psychologue d’un IME ou Autisme Basse Normandie permettent d’échanger et d’enrichir les expériences.
Des sports innovants
Pour mettre au point les séances, Marion estime disposer d’une valise pédagogique fournie. "On peut pratiquer du basket ou du foot afin de travailler la coopération pour les enfants plus autonomes. On a aussi accès à des sports innovants comme le tchoukball, un dérivé du handball pour lequel on doit lancer le ballon sur des trampolines en guise de buts. On s’essaie aussi au Kin Ball, avec un ballon de baudruche énorme. Tout cela pour s’ouvrir aux partenaires." Attendre son tour, donner le ballon. Des gestes simples en apparence, mais qui se dégustent avec un petit goût de victoire.
Les enfants plus autonomes atteints de TSA peuvent intégrer un club après leurs 18 ans. "L’un de nos jeunes a pu rejoindre l’an dernier le club de tennis de table d’Hérouville saint Clair." Faire un pas l’un vers l’autre infuse aussi tout le projet. "Pendant les vacances, on amène les enfants suffisamment autonomes en centre de loisirs, pour confronter les autres au handicap. On organise une activité commune afin d’éloigner les peurs et faire évoluer le regard sur la différence", insiste l'éducatrice sportive.
Un souvenir marquant
"Je me souviens d’une jeune fille, Reïnnah, âgée de 16 ans qui était dans l’observation lors de sa première séance. On a à peine pu l’approcher. Aujourd’hui, on fait du step ensemble, elle est concentrée et à l’écoute. "
Quelques informations en plus
Les troubles du spectre de l'autisme identifiés représentent 1% de la population française.
L'association SAM Sport Autistes Mineurs est une antenne de Cap'Sport.
Ce dispositif existe depuis 10 ans.
120 mineurs en ont bénéficié.
Le coût d'inscription est de 30 euros par an.
L'association est toujours à la recherche de mécènes et de dons.