TEMOIGNAGE. "Une nuit, il m'a menacé avec un fusil à pompe" Battue par son mari pendant 20 ans, elle raconte son calvaire

Son ex-mari l'a battue pendant près de 20 ans, Isabelle a accepté de témoigner. Elle décrit des violences morales, physiques, des coups, des viols.

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Isabelle (prénom d'emprunt) a été violentée pendant vingt ans par le père de ses quatre enfants. En 2013, elle trouve le courage de quitter ce mari violent et cette relation toxique. Onze ans plus tard, elle accepte de témoigner et de revenir sur les traumatismes subis.

Quelle est votre histoire avec cet homme ?

Isabelle : "J'ai vécu 10 ans avec mes trois premiers enfants, qui étaient les siens aussi, en étant sa maîtresse. Il venait nous voir le soir et les week-ends. Ensuite, il a divorcé de sa première épouse, et puis on s'est marié. Nous avons vécu ensemble dix ans de plus, et un quatrième enfant est arrivé.

J'ai vécu 20 ans de violences morales et physiques : des coups, des viols, des interdictions de sortir, de contacter qui que ce soit, même pas ma famille. Je ne voyais plus ma mère, mon père, je n'avais plus de contact avec mes frères". 

Comment s'est matérialisé le tout premier acte de violence de sa part ?

Isabelle : "Au tout début, on n'avait pas encore d'enfant, on ne vivait pas ensemble. Un jour, on rentrait en voiture, j'en descends et un monsieur regarde par la fenêtre. Ça a été une crise avec des coups parce que ce monsieur m'avait remarquée.

Ensuite, les coups pouvaient tomber à cause de vêtements que je portais, de quelqu'un qui me regardait ou à qui je parlais.

Toutes les nuits, après avoir regardé son film X, il me réveillait pour avoir une relation sexuelle non consentie. Il fallait au minimum un rapport sexuel par jour, c'était obligatoire.

Isabelle, victime de violences conjugales

Comment se passait la vie au quotidien ?

"Les dix années durant lesquelles on a été mariés, toutes les nuits, après avoir regardé son film X, il me réveillait pour - je ne vais pas dire faire l'amour - mais pour avoir une relation sexuelle non consentie. C'était obligatoire, il fallait au minimum un rapport sexuel par jour. Plus c'était mieux, mais il en fallait un au minimum".

Vous avez vécu 20 ans avec cet homme. Est-ce qu'un jour on se dit que ce n’est pas normal ?

Isabelle : "Pas du tout puisque c'était de ma faute. C'est moi qui n'agissais pas en bonne épouse. Je ne vais pas vous dire que c'était normal de recevoir des coups, mais c'était naturel on va dire. C'était ma vie. Quelque part au fond de moi, je pensais que je le méritais. Je ne me rendais pas compte que j'étais une victime".

Y'a-t-il eu des moments plus difficiles que d'autres ?

Isabelle : "Deux ans avant de partir, j'ai passé la nuit la plus horrible de toutes, une nuit de viols à répétition, avec des insultes des coups, des menaces avec un fusil à pompes. Il disait : 'je vais te tuer, tuer nos enfants et me suicider après'. Là, je me suis dit, 'Non, il n'y a pas d'amour', mais comment partir quand on n'a personne qu'on n'a pas les clés, on ne sait pas. 

Quel a été le déclic pour vous décider à partir ?

Isabelle : "Le petit dernier venait de prendre 6 ans. Il s'est interposé dans une dispute en disant 'Écoute papa, si tu continues à taper maman, je t'en mets une'. Il s'est ramassé une gifle comme jamais, puisque c'était l'enfant roi, celui a qui il ne fallait jamais rien dire. Je me suis dit : s'il commence à frapper l'enfant roi, jusqu'où ça va aller ? Je ne peux plus rester avec lui, ce n'est plus possible. J'ai appelé l'assistante sociale, et tout s'est mis en œuvre pour pouvoir partir".

Quand je suis partie je suis allée porter plainte pour violence conjugale. Le policier qui a pris ma déposition m'a dit : 'Vous vous rendez compte que j'aurais pu faire votre connaissance dans les journaux après votre décès ?" Là, je me suis ramassé une gifle en me disant que c'est vrai, j'aurais pu mourir. C'est là que j'ai commencé à comprendre que ce n’était pas normal".

Combien de temps ont pris toutes ses démarches ?

Isabelle : "Une quinzaine de jours, qui peuvent être très, très, très long. Il faut continuer à vivre comme si de rien n'était et faire en sorte de pouvoir partir. Je me faisais dans la tête la liste des choses que j'avais à emmener sans pouvoir les préparer. Je savais que si je faisais une valise ou un sac, il allait comprendre parce que ce n'était pas la première fois que j'essayais de partir. À chaque fois, il avait repéré, et je n'étais pas partie. 

L'assistante sociale m'a aidée à faire les démarches pour partir, avec le CHRS. J'ai pu avoir un logement avec les enfants et être aidée avec tout un système médical, et être soutenue dans mes démarches administratives et ma plainte. Par contre, ce qui n'a pas pu être prouvé dans mon cas ce sont les viols, et je trouve que c'est très dommage".

Vous êtes partie il y a 11 ans, comment vous sentez-vous aujourd'hui ?

Isabelle : "Je me sens bien mais il y a des séquelles. Si mon mari actuel me dit "on sort ce soir ?", j'ai toujours tendance à lui répondre "où tu veux"? J'ai gardé cette habitude de m'effacer. Mes enfants, je vous dirai qu'ils vont bien, mais avec des séquelles évidemment. À l’époque, je pensais les protéger, puisque les violences étaient au maximum la nuit, mais en fait non, puisqu'ils entendaient tout. Ils vont bien, les filles plus que les garçons".

Vivez-vous encore avec la peur ?

Isabelle : "Au début, oui, on vit dans la peur, on se retourne, on regarde partout, avant de sortir dans la rue, on réfléchit. Maintenant, je n'y pense plus au quotidien. Mais si je dois aller le voir pour aller chercher mon fils, je suis quasiment tétanisée, je m'enferme dans la voiture, j'attends que mon fils arrive, parce que j'ai très peur. 

À l’issue de son procès, l'ex-mari d'Isabelle a été condamné à 1 200 euros de dommages et intérêts, il a dû payer les frais d'avocat et une obligation de deux ans de soins. "Avec le recul je me dis que c'est rien, j'ai trouvé ça assez court". 

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