A Vire, profs et parents d'élèves se battent pour "deux collèges à taille humaine et pas une usine"

Le Département du Calvados a annoncé jeudi dernier la fermeture d'un des deux collèges de Vire à la rentrée 2023 pour des raisons démographiques. Professeurs et parents d'élèves estiment cette décision brutale et injustifiée. Une manifestation était organisée ce lundi matin devant les grilles de l'établissement condamné.

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Coup de massue, coup de tonnerre, claque, les mêmes expressions reviennent en boucle parmi les enseignants et les parents d'élèves du collège du quartier du Val de Vire. "Ça a été très très très violent. Il y a eu des larmes parce que ce collège, on l'aime, on y est attachés. Ce n'est pas qu'un lieu où on vient travailler. C'est une famille ici.", confie Elise Montécot, professeur de français, "On a obligé notre principal à attendre 17 heures pour annoncer la nouvelle. Pourquoi 17 heures ? Parce que c'est la fin des cours, les élèves sont partis, les parents aussi. Peut-être espérait-on une absence de réaction de notre part. Manque de bol, au Val de Vire, on réagit vite." Vendredi, dès le lendemain de l'annonce du Département du Calvados, une délégation a rencontré le maire de la ville. Ce lundi, tous les enseignants de l'établissement sont en grève. Et les parents d'élèves sont venus les soutenir.

Beaucoup l'ont appris dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Le collège du Val de Vire a vécu en ce mois de septembre sa dernière rentrée. L'an prochain, les 250 élèves traverseront la ville pour se rendre au collège Maupas. "Il y a une évolution démographique qui va s'accélérer dans un sens de décroissance. Sur les deux collèges, d'ici à 2028-2029, on aura probablement une baisse d'effectifs entre 10 et 15%", expliquait jeudi dernier Jean-Léonce Dupont, le président du Département du Calvados, "Vous avez deux collèges qui ont des dimensions différentes. Le risque, dans ce genre de situation, c'est que l'un des deux en pâtisse beaucoup plus vite et que ça crée un établissement avec des effectifs extraordinairement faibles sur lequel vous avez peu de stimuli pédagogiques et d'actions.

"On n'a jamais été mis dans la boucle !"

Le Département, qui table sur une baisse de 1500 collégiens en moins sur l'ensemble du Calvados d'ici la fin de la décennie, a donc décidé de prendre les devants. "Ils nous balancent des chiffres d'évolution démographiques en disant que le collège du Val-de-Vire "serait" à 165 élèves en 2028. Pourquoi avoir une décision dès septembre 2023 ? C'est du grand n'importe quoi !", s'insurge Nathalie Michaux, professeur de sport. "On est en 2022", approuve Frédéric, parent d'élève, "Peut-être que d'ici là, il y aura de nouveaux habitants. Il y a l'entreprise Normandise qui s'agrandit par exemple. Pourquoi prendre une décision si rapide. Et pourquoi, surtout, ne pas se concerter. On n'a jamais été mis dans la boucle !" Laëtitia, l'une des représentantes des parents d'élèves, confirme : "Au dernier conseil d'administration, Marc-Andreu Sabater (le maire de Vire) nous avait dit qu'il n'y avait pas de souci sur le devenir du collège. C'était au mois de juin ! J'ai envie de dire : c'était avant-hier."

Le même Marc-Andreu Sabater, également vice-président du Département du Calvados, était aux côtés de Jean-Léonce Dupont jeudi dernier alors qu'étaient dévoilés les contours de la carte scolaire 2023. "C'est une décision difficile à prendre et à assumer. Mais c'est une décision inéluctable et c'est pour ça que je ne m'y suis pas opposé", déclarait à notre micro le maire de Vire, avant de s'engager à ce que "toutes les questions soient traitées : l'accueil des collégiens sur le collège de Maupas, le transport, la restauration scolaire, toutes ces questions qui sont le quotidien des élèves et des familles."

Pour le maire, un "projet qui correspond aux besoins de ce quartier"

Pour ce qui est de l'accueil des élèves du quartier du Val-de-Vire, le Département rappelle qu'il investit 12 millions d'euros sur le collège Maupas, un établissement qui accueille aujourd'hui 500 élèves. Le collège du quartier du Val de Vire devrait lui connaitre une nouvelle vie. "Le CCAS (centre communal d'action sociale), la maison des associations et peut-être d'autres services de proximité y seront installés. C'est un projet qui correspond bien à ce que sont les besoins de ce quartier", assure le maire de Vire.

Un point de vue que ne partagent pas les enseignants et les parents d'élèves. "La vivacité du quartier, l'énergie du quartier, le poumon du quartier, c'est aussi un établissement scolaire. Un collège, c'est un élément vivant du quartier", estime Nathalie Michaux. "C'est un quartier populaire où la mixité sociale règne, c'est un modèle de ce qui peut se faire dans les villes", raconte Frédéric, parent d'élèves, "Il y a toutes les catégories socio-professionnelles et l'harmonie qui existent. On a une équipe pédagogique qui est super investie et très accompagnante.

Marquer les élèves à la culotte

La pédagogie, c'est l'un des arguments invoqués par le Département pour justifier ce projet de "fusion" qui ne dit pas son nom. "Il y a une initiative nationale de programmation de projets pédagogiques et d'innovations. Cinq collèges ont été retenus dans le Calvados et Maupas en fait partie", indique Jean-Léonce Dupont, "L'idée c'est de faire bénéficier de cette dynamique l'ensemble des collégiens de Vire."

À l'innovation, parents et enseignants préfèrent la proximité. "On a des élèves qui viennent à pied, qui ne viendraient peut-être pas ou moins à l'école si le collège n'était pas si près. Oui, on n'a que 250 élèves, mais on les connait", assure Elise Montécot, professeur de français, "On les connait quasiment tous, même si on ne les a pas eus en classe. C'est une force parce qu'on peut les marquer à la culotte, comme dit notre CPE (conseiller principal d'éducation). C'est important pour lutter contre le décrochage scolaire.

Tous estiment que la coexistence de deux collèges dans une ville de 17 000 habitants n'a rien d'anormal. "Le collège Maupas va être une grosse structure. Parmi nos missions, il y a la réussite des élèves. A 750, même s'il y a des choses innovantes, des nouveautés numériques, quand les élèves sont en difficulté c'est compliqué", estime Nathalie Michaux, professeur de sport, "Sur une ville comme Vire, on doit avoir deux collèges à taille humaine et non pas usine. Pour moi, ce serait néfaste pour la réussite des élèves."

Un dossier suivi par la Première ministre ?

Les représentants de parents d'élèves ont rédigé une lettre à l'attention de la Première ministre élue en juin dernier dans cette sixième circonscription du Calvados. Le suppléant d'Elisabeth Borne, Freddy Sertin, devenu député, était présent ce lundi matin pour rencontrer enseignants et parents d'élèves du collège du Val-de-Vire. L'ancien directeur de cabinet du maire de Vire se refusait à tout commentaire sur la situation, tout en déclarant : "Ce qui est sûr, c'est que les enjeux sont forts en termes d'égalité des chances et de mixité sociale sur ce territoire et que je souhaite remettre la concertation au cœur des débats." Le parlementaire assurait également tenir informée la Première ministre du dossier.

"À l'heure où le gouvernement a mis comme priorité l'éducation, ça (la fermeture du collège) sonne un peu bizarre dans la circonscription d'Elisabeth Borne", estime Frédéric, parent d'élève, "Ce n'est que le début. On va se battre. On est déterminés à défendre ce collège, ce beau collège." La pétition lancée en fin de semaine dernière pour sauver le collège du quartier du Val de Vire a déjà recueilli près de 2000 signatures.

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