Combien de temps ça va tenir ? Alors que les professionnels grognent depuis des années, les volontaires d'une caserne comme Vire (14) sont au bord du burn out. Sous-payés, privés de leur vie de famille, la corde est prête à casser. Ils sont à bout et ont montré leur ras-le-bol aux élus.
Sont-ils vraiment prêts à tout arrêter ? Laisser derrière eux des années d'engagement et de bons souvenirs de casernes ? Oui. La fatigue est là.
La lassitude et l'impression de vivre dans l'indifférence générale pourraient bien, à tout moment, prendre le dessus chez ces hommes et femmes qui consacrent une double vie au volontariat.
Ce samedi 30 novembre 2019 pour la fête de la Sainte-Barbe et la cérémonie officielle de la Sainte-Patronne des Pompiers, les volontaires de la caserne mixte (volontaires et professionnels réunis) de Vire sont passés à l'action.
Symboliquement, ils ont quitté les rangs et n'ont pas voulu assister au discours des élus, déployant une banderole de revendications.
Ils pensaient déposer les casques, mais la rebellion ça n'est pas dans leur gêne. C'est peut-être d'ailleurs pour cela qu'ils sont aujourd'hui acculés. Ils n'ont jamais dit non, et ont accepté (trop?) beaucoup de choses.
On est au bout du bout. Il faut tout le temps qu'on soit disponible, sans limite. On veut bien dépanner quand il y a un manque de personnel mais pas tout le temps. Là, on enchaîne les nuits à la caserne. Pendant ce temps là, on ne dort pas chez nous, avec notre famille. Moi quand je quitte la caserne à 7 heures du matin après 12 heures de présence. J'enchaîne avec mon travail, mon emploi, celui qui me donne un salaire, à 8 heures. et derrière, je dois faire ma journée au boulot ! (Pompiers volontaire de Vire qui a préféré rester anonyme, par crainte)
Un "prolontariat" devenu insupportable
Lors d'une nuit en caserne, en tant que volontaire, il nous assure qu'il est payé pour cela 3,33 euros de l'heure. Et quand il est d'astreinte, chez lui, c'est à peine plus de 0,75 centimes.
A sa retraite, il touchera une pension de 2000 euros par an, après 35 ans de volontariat.
"On nous demande de plus en plus d'enchaîner les nuits, et les week-ends et les jours fériés. Je n'ose même pas dire qu'on nous paye même pas les repas et que ça me coûte bien plus cher que de manger chez moi."
Des volontaires en "sous-pro"
C'est simple, ils ont comme l'impression que le volontariat s'est professionnalisé, ce qui donne une forme de formule "prolontariat". Une situation qui ,selon certains, arrange tout le monde. "Des jeunes se complaisent dans ce job sous payé, et comme c'est pas imposable, ils peuvent toucher un autre revenu du type allocation, RSA et autre. Tout le monde le sait et on laisse faire. C'est plus facile de payer des volontaires à 5 euros et quelques de l'heure, plutôt qu'un professionnel."
Désormais, ils demandent aux élus de prendre leurs responsabilités. "La semaine dernière on m'a demandé de rendre de l'argent parce que j'ai dépassé de 8H le quota annuel du temps de formation. Je suis redevable de ma poche."
Volontaires pour quoi faire ?
Le système repose aujourd'hui beaucoup trop sur eux, les volontaires. Les pofessionnels dénoncent cette situation depuis bien longtemps.
"Imaginez un monde sans pompiers", leur banderole
Dans une caserne mixte comme celle de Vire, on compte un effectif de 12 professionnels et 55 volontaires. Quand ils partent en missions, il y a dans le camion un pro et 4 volontaires.
Moi si je décidais d'arrêter? Mais je peux le faire quand je veux. Aucun contrat ne me lie au SDIS. Si j'arrête, je ne viens plus et puis c'est tout
Mais ces volontaires épuisés ont une conscience, un lien fort les unis. "Heureusement qu'entre pros et volontaires on s'entend bien, sinon ce serait invivable. On reste parce qu'on est dedans. C'est une passion."
Encore faut-il que ce soit tenable. Et si un jour le négatif l'emportait trop sur le positif, ça pourrait finir très mal pour le secours à la personne.
Les volontaires sont 18000 dans le Calvados et représentent 70 % de l'effectif total des sapeurs-pompiers du SDIS14.