Dix jours sans écrans : un défi relevé par les enfants mais plus difficile pour les parents

A Valdallière, dans le Calvados, plusieurs collégiens ont accepté de participer au défi "Dix jours sans écrans", une opération créée au Québec et qui se développe depuis quelques années en France. Une expérience riche d'enseignement pour ces ados et leurs parents, qui ne sont pas forcément les plus tenaces.

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Voilà plusieurs jours que la tablette de Jade repose sous la table basse. La batterie est à plat et une couche de poussière a recouvert l'écran. Sa console portable est elle aussi restée en sommeil, bien rangée dans son étui. Sa propriétaire, élève au collège Anne Frank de Valdallière, a redécouvert d'autres passes-temps au retour de l'école. "J'ai fait de la peinture, j'ai dessiné, j'ai lu, j'ai fabriqué un petit oiseau porte-crayon." Comme plusieurs de ses camarades, elle participe, volontairement, au défi "Dix jours sans écran". Et alors que le bout du tunnel se profile, la jeune fille ne montre aucune impatience ou excitation particulière. "Ça aurait pu durer deux ou trois jours de plus", assure-t-elle. Et au-delà ? "Peut-être pas.."

L'opération "Dix jours sans écrans" a vu le jour en 2003 au Québec. Il y a quelques années, elle a traversé l'Atlantique pour s'installer en France. En 2008, une trentaine d'établissements y participaient. Quatre ans plus tard, on en recense près de 241 et ce, un peu partout dans le pays. Plus de 30 000 enfants et adolescents tentent de se passer d'écrans, quels qu'ils soient (tablette, téléphone, ordinateur, console, télévision) durant une dizaine de jours. Seule exception autorisée : le travail (recherche d'informations pour un exposé sur internet par exemple). "Le but, c'est de proposer aux élèves, chez eux, au sein de leur foyer et de leur famille, de se rendre compte que les écrans sont un outil mais aussi une dépendance aujourd'hui. Et de les amener à réfléchir à d'autres moyens de passer le temps", explique lMaggy Claude-Baulat, professeure d'histoire-géographie.

"Au collège, on parlait plus entre nous"

Pour l'équipe enseignante à l'initiative de cette expérience, le premier bilan est positif, y compris au sein même de la classe. "J'ai trouvé que certains élèves me paraissaient moins fatigués. Le fait de couper les écrans le soir, ça apportait un meilleur endormissement et une attention un peu plus grande." Au moment de débriefer avec leur professeur, les jeunes adolescents sont unanimes. Outre le fait d'avoir découvert ou redécouvert d'autres occupations, l'expérience leur a permis de renouer certains liens. Entre eux tout d'abord. Privés de portable à la maison pour échanger sur les réseaux sociaux, "au collège, on parlait plus entre nous", raconte Jade, "Le midi, c'était bien parce que du coup on ne discutait pas que de youtube. On parlait un peu du collège, des évaluations.

En levant le nez de leurs écrans, les élèves ont aussi redécouvert leurs proches. "On peut discuter avec nos parents, on peut plus échanger", témoigne Romane, "Des fois il y a des choses qu'on n'avait encore jamais faites. Avant, quand mon petit frère rentrait de l'école, je ne voulais pas aller jouer avec lui parce que j'étais sur mon téléphone." Les écrans éteints, c'est un peu une vie de famille qui renaît. "J'ai gagné du temps avec ma fille, des sourires avec ma fille, j'ai gagné de la communication et de l'écoute", se réjouit Vanessa, la maman de Jade, "Elle prenait vraiment le temps de m'écouter et on prenait le temps de discuter. Elle n'était pas derrière son écran à me répondre : oui-oui. Il y avait de la conversation et de l'intérêt, de l'intérêt sur des petites choses de la vie quotidienne comme venir faire à manger, des petites choses de la vie quotidiennes que les écrans perturbent."

"Les adultes ont un peu leurs petites habitudes"

Les adultes étaient invités à montrer l'exemple. Les enseignants se sont pliés au défi. "Certains moments, comme les élèves, ça a été dur", reconnait la professeure d'histoire-géo, "plus par habitude que par nécessité. Les habitudes sont ancrées." Et quand l'enseignante demande à ses élèves si leurs parents ont joué le jeu, c'est un "Non !" qui retentit dans la salle de classe au milieu des rires. "Maman, elle a sa petite émission qu'elle aime bien regarder. Des fois quand je pose trop de questions, elle dit : j'allume la télé. Du coup, je suis obligée d'aller dans ma chambre", raconte une élève. "Ils (les adultes) ont un peu leurs petites habitudes", analyse Ruben, "Ils font toujours un peu la même chose, ils regardent un peu toujours les mêmes émissions, à la même heure." Le choc des générations entre les enfants de la télé, du linéaire, et leur progéniture biberonnée à internet et aux services de vidéo à la demande.

"J'ai essayé mais je vous avoue que je n'ai pas été aussi assidue que ma fille. J'ai craqué", reconnait Vanessa, la maman de Jade, "Après le repas, le soir, j'ai allumé l'écran pour regarder mon film." Et de se défendre : "Mais on a essayé d'aider Jade pendant les journées les plus longues où il n'y avait pas école, pas d'activité, où elle était à la maison avec nous." La mère de famille est pourtant partisane de limiter le temps d'écran de ses enfants. "Pendant tout un été, j'avais interdit à mes enfants tout ce qui était tablette ou portable", se souvient Vanessa, "Quand ils se sont retrouvés à la rentrée scolaire, ils sont rentrés un peu dépités. Ils m'ont expliqué qu'ils avaient été un peu mis à l'écart, d'une certaine façon, parce qu'ils n'avaient pas connaissance de tel youtubeur ou de telle vidéo. Jade s'est sentie exclue. Malgré tout, les écrans ont de l'importance dans leur vie sociale. On ne peut pas faire sans." Ne pas faire sans mais, peut-être, ne pas leur laisser toute la place, sûrement.

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