La locataire de Matignon a fait le choix de « décliner » l’invitation à ce débat pour rester « sur le terrain ». Par conséquent, le candidat du Rassemblement National, Jean-Philippe Roy, a décidé de quitter le plateau. À une semaine du 1er tour, quatre des 11 candidats ont tout de même défendu leurs idées pour la 6ème du Calvados où l’enjeu est de rendre plus attractif ce territoire à deux vitesses, partagé entre ruralité et zones urbaines.
La question est tout suite posée aux candidats présents « quelle est votre réaction face à l’absence d’Elisabeth Borne ? ». L’un d’entre eux décide de quitter le plateau. Il s’agit de Jean-Philippe Roy, candidat du Rassemblement National : « je vais faire comme madame Borne, être sur le terrain et aller à la rencontre des habitants pour défendre mon programme ». Il ajoute « je me suis déplacé jusqu’ici vis-à-vis de vous [France 3], des électeurs et des autres candidats. Madame Borne ne veut pas débattre et bien je débattrai avec elle au deuxième tour, enfin, si elle veut bien débattre ! ». Puis il prend la direction de la sortie.
En effet, Elisabeth Borne, candidate Ensemble-LREM, a décidé de décliner l’invitation à ce débat sur les législatives de la 6ème circonscription du Calvados, officiellement pour des raisons d’agenda : « j’ai eu cette proposition de France 3 Normandie qui me mangeait une bonne partie du temps que je peux passer dans ma circonscription. Je préfère aller à la rencontre des françaises et des français, des élus, des chefs d’entreprise » confiait-elle aux micros de France 3 Normandie, il y a quelques jours.
De son côté, Lynda Lahalle, candidate Divers Droite, ne semble pas étonnée par cette absence : « le fait qu’elle ne soit pas là montre déjà ce que sera la suite si elle est élue ». Noé Gauchard, avec son étiquette de la Nouvelle Union populaire Écologique et Sociale, renchérit : « elle dit « ma circonscription » mais je pense qu’elle a découvert les communes de cette circonscription il y a à peine un mois et demi donc ce n’est pas sérieux de se présenter quand on est Première ministre, qu’on ne vient pas débattre ni de son bilan, ni de ses propositions ». Pour Valérie Dupont, candidate du parti Reconquête: « elle est très méprisante vis-à-vis des électeurs ».
Une circonscription sous les feux des projecteurs
En se lançant dans ses premières législatives ici, Élisabeth Borne a fait de la 6ème du Calvados, la circonscription la plus surveillée de Normandie et sans doute même celle de tout l’Hexagone.
Elle s’étend sur une longueur de 90 kilomètres entre Saint-Sever à l’ouest et Bourguébus à l’est. Vire est la ville principale. La 6ème circonscription compte 128 065 habitants, selon les chiffres de l'Insee et 10 cantons (Aunay-sur-Odon, Le Bény-Bocage, Bourguébus, Condé-sur-Noireau, Évrecy, Saint-Sever-Calvados, Thury-Harcourt, Vassy, Villers-Bocage, Vire). Un périmètre de 128 communes au total où les calvadosiens vont devoir faire leur choix entre 11 candidats : Bruno Battail (Parti animaliste), Élisabeth Borne (LREM), Valérie Dupont (Reconquête), Noé Gauchard (LFI), Pascale Georget (LO), Mickaël Guettier (DLF), Lynda Lahalle (DVD), Anne-Lyse Mbelo (Radicaux de gauche), François Ormain (Libertés et Territoires), Jean-Philippe Roy (RN), Jemâa Saad (Écologie au centre).
Législatives 2022 : quel enjeu politique ?
Lors des dernières législatives, le député sortant, Alain Tourret (LREM) avait obtenu plus de 68% des voix face au candidat du Rassemblement national, Jean-Philippe Roy. Aujourd’hui, il se trouve face à la Première ministre, tout comme les autres candidats. Plusieurs questions se posent : le statut d’Élisabeth Borne ne peut-il être un atout pour les habitants de cette circonscription ? Les autres candidats ont-une chance de l’emporter alors qu’Emmanuel Macron est arrivé en tête de la présidentielle avec plus de 56% des suffrages ?
Législatives 2022 : quelles problématiques territoriales ?
La 6ème circonscription du Calvados est un territoire à deux vitesses. Une partie des 128 000 habitants résident dans des villes dortoirs comme par exemple Évrecy. Ce sont des zones proches de Caen où les habitants vivent mais ils consomment et travaillent à Caen. Et puis il y a Vire-Normandie. Un bassin de population de 17 000 personnes en plein bocage. C’est la ville principale de cette circonscription avec une moyenne d’âge de 42 ans, loin de tout où il est compliqué d’attirer les jeunes. Les alentours comptent beaucoup d’agriculteurs et de producteurs laitiers.
Comment rendre le territoire plus attractif ?
Autour de Vire-Normandie, une zone « loin de tout », Noé Gauchard (NUPES) propose de : « développer des écoles primaires, secondaires car il faut arrêter ces groupes scolaires qui sont éloignés de tout et ce qui fait vivre une ville ce sont les commerces certes mais aussi les services publiques de proximité». Pour Lynda Lahalle (DVD) il faut : « développer différentes formes de mobilités et notamment les modes de transports. 90% des personnes se déplacent en voiture dans la circonscription car ils vivent en périphérie des grandes villes ou en zones rurales et ils n’ont pas le choix. On peut aussi développer le co-voiturage». De son côté Pascale Georget, candidate Lutte Ouvrière, estime qu’il faut « développer les transports collectifs, les petites lignes, si on construit des autoroutes ça va coûter trop cher ».
Ça fait 30 ans que cette partie du territoire est mal desservie. Un projet de route entre vire est l'A84 avait été envisagé mais il n'a jamais vu le jour. Son coût : 80 millions d'euros.
Faire face à la pénurie de main d’œuvre à Vire-Normandie ?
Le taux de chômage dans cette circonscription est de 6,1% au dernier trimestre 2021. Pourtant les entreprises Normandise ou encore Guy Degrenne, ancrées sur le territoire virois, ont des dizaines de postes à pourvoir. Mais elles font face à une pénurie de main d’œuvre. Pour Noé Gauchard (NUPES) : « il faut mettre en place des formations spécialisées à Vire pour former les jeunes et ainsi créer de la main d’œuvre et donner envie à ces personnes de vivre à Vire en proposant des événements et des trains pour qu’ils ne restent pas enclavés ici ». Lynda Lahalle (DVD) propose « de mettre plus de formation en alternance en place, il y a ainsi plus de chance pour que le jeune reste ».
Le pouvoir d’achat
10% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté dans cette circonscription et le pouvoir d’achat est bien évidemment au cœur de ces élections. Patricia Georget (LO) ne mâche pas ses mots : « le SMIC et les retraites doivent être à 2000 euros, on a le droit de vivre correctement et c’est au patronat et aux entreprises du CAC 40 de payer ». Valérie Dupont (Reconquête) rejoint cette idée : « il faut bien évidemment augmenter les salaires, on ne peut pas rester à ce niveau-là. Quand je vois que pour faire 750 kilomètres, je mets 90 euros dans ma voiture, là il y a vrai problème. L’Etat fait une remise de 0,15 centimes d’euros par litre mais en réalité, il pourrait le faire de 1,20 euros ». De son côté, le candidat NUPES, Noé Gauchard propose : « un plan d’urgence avec un SMIC à 1500 euros et des allocations décentes pour les étudiants. Il faut aussi bloquer le prix des carburants mais aussi des produits de première nécessité ».
Santé : comment faire face aux déserts médicaux?
La Normandie compte en moyenne un médecin pour 1500 habitants contre 1100 au niveau national. Alors comment se soigner alors que près d’un tiers des praticiens ont passé l’âge de 60 ans ? Selon Lynda Lahalle (DVD) : « quand un médecin sort de l’école, il faut qu’il s’installe en zone rurale et il faut être plus contraignant. Il faut aussi développer les pôles de santé pluridisciplinaires, ça permettrait aux citoyens d’avoir plus facilement accès à un médecin ». Pour Noé Gauchard (NUPES) : « il faut supprimer le numerus clausus et faire en sorte qu’il y ait plus d’étudiants en médecine qui iront s’installer en zone rurale ». Il s'exprime au sujet de la téléconsultation : "il faut arrêter ça, c'est deshumanisant, et ça renforce la fracture numérique ». Pour Valérie Dupont (reconquête) : « il faut vraiment plus de médecins salariés et faire en sorte que les internes prennent la place des généralistes. Et puis bien évidemment réintégrer les 15 000 soignants que le gouvernement a renvoyés car ils ne se sont pas vaccinés ». Patricia Georget (LO) ajoute : « réintégrer ce personnel soignant et embaucher ».
Les quatre candidats de ce débat veulent aussi maintenir l’hôpital de Vire et se battre pour rouvrir le service de maternité. Conscients que pour attirer le personnel hospitalier, il faut relancer l’attractivité du territoire.
Revoir l'intégralité du débat de la 6ème circonscription du Calvados :