Sécheresse : comment ce maraîcher bio s'adapte pour limiter la consommation d'eau

Manque de pluie et fortes chaleurs, c'est le cocktail infernal pour les plantes, qui suffoquent, brûlent ou ne se développent pas assez. Tous les maraîchers souffrent sans exception. Certains moins que d'autres. Rencontre à Vassy avec Franck Besson, qui anticipe déjà la sécheresse de l'été prochain.

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Au marché de Vassy aujourd'hui, ses tomates font rougir les clients. "Franck et Christine sortent de l'ordinaire. Avant de vendre, ils offrent, systématiquement. Quand je vais à leur ferme le mardi et le samedi, il y a toujours du gâteau et du café. C'est incroyable ! Je ne devrais pas le dire trop fort, explique son plus fidèle client avant d'ajouter "Ils ont l'art de nous expliquer comment ils travaillent, pourquoi il manque tels ou tels légumes. Et ça nous enrichit".

C'est vrai. On pourrait entendre Franck Besson parler de ses légumes pendant des heures. C'est un passionné. Même s'il souffre de la sécheresse, comme ses cultures, il raconte sans se plaindre. 

Son puits est déjà sec, avec deux mois d'avance !

"Je conserve les eaux de pluie, dans un puits. D'habitude, il s'assèche mi-septembre. J'arrose alors avec l'eau municipale quelques jours, c'est suffisant car la pluie retombe assez vite. Cette année, je me suis servi de l'eau municipale dès le mois de juin."

Regardez comment il sondait son puits, le 14 juillet dernier. Il lui reste alors un mètre d'eau. Dans son post, il écrit : "Comment sonder un puits avec la technologie de l'âge de pierre ?

Bon on rigole mais en réalité c'est assez inquiétant. Les nappes phréatiques sont anormalement basses même en Normandie "

L'explication est simple. Pas de pluie. Les nappes phréatiques peinent à se recharger. Rajoutez à cela, la chaleur, qui accroît l'évaporation. Les plantes ont donc besoin de plus d'eau. De plus, il vit à Vassy, en zone de "crise", où l'irrigation est limitée à trois nuits par semaine de 18h00 à 10H00. 

"Cela me suffit, car j'ai une petite surface, 3200 m2. Et puis, je mets du paillage sur mes cultures pour retenir l'eau et limiter son évaporation", précise t-il. 

Plus de salades et des courges et artichauts plus petits

Franck Besson fait tout ce qu'il peut pour sauver ses cultures, mais ça ne veut pas forcément dire qu'ils seront aussi beaux que souhaité. Ce matin au marché, il n'avait pas de salades par exemple.

Au dessus de 30 degrés, les plantes ne se développent plus. Or, mardi, il faisait 47°C au sol. Les légumes à feuilles comme les salades, les courges ou les artichauts ne poussent plus et sont très petits.

Franck Besson, maraîcher à Vassy

Comment Franck Besson s'adapte et anticipe les futures sécheresses

Originaire d'Avignon, Franck Besson a bien conscience que les épisodes de sécheresse ne font que commencer en Normandie. Il faudra s'y habituer et s'adapter. Selon les chiffres du Ministère de la transition écologique, la ressource en eau a chuté de 14% au cours des deux dernières décennies, en France.

Un rapport d'information de l'Assemblée Nationale alertait en juin 2020 :"Les changements climatiques vont intensifier et aggraver les situations de pénurie d'eau".

La prédiction de René Dumont, premier candidat écologiste à l'élection présidentielle résonne étrangement :

Nous allons bientôt manquer d'eau

René Dumont, en avril 1974

Alors que faire ? Rester les bras croisés à attendre la pluie ? Ce n'est pas le genre de la maison. "C'est simple, l'an prochain, je diminue ma surface de culture pour ne garder que les 2/3. J'aurai ainsi moins de terre à arroser".

 Franck Besson va donc augmenter sa densité de légumes au mètre carré et favoriser des associations de cultures : "Par exemple, si je mets entre les céleris des salades, les feuilles vont m'apporter de l'ombre et j'aurai ainsi moins d'évaporation d'eau."

Ce maraîcher bio précise bien que ce n'est réalisable uniquement parce qu'il travaille à la main. Avec un tracteur, c'est impossible, il faut espacer les cultures pour permettre son passage entre les rangées. "Les outils doivent s'adapter à nos cultures, et pas l'inverse".

Dans la même logique, il va semer plus d'engrais verts pour couvrir les sols et augmenter le nombre de haies. Il en a déjà 1km sur 2ha de terrain. "C'est fantastique les haies. Elles donnent de l'ombre, favorisent le drainage de l'eau et c'est un refuge formidable pour la biodiversité. Cela vous donne un milieu plus riche et résilient. C'est bon pour les champignons qui nourrissent les plantes et  leur permettent d'être plus efficaces."

L'autre fléau : la baisse du pouvoir d'achat 

Ce qui l'inquiète surtout, c'est la fuite des clients vers les hard-discounters. L'effet du premier confinement, qui lui a amené une nouvelle clientèle, s'est arrêté brutalement. Aujourd'hui, le poids du porte-monnaie pèse lourd dans la balance. 

Les gens préfèrent mettre un litre d'essence dans leur voiture que d'acheter 500g de tomates

Franck Besson, maraîcher bio à Vassy

Sa ferme "Les radis de Vassy" fournit une AMAP*. Il y a deux ans, il livrait 40 paniers par semaine. Cette année, il en compte neuf, seulement. "Je ne sais plus si je vais continuer, car ça va me coûter plus cher en livraison"

* Association pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne

Et pourtant, il joue le jeu. Il n'a pas répercuté le surcoût de la sécheresse sur ses prix. De juin à septembre, ses tomates charnues, qui  "poussent dans la terre, ont du goût et rougissent sans pesticides, coûtent le même prix : 5 euros le kilo. "

Ce maraîcher sait de quoi il parle: 

"Devinez combien je gagne par mois ? Après un long silence de réflexion, il rompt le suspens : "480 euros par mois soit l'équivalent de 15h par semaine. 

Franck Besson

Lui ne compte plus ses heures, mais sur le soutien de sa femme Christine, une infirmière qui l'aide à faire les marchés. "Mon associé vient de partir, c'était trop dur."

La journée de marché, à peine terminée, il prépare déjà la vente de mardi, à la ferme, où bien sûr, les clients retrouveront les gâteaux, le café et sa bonne humeur. 

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