C'est l'une des fonctions de la littérature, s'échapper par l'imaginaire. Depuis le début du confinement, Zulma, la maison d'édition normande, partage sur son site une nouvelle tous les deux jours. Les lecteurs peuvent même s'inscrire pour la recevoir directement sur leur boite mail.
Une nouvelle pour échapper aux nouvelles. L'idée a germé chez Zulma à la veille du confinement décrété le 17 mars dernier. "On ne pouvait pas se quitter comme ça. On ne savait pas combien de temps ça allait durer alors on a eu envie d'offrir quelque chose de beau et de gratuit aux amoureux de la littérature " explique Laure Leroy, fondatrice et directrice de cette maison d'édition installée à Veules-les-Roses, magnifique village de la côte d'Albâtre en Seine-Maritime.
Une nouvelle, plutôt qu'un extrait d'un roman publié. "Un extrait c'est comme un teasing, alors qu'une nouvelle, c'est une oeuvre à part entière, complète, ronde, qui a son identité à elle toute seule. Et puis on est tous en grande difficulté de concentration. Le format de la nouvelle est donc adapté à nos capacités intellectuelles réduites en ce moment."
Des auteurs du monde entier
Et les nouvelles, on aime ça chez Zulma. En trente ans, la maison d'édition a publié beaucoup de recueils de nouvelles, notamment d'écrivains étrangers. C'est même sa marque de fabrique, sa spécialité, aller dénicher des petites perles partout dans le monde et les présenter dans un écrin auquel le lecteur ne peut pas résister : les couvertures graphiques et colorées du dessinateur britannique David Pearson.On ne les a pas choisies, elles se sont imposées à nous. On n'a plus le droit de faire grand chose, on n'a plus le droit de voyager et le catalogue de Zulma se prête complètement à ce voyage autour du monde depuis chez soi.
Laure Leroy - directrice de Zulma -
Les auteurs ont évidemment donné leur accord. Et la première qui a été publiée est celle de Vaikom Muhammad Basheer, écrivain du sud de l'Inde intitulée Les Murs.
Ces nouvelles qui seront publiées jusqu'au 11 mai, date de sortie du confinement sont lues en moyenne par 1500 à 2000 personnes chaque fois, cela fait plus de 30 000 lecteurs au total.
"Il y a les lecteurs de Zulma, les habitués, mais aussi ceux qui nous découvrent grâce à ces nouvelles et on reçoit beaucoup de messages de remerciement, très touchants." se confie en souriant Laure Leroy.
Le déconfinement sera pire que le confinement. Un "machin que nos cerveaux" ont beaucoup de mal à intégrer.
Laure Leroy - directrice de Zulma -
"On a vraiment besoin de ces moments de bonheur partagés avec nos lecteurs. Pour l'instant, on ne peut plus publier les auteurs qu'on avait prévus d'éditer. On en est tous au même point, à essayer de comprendre ce qui nous arrive mais à mon avis, ce qui sera pire c'est le déconfinement. Un hyper-objet, un machin que nos cerveaux ont beaucoup de mal à intégrer. Il faut vraiment faire des efforts d'imagination, d'abstraction pour l'appréhender dans les semaines et les mois qui arrivent."
Laure Leroy, toute éditrice qu'elle est, explique qu'elle a du mal à lire en ce moment, mais un livre la hante en permanence et c'est son conseil de lecture "La pensée écologique", un essai du britannique Timothy Morton.
Des ateliers d'écriture et des mots croisés
Avec ce confinement, nos rythmes sont chamboulés. Alors pour maintenir un pseudo rythme semaine/ week-end, Zulma ne propose pas de nouvelle le dimanche, mais des ateliers d'écriture ou des mots croisés de l'inimitable cruciverbiste Michel Laclos.S'amuser avec les mots qui nous font voyager, voilà un bon programme pour tenir jusqu'au 11 mai, date à laquelle Zulma reprendra son activité habituelle. "Cela se fera par étapes, explique Laure Leroy, mais j'ai tellement hâte que Zulma redevienne cette maison avant d'être une maison d'édition, tellement hâte de retrouver mes auteurs, de discuter avec eux autour d'un café de cette drôle de vie que nous menons et qui laissera des traces".