Molière aurait eu 400 ans cette année. A cette occasion La France en Vrai vous propose « L’Autre Molière » Celui qui a vécu à Lyon et surtout celui que l’on n’enseigne pas. Une relecture contemporaine de l’homme et de son œuvre. Instructif et jubilatoire. Un film d’Eric Guirado avec Joëlle Sévilla.
Elle l’appelle Jean-Baptiste et s’adresse à lui comme à un intime. Elle, c’est Joëlle Sévilla que vous connaissez tous. Parce qu’elle est la mère d’Alexandre Astier et Dame Séli dans la série Kaamelott.
Mais Joëlle est avant tout une comédienne et metteur en scène. Créatrice de l’école de théâtre lyonnaise l’Acting Studio et du Théâtre Mascarille à Lyon. Deux lieux entièrement dédié à son amoureux.
J’aime cet homme (Molière). J’aurais voulu vivre avec lui…
Joëlle Sévilla
C’est donc une femme éprise qui nous guide dans le film d’Eric Guirado. Une femme sous passions. De celles qui viennent changer une vie. La passion du théâtre, la passion des mots et surtout la passion de Molière : « J’aime cet homme. J’aurais voulu vivre avec lui et qui sait… peut-être que ça s’est passé » confie Joëlle Sévilla dans un sourire.
Quand on lit les textes de Molière… on se dit que ce n’est pas possible que ce soit joué par des clowns de cirque
Joëlle Sévilla
Elle a d’abord rencontré les comédiens de la troupe de Molière : « Une nuit j’ai fait un rêve qui m’a complètement bouleversée. Un rêve de sens. Je voyais des comédiens, je les entendais jouer et j’entendais surtout la justesse de jeu des textes de Molière » Et tout est parti de là : une compréhension de l’homme, de ses textes, une analyse pointue de chaque pièce. Le tout porté par l’énergie, l’exigence et un humour acéré : « Quand on lit les textes de Molière, d’une finesse et d’une justesse parfaites, on se dit que ce n’est pas possible que ce soit joué par des clowns de cirque comme dit mon fils ! »
Alors Joëlle Sévilla , s’inspirant de Lee Strasberg (fondateur de l’Actors Studio), dépoussière les mises en scène : « C’est aux acteurs de réveiller Molière »
Je ne comprends pas pourquoi les acteurs français d’aujourd’hui jouent Molière comme à son époque jouaient les ennemis de Molière
Lee Strasberg
A ses élèves elle demande de rendre à l’auteur sa vérité. Sans haut-de-chausses et surtout sans déclamation parce que « c’est l’inverse de Molière et parce que c’est chiant. » Et si elle l’aime tant c’est aussi, parce que, comme elle, il était rue Juiverie à Lyon. C’est à Lyon, qu’a été écrite sa première pièce en cinq actes « L’étourdi ou les contretemps » et c’est ici qu’elle a été jouée pour la première fois.
« Ma chère ville de Lyon »… C’est ainsi que Molière parlait de la Cité des Gaules. « Contrairement à ce qu’on croit Molière ce n’est pas Paris, ce n’est pas Pézenas. C’est Lyon. C’est la ville de province dans laquelle il a le plus résidé entre 1646 et 1658 » précise Georges Forestier, historien du théâtre du 17ème siècle. Les historiens s’accordent à dire que l’on est mal renseigné sur les troupes du 17ème résidant à Lyon. Sauf si durant leurs séjours, il y avait un passage obligatoire à l’état civil. Et c’est ainsi que l’on a la preuve des résidences lyonnaises de Molière et sa troupe. Sa signature apparait par deux fois sur les registres, en 1655 et en 1657, à l’occasion d’un mariage et d’un baptême. Jean-Baptiste Poquelin est une fois témoin et une fois parrain.
« On sait qu’il résidait sur la rive gauche de la Saône, dans le quartier de la Pêcherie et qu’il a très certainement joué au Jeu de Paumes de la rue Duboeuf » raconte Olivier Zeller, professeur émérite des universités. Et Joëlle Sévilla d’ajouter : « Lyon a compté pour lui. Il l’appelait ma chère ville de Lyon. C’est là qu’il a commencé à avoir cette reconnaissance du public et c’est là qu’il a commencé à gagner sa vie correctement. »
Ce film documentaire nous emmène dans une découverte subtile de Lyon et de son Jean-Baptiste Poquelin. A voir sans modération pour réconcilier tout un chacun avec Molière. Pas celui que l’on a découvert au collège, pas celui de Versailles mais l’autre, « L’Autre Molière ».
« L’AUTRE MOLIERE » : Ce qu’en disent celui qui a fait le film et ceux qui jouent Molière
« Il y a eu une sorte de vertige à passer du long métrage au documentaire. Je voyais l’immensité du projet de Joëlle Sévilla, l’immensité de ce qu’elle voulait faire passer. Je me disais ça ne tiendra jamais en 52 minutes ! Parce que là, dans ce film il y a quand même deux monuments : Molière et Sévilla ! Après de longues heures d’échange avec Joëlle, je me suis dit : qu’est-ce que j’ai envie de voir ? Nous avons retravaillé sur son projet et sur mes envies de réalisateur et le film est né... Il fallait réussir à mêler la ville de Lyon et Molière comme un tissage. Le montage final donne un film fluide… Nous avons tourné avec trois caméras et utilisé un drone pour toutes les images de la ville. C’est une balade…
Je me dis que 400 ans après la naissance de Molière, je ne l’ai peut-être rencontré ! En tout cas, grâce à la lecture que Joëlle en fait il reste et redevient extrêmement contemporain. C’est un film sur la transmission.
Bien sûr que Joëlle Sévilla parle d’elle ! Mais c’est son humanité à elle qui passe à travers Molière. »
Molière a un rôle social comme les humoristes
Jacques Chamboncomédien
« Il faut voir Molière comme un humoriste qui aujourd’hui ferait du stand up, du seul en scène. Molière c’est celui qui se moque des conventions sociales, qui met le doigt sur les sujets de société encore d’actualité, sur l’homme face à ses manies, ses tares, ses préjugés On redécouvre l’homme de tréteaux qui courait la France avec sa troupe pour y jouer des farces sociétales. »
Dans les Fourberies de Scapin mis en scène par Joëlle Sévilla, je joue Octave. Il y a 3 ans que je fais du théâtre et je découvre que Molière est indémodable. Il y a toujours une vérité profonde dans ses pièces. On le joue encore 400 ans après sa naissance et on le jouera encore dans 1000 ans parce qu’il parle du genre humain et le genre humain lui ne change pas. »
« L’Autre Molière » un documentaire réalisé par Eric Guirado sur une idée de Joëlle Sévilla (coproduit par Lato Sensu Productions et Francetv Aura) diffusé le jeudi 20 janvier 2022 à 23h25 dans la case documentaire "La France en vrai" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes et France 3 Normandie et disponible en replay ci-dessous :