Invité de "L'Emission politique" ce jeudi soir sur France 2, Edouard Philippe, le Premier ministre et ancien maire du Havre, connaîtra une double épreuve médiatique avec un "prime time" en long format et un débat avec Jean-Luc Mélenchon.
"A droite, on aime bien Mélenchon. Il est la gauche que nous avons toujours adoré détester. Celle d'avant Emmanuel Macron. La gauche de la gauche, "les bolchéviques..."
Ces mots sont signés... Edouard Philippe qui, en octobre 2015, alors qu'il était maire du Havre, avait signé un portrait du leader de La France insoumise dans la revue politique "Charles".
L'édile normand y racontait notamment avoir préparé l'ENA dans le bureau d'un sénateur socialiste nommé... Jean-Luc Mélenchon. Son camarade de révisions Jérôme Guedj, futur député PS, était en effet l'assistant parlementaire de l'élu de l'Essonne.
Et de confesser, au détour de lignes plus dures, une certaine admiration pour le personnage, un "républicain total", un "patriote" et un "homme capable d'une vision et d'un dessein", doté de "l'élégance du hérissé", fût-il un adversaire politique.
Le feu et la glace
Plus de vingt ans après, les deux hommes se croisent au premier carrefour du quinquennat: la réforme du code du travail, scellée par les ordonnances du président Macron depuis vendredi, et le budget 2018, qui a donné lieu jeudi à une passe d'armes avec les régions.Samedi, Jean-Luc Mélenchon a rassemblé sur le pavé parisien entre 30.000 (police) et 150.000 (organisateurs) opposants à ces ordonnances sous sa bannière insoumise, une mobilisation mitigée mais qui a achevé de le propulser dans un tête à tête avec l'exécutif.
Face au leader des Insoumis, dynamiteur des débats de la présidentielle, le débat avec Edouard Philippe s'annonce comme le duel du feu et la glace.
"Les grammaires sont tellement différentes entre Edouard Philippe, extrêmement modéré, très pragmatique, et, de l'autre côté, quelqu'un qui est dans le refus de la modération", observe-t-on à Matignon. S'il respecte l'homme engagé, féru de lettres et de culture, le Premier ministre "est sans complaisance envers sa colère et son populisme", poursuit ce proche.
Le débat sera le point d'orgue de la rentrée de "L'émission politique", présentée désormais par la journaliste Léa Salamé.
Habitué des plateaux
"Ca va être une confrontation entre deux visions, plus que des attaques sur des points précis", explique l'entourage du député des Bouches-du-Rhône, précisant qu'il sera question de Code du travail, d'Europe, de budget, d'Alstom, etc.Le tribun, qui a déchaîné les foudres de la majorité avec sa référence samedi à "la rue" qui a "abattu les nazis" en réponse à Emmanuel Macron pour qui "la démocratie, ce n'est pas la rue", est un habitué des plateaux qui peaufine avec sérieux et méthode tout passage télévisé.
Depuis sa nomination à Matignon il y a quatre mois et demi, Edouard Philippe s'est de son côté rodé dans l'arène médiatique, même s'il a souffert lors de son interview de rentrée face à Jean-Jacques Bourdin.
Bombardé du statut de lieutenant d'Alain Juppé à celui de numéro 2 de l'exécutif, l'énarque de 46 ans, visé par une procédure d'exclusion du parti Les Républicains, s'affiche en "marcheur" au côté d'Emmanuel Macron.
Il n'y a pas l'épaisseur "du début de la moitié d'une feuille de cigarette avec le président", jure-t-il à l'envi, malgré des styles différents.
"Emmanuel est un banquier d'affaires, Edouard est un avocat d'affaires. Ce sont deux professions qui travaillent très bien ensemble mais qui ne fonctionnent pas du tout de la même manière. Le banquier, sur un coin de table, il vous rachète votre entreprise. L'avocat, lui, dit "ok, mais j'ai 642 questions et 32 problèmes".
Emmanuel et Edouard, c'est exactement ça", analyse un ami du Premier ministre.
"Edouard, c'est le premier de la classe qui gère sa peur et son stress par une organisation rationnelle, très carrée", poursuit le même.
"C'est toujours compliqué entre un président et un Premier ministre, surtout quand ils sont de la même génération", souligne un ténor de la majorité, pour qui le quadragénaire Philippe doit "s'enraciner dans la politique française".