En France, dans un village de l'Eure, un archiprêtre orthodoxe organise des offices religieux et des séances de prières pour la paix en Ukraine. Il prie pour les Ukrainiens mais aussi pour les Russes, les deux pays ayant en commun la même religion.
Le lieu est insolite. Attenant à une maison, un garage a été converti en lieu de culte. Une croix a été posée sur le toit et les murs ont été recouverts de peintures religieuses et d'une fresque.
C'est là, à Reuilly, à une quinzaine de kilomètres au nord-est d'Evreux (Eure), qu'officie Jean-Marc Picaud, archiprêtre orthodoxe depuis 2011.
C'est dans sa petite chapelle qu'il accueille des fidèles de la religion orthodoxe pour des messes organisées chaque dimanche selon un rite méconnu en Normandie.
Jean-Marc Picaud a expliqué à notre journaliste Frédéric Lafond que c'est un rite qui n'a pas beaucoup changé depuis 2000 ans : " Dans l'orthodoxie, on a toujours essayé de rester le plus possible de l'Eglise de départ, de l'Eglise primitive, jusqu'en 1054 où il y a eu séparation entre les deux églises."
"Je prie aussi bien pour les Russes que pour les Ukrainiens parce qu'ils sont tous victimes de combats."
Jean-Marc Picaud, archiprêtre orthodoxe à Reuilly (Eure)
Ce que partagent Russes et Ukrainiens
C'est cette même religion orthodoxe que partagent Russes et Ukrainiens. Il n'y a pas de différence entre les deux pays, à part, précise Jean-Marc Picaud, la juridiction : "l'église ukrainienne étant complètement indépendante, rattachée au patriarcat de Constantinople, ce qui ne plait pas au gouvernement russe et crée des tensions. Le patriarcat de Moscou étant quant à lui très proche de Poutine. C'est donc une religion partagée par les habitants des deux pays, la même dans les deux camps de cette guerre fratricide…"
Avec les fidèles de sa petite chapelle euroise, Jean-Marc, qui n'a pas de lien familial avec la Russie ni l'Ukraine, a décidé d'œuvrer à sa façon pour la paix.
"Avec les gros problèmes qu'il y a actuellement entre la Russie et l'Ukraine, on se sent obligé de faire quelque chose. Alors on fait du point de vue soins de première nécessité, tout ce qu'il faut pour que les gens puissent "survivre", et puis il y a une partie quand même qui est importante pour un prêtre : c'est la partie spirituelle. Et je tiens à préciser que je prie aussi bien pour les Russes que pour les Ukrainiens parce qu'ils sont tous victimes de combats, des deux côtés. Certains sont obligés d'aller se battre et d'autres défendent leur nation, ce qui est tout à fait normal."
"Il y a eu des églises détruites et des prêtres qui ont été tués. Les Ukrainiens ont quand même réussi à pratiquer leur religion et la foi qu'ils ont a cimenté leur nation."
Jean-Marc Picaud, archiprêtre orthodoxe à Reuilly (Eure)
La pratique de la religion sous les bombes
En dépit de la guerre, des combats et des bombardements, les habitants d'Ukraine continuent de pratiquer leur religion, même si, et comme le raconte l'archiprêtre Jean-Marc Picaud, ils ont été obligés de s'adapter : "Oui, ils continuent de pratiquer, souvent en extérieur car il y a eu des églises qui ont été détruites. Il y a eu des prêtres qui ont été tués… Et donc les Ukrainiens ont quand même réussi à garder cette foi. Et je pense que la foi qu'ils ont a cimenté même leur nation. Cela permet d'avoir une certaine force psychique et morale qui fait qu'ils résistent. Ils ont la foi dans leur pays, mais ils ont la foi aussi dans le cœur."
Si Jean-Marc Picaud prie pour les Ukrainiens et les Russes, il apporte aussi soutien et réconfort à des habitants de la Normandie qui, comme cette dame rencontrée dans la petite chapelle le dimanche 27 mars 2022, est secouée par les images qu'elle voit à la télé : "De voir tous ces morts, toute cette haine, cela me touche. Cela me fait du mal. Je prie beaucoup pour les Ukrainiens…"