Après les violents orages qui ont frappé le département de l'Eure ce mercredi 31 juillet, les agriculteurs du pays du Roumois ne peuvent que constater les dégâts. Les cultures de blé, de lin et de maïs ont été particulièrement touchées. Les exploitants attendent désormais le passage des experts pour espérer une indemnisation à la hauteur des pertes.
"On guette la météo 5 fois par jour. C'est la période la plus stressante. C'est la récolte, le fruit de l'année d'ensemencement, de surveillance, de soin de la culture. On veut forcément réussir la moisson", se désole Gilles Lievens. Cultivateur à Bosguérard-de-Marcouville (Eure) et président de la Chambre d'agriculture de l'Eure, l'exploitant désigne les nombreux dégâts provoqués par l'orage sur son champ : "Les parcelles sont rarement plates, il y a toujours un peu de pente. On voit que l'eau a raviné, a coulé vers le fond. C'est inondé."
Il y a deux hectares de prairies où étaient les vaches lors de l'orage. J'ai dû les sortir en catastrophe. Il y avait plus d'un mètre d'eau, et l'eau commence seulement à descendre mais c'est un peu inédit en plein mois de juillet d'avoir un mètre d'eau dans les prairies.
Gilles Lievensà France 3 Normandie
"Il y a un peu d'abattement"
Entre 40 et 70 millimètres de précipitations ont été enregistrés mercredi dans le secteur. Ces intempéries, couplées à un printemps déjà bien humide, fragilisent le blé et retardent sa moisson, humidité oblige. "On a évidemment tout stoppé pour mettre le matériel à l'abri. Ensuite, une fois que l'orage stationnaire a déversé ici 40 mm en 1h, on est venu voir les dégâts : coulées de boue, champs inondés, humidité dans les grains et un potentiel risque de perte de qualité", relève Gilles Lievens.
Le printemps très pluvieux avait déjà occasionné des maladies pendant le cycle de végétation du blé. Un faible ensoleillement au printemps a fait que la fécondation des épis donnait des rendements déjà mauvais voire très mauvais. Là, la moisson est arrêtée.
Gilles Lievens
Le risque pour les agriculteurs : ne pas amortir les coûts de production du blé, semé à l'automne. "Un faible rendement fait que le coût de production est supérieur au cours actuel du blé, qui doit fournir à la fois les meuniers et plus tard les boulangeries pour faire nos baguettes", souligne le cultivateur. "40 mm, c'est 40 litres au mètre carré, c'est énorme. On travaille avec de la végétation qui a besoin d'eau. Mais elle en a besoin au printemps et sans excès. Quand arrive la période de maturité, il nous faut un franc soleil pour pouvoir récolter du blé sec et de meilleure qualité."
"Il y a un peu d'abattement. Ce sont des orages très localisés, on espère toujours passer à côté. La période est intense, on ne compte pas nos heures, on essaie de mettre à profit tous les créneaux disponibles pour mettre à l'abri à la fois les blés mais aussi les pailles et les autres cultures, comme le lin, qui va arriver. L'organisation est assez chaotique du fait de ce temps qui n'en finit pas d'être perturbé. C'est une année 2024 qu'on va essayer de terminer et qu'on essaiera d'oublier assez vite."
Une expertise pour estimer les pertes
Côté lin, même constat : l'orage a occasionné son lot de dégâts. À Thénouville, Éric Cousin a perdu 10% de son rendement. Là-bas, les précipitations ont été encore plus importantes. "Sur deux heures de temps, on a eu 70 mm", affirme l'agriculteur. "Le fossé d'assainissement a débordé, le lin s'est trouvé emporté par l'eau. Il y a environ 2 hectares de perdus et surtout beaucoup de travail pour pouvoir évacuer tout ce qui est foutu et récolter le lin restant sur la parcelle. C'est du travail qui n'était pas prévu, et qui va me prendre, je pense, 2 jours."
Un travail supplémentaire qui dépend à nouveau de la météo. Et qui nécessite une paperasse administrative dont les agriculteurs aimeraient pouvoir se passer. "Le brûlage du lin est interdit. Ce qui est envisageable, c'est de tout mettre en tas et de demander une autorisation pour pouvoir le brûler. C'est en cours, mais là c'est trop humide, ça ne brûlerait pas", explique Éric Cousin.
Outre cette évacuation nécessaire, les cultivateurs attendent le passage des experts qui devraient estimer les pertes sur les cultures. Ils pourront ensuite monter un dossier d'indemnisation. Le pays du Roumois n'a pas été la seule zone touchée. Dans l'Eure, c'est l'ensemble du plateau du Neubourg, et même le secteur d'Évreux, qui a souffert de cet orage surprise. Et toutes les céréales en ont pâti. Grêlé, lacéré, le maïs aussi a été touché, sur certaines communes recensées.