Au travers d’études et d’articles, le CNRS alerte : le camembert serait menacé d’extinction. En cause : les ferments utilisés pour la fabrication du célèbre fromage seraient voués à disparaître.
"Si je n’ai plus ça, je ne fais plus de camembert ! ", réagit Charles Bréand, producteur à Bermonville (Seine-Maritime) du 5 Frères. "Ça", c’est le Penicillium camemberti, un ferment qu’il utilise, comme tout producteur du fameux fromage normand. "C’est un composé qui ne représente que 2 ou 3% du fromage, mais qui est indispensable".
Problème, selon un article du Journal du CNRS, qui reprend une étude de plusieurs chercheuses, "il est aujourd’hui très compliqué pour tous les industriels du secteur d’obtenir des spores de Penicillium camemberti en quantité suffisante pour inoculer leur production du fromage normand."
La cause ? Ces moisissures ont trop été manipulées par l’homme, ce qui "a fait chuter drastiquement la diversité génétique de ces espèces, menaçant leur capacité à s’adapter et menant même à une dégénérescence."
À la poursuite du camembert blanc
Qu’est-ce qui rend le Penicillium camemberti si important ? L’article du CNRS rappelle que les camemberts présentaient jusque dans les années 1950 des moisissures grises, vertes ou bleues. Pas du goût des industriels, qui se sont servis du Penicillium camemberti pour le rendre complètement blanc.
Selon Charles Bréand, ce ferment est également essentiel "pour la couverture, ce qui fait la consistance de la croûte". Le producteur du camembert Le 5 frères explique : si le lait cru qu’il utilise ainsi que le travail de l’alimentation de la vache donnent bien son goût au camembert, le Penicillium Camemberti permet "une tenue dans le temps", et est déterminant pendant la période de l’affinage.
"Pas de menace à court terme"
Alors, faut-il s’inquiéter ? Contacté, un distributeur de ferments explique ne pas avoir reçu de communication de la part des fabricants de souches et s’estime quant à lui "pas du tout inquiet face à ce type d'article assez alarmant."
L’article du CNRS, qui assure que "le camembert est au bord de l’extinction", n’est pas franchement rassurant. Cependant, la chercheuse Tatiana Giraud, à l’origine de l’étude, nuance pour Libération : "Cette menace n’est pas à court terme, mais nous voulons alerter sur les dangers d’une trop grande uniformisation en général des espèces, même s’il n’y a pas de danger dans les mois qui viennent."