Fusion de l'audiovisuel public : pourquoi la programmation risque d'être perturbée sur France 3 Normandie

De France Télévisions à Radio France, l'ensemble de l'audiovisuel public est appelé à la grève, jeudi 23 et vendredi 24 mai 2024, au moment où l'assemblée nationale doit se saisir du projet de fusion du secteur défendu par la ministre de la Culture, Rachida Dati.

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Aux personnels, la ministre de la Culture a lancé, dimanche 19 mai 2024 : "Je veux vous garantir non seulement une pérennité mais aussi votre force" dans un univers de "concurrence exacerbée".

Alors que l'assemblée nationale doit se saisir du projet de fusion du secteur défendu par la ministre de la Culture, un préavis de grève a été déposé par les syndicats des entreprises concernées pour les journées du jeudi 23 et du vendredi 24 mai 2024.

Finalement, son examen à l'assemblée nationale a été repoussé. Face à l'encombrement de l'ordre du jour, le gouvernement a pris la décision de le reporter. Le texte pourrait n'être examiné qu'en juin.

Vos journaux régionaux, ICI 12/13 Normandie et ICI 19/20 Normandie ainsi que le site internet France 3 Normandie, pourraient ainsi être perturbés sur les antennes de Caen et Rouen.

Quel est le projet du gouvernement ?

Rachida Dati a pris le dossier de l'audiovisuel public à bras-le-corps dès son arrivée au gouvernement en début d'année. Elle prévoit une phase transitoire avec une holding commune au 1er janvier 2025, puis une fusion un an après. Environ 16 000 salariés sont concernés.

"Le moment politique est venu", considère la ministre, après une tentative de rapprochement par son prédécesseur Franck Riester stoppée par le Covid-19. Elle se prévaut du soutien du président de la République, Emmanuel Macron, "très attaché à l'audiovisuel public".

Pour accélérer le processus, l'ex-LR s'est appuyée sur une proposition de loi du sénateur Laurent Lafon (Union centriste) programmant une holding, déjà adoptée en juin 2023 par la chambre haute. D'après la ministre, l'audiovisuel public dispose de "forces indéniables" mais "dispersées", ce qui l'expose à un "risque d'affaiblissement" face à aux plateformes internationales comme Netflix et aux chaînes privées.

La société géante dénommée "France Médias" aurait un budget de quatre milliards d'euros. Et le but n'est pas de réaliser des économies, martèle-t-on au gouvernement. Au contraire, la réforme aurait un coût les premières années.

Outre France Télévisions et Radio France, le mastodonte de l'audiovisuel rassemblerait également l'Ina (Institut national de l'audiovisuel) et France Médias Monde (RFI, France 24). L'intégration de ce dernier groupe fait cependant débat jusque dans le camp présidentiel.

Plusieurs préavis de grève 

Le texte de loi est au menu des députés jeudi et vendredi en première lecture et un vote solennel est programmé le 28 mai. De source parlementaire, la présidente de l'assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), juge le calendrier d'examen trop serré et aurait préféré que le texte soit retiré de l'ordre du jour à ce stade. Une deuxième lecture est déjà inscrite au Sénat le 19 juin.

De leur côté, les organisations syndicales du secteur ne se laissent pas convaincre par les arguments avancés par le gouvernement et la direction, et ne restent pas l'arme au pied : des préavis de grève ont été déposés dans les quatre sociétés publiques, où l'on craint pour les moyens et les emplois.

Des rassemblements sont prévus devant l'assemblée nationale et du ministère de la Culture. Ce jeudi après-midi, une délégation de salariés de Rouen et du Havre se joindra au cortège.

Particulièrement mobilisés, les syndicats de Radio France redoutent que la télévision ne phagocyte la radio. "Cette réforme remet en cause l'indépendance éditoriale et budgétaire de Radio France, garante d'une véritable stratégie de l'audio - radio et numérique - plébiscitée par le public", font-ils valoir.

"Perte de temps, perte d'argent"

"Pourquoi engager le secteur dans une fusion qui s'annonce longue, complexe, anxiogène pour les salariés, et sans réel objectif éditorial ?", s'interrogent aussi les syndicats de France Télévisions. Danilo Commodi, délégué syndical CGT à France 3 Normandie, dénonce l'absence d'informations claires concernant les objectifs de cette fusion.

"On nous répond : 'C'est pour renforcer l'audiovisuel. Comment, pourquoi ? On ne nous donne aucun argument là-dessus. Une fusion, c'est une perte de temps, une perte d'argent. C'est gâcher de l'énergie à s'occuper d'autre chose que des programmes et de l'information."

Il peut y avoir une atteinte à la pluralité de l'information, donc à l'information. Aujourd'hui, nous sommes des rédactions concurrentes. Nous ne travaillons pas ensemble, nous cherchons l'information chacun de son côté. Si on a, dans quelques années, une rédaction unique, il pourrait y avoir moins d'émulation, moins d'envie d'aller chercher l'information que l'autre n'a pas, moins d'investigation...

Danilo Commodi, CGT France 3 Normandie

"Ce n'est pas une grève contre notre direction, souligne-t-il. Il est clair que l'objectif d'une fusion, pour un gouvernement, c'est de faire des économies. Le ministre de l'Économie annonce déjà sur tous les toits qu'il faut en faire. Le plus simple pour cela, c'est d'embaucher moins de gens, puis de réduire leurs conditions sociales : les salaires, les congés, tout ce qui est dans les accords collectifs des différentes entreprises. C'est l'une des craintes des organisations syndicales et des salariés."

À tous les étages, les personnels s'interrogent donc : "Il y a un hiatus entre les réussites du service public et une petite musique qui le critique", conclut une cadre.

Un "retour de l'ORTF" ?

De son côté, le sort de France Médias Monde ne paraît pas tranché. Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, a affirmé que le gouvernement était finalement pour son exclusion de l'entreprise unique.

Mais les discussions pourraient être serrées avec la droite qui est à l'inverse attachée à son inclusion. Alors que la gauche torpille holding comme fusion. LFI voit dans ce projet "l'aboutissement du dénigrement et de l'affaiblissement" du service public opéré par Emmanuel Macron. "Ce n'est pas le retour de l'ORTF qui va nous permettre de concurrencer Netflix", renchérissent les écologistes.

Autre volet sensible : celui de la publicité. Rachida Dati a fait voter en commission à l'Assemblée nationale un déplafonnement des recettes publicitaires de l'audiovisuel public mais le sujet doit être retravaillé, se sont engagés les parlementaires. Les acteurs privés de l'audiovisuel s'opposent au déplafonnement, comme les députés LR.

Un sujet semble au moins pour partie déminé avant les séances au Palais Bourbon : Quentin Bataillon (Renaissance) et Jean-Jacques Gaultier (LR) ont préparé un texte de loi devant assurer un financement pérenne de l'audiovisuel public, via un "prélèvement sur recettes" du budget de l'Etat. Depuis la suppression de la redevance en 2022, le secteur est financé provisoirement par une fraction de TVA.

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