Retrouvés échoués sur une plage du nord du Cotentin samedi 28 septembre, les cadavres de deux baleines à bec ont été emportés par la marée. Trois jours plus tard, une des deux carcasses a été repérée à nouveau par un promeneur à 50 km plus au sud. Il s'agit d'une baleine et de son baleineau d'une espèce très rare sur nos côtes.
Leur apparition puis leur disparition aura sucité de la curiosité. La marée a fait voyager les carcasses de mammifères marins. Une femelle et sa fille baleine ont d'abord été vues sur la plage d'Eculleville. Puis la marée a repris le corps de la mère, lui faisant parcourir une cinquantaine de kilomètres le long des côtes du Cotentin. Elle a été rejetée finalement sur la grève de Biville. Les dépouilles ont été identifiées comme étant des Mésoplodons de Sowerby, une espèce de baleine à bec.
Gérard Mauger vice-président chargé des études au GECC (Groupe d’Etude des Cétacés du Cotentin) revient sur le parcours suivi par les deux cadavres. "Le samedi 28 septembre, une première observation a été faite d'un grand dauphin échoué; une demi-heure après, un deuxième corps distant de quelques centaines de mètres du premier a été vu. Les gens nous ont envoyé des photos. Il s'agissait en réalité de baleines. Mais le lieu n'était pas accessible pour enlever les carcasses, posées dans les cailloux. La marée a remporté l'un d'eux, puis l'a redéposé devant le blockhaus décoré d'une tortue à Biville, plus au sud-ouest."
Seulement 7 baleines Mésoplodon de Sowerby observées en 25 ans dans ce secteur
Gérard Mauger précise qu'il s'agit "d'une espèce rare en Manche : elle vit dans les eaux profondes et a besoin de beaucoup d'eau sous les nageoires. Le Mésoplodon de Sowerby préfère les profondeurs de l'Atlantique."
Sébastien Houillier lui aussi s'étonne. Il est garde du littoral et chargé auprès du GECC de faire des prélèvements sur les carcasses de cétacés échouées sur les plages normandes. " Il n'y a eu que 7 observations de cette baleine-là en 25 ans puisqu'elle vit loin des côtes. En temps normal je me déplace pour des échouages de marsouins, de petits dauphins et de phoques. Je n'ai fait des prélèvements sur des baleines que trois fois dans toute ma carrière au GECC."
Pas de choc apparent trahissant une collision
Lui s'est rendu sur place afin de déterminer le sexe des deux mammifères. "J'ai aussi effectué des mesures de longueur de nageoire et d'épaisseur de lard. J'ai pu prélever des dents afin de déterminer l'âge exact des animaux. Quant au baleineau, l'analyse du foie permettra de déterminer si des polluants et des métaux lourds sont présents. Le rein donne des indices en terme de bactériologie. Le contenu de l'estomac indiquera son régime alimentaire" explique Sébastien Houillier.
Aucune marque extérieure n'indiquait une éventuelle cause de la mort des deux baleines. Elles semblaient en bonne santé et n'étaient pas amaigries. Les raisons de l' échouage ne sont pas encore connues mais les cétacés ne paraissaient ni malades ni sous alimentés
Sébastien Houillier, GECC
Seule hypothèse que se permet le garde du littoral : " la mère adulte a peut-être été désorientée par une tempête ou des tas d'autres raisons, la fille a suivi et s'est échouée avec elle".
Une fois les prélèvements faits, ceux-ci partent pour analyse auprès de Pélagis, l'observatoire du Cnrs qui recense les cas d'échouages sur les plages partout en France et étudie les données récoltées. Quant aux carcasses d'animaux marins échoués, elles sont transportées sur un terrain communal pour y être équarries - démarche prise en par l'Etat.
Gérard Mauger se remémore un incident qui s'était cette fois bien terminé : "la première et unique observation d'un mésoplodon vivant dans le secteur a été faite cette année : on en a vu un spécimen en difficulté à l'entré du chenal d'entrée à Caen, du côté de Sallenelles. Il était prisonnier des rochers en pleine nuit... Il avait réussi à retourner à la mer." Fin heureuse dans ce cas. Mais si les observations se font plus fréquentes à l'avenir, il restera à s'interroger sur ces changements et leur origine.