Les salariés du site ACPP de Digulleville maintiennent la pression. Ce prestataire de Naval Group et Orano est en redressement judiciaire. Les offres de reprise proposées tablent sur une réduction de l'effectif de moitié. Intolérable pour les salariés lors que les carnets de commande sont pleins.
"ACPP doit vivre, ne nous laissez pas mourir", scandaient dans les rues de Cherbourg ce mardi matin les manifestants. Les salariés d'ACPP, une filiale du groupe Manoir Industries basée à Digulleville, ne veulent pas mourir et se battent depuis plusieurs mois. Le 23 février dernier, son propriétaire (Manoir Industries) a été placé en redressement judiciaire. Le groupe, sépcialisé dans la transformation des métaux, compte un millier de salariés sur six sites de production en France (et un en Angleterre) dont quatre pour la seule Normandie.
Chaudronniers, soudeurs, dans le Cotentin, 233 salariés travaillent comme prestataires pour d'importants donneurs d'ordre que sont Orano et Naval Group. Des donneurs d'ordre qu'ils tentent, depuis plusieurs jours, d'interpeller sur leur avenir. Après avoir bloqué les entrées de l'usine de retraitement des déchets de la Hague, ils s'étaient donnés rendez-vous ce mardi à 5 heures du matin aux abords de l'Arsenal de Cherbourg, occasionnant d'importantes difficultés de circulation dans la capitale du nord-Cotentin. "Naval Group fait appel à sa filière brésilienne pour faire venir sur site quelques soudeurs brésiliens. On a besoin de ces métiers. ACPP est qualifié", déclarait ce mardi matin Vincent Hurel, secrétaire général CGT Naval Group Cherbourg.
Ce mardi 27 avril aurait dû sceller l'avenir des salariés d'ACPP. C'est à cette date que le tribunal de commerce de Rouen devait se prononcer sur les trois offres de reprises qui lui avaient été soumises. A la demande des administrateurs judiciaires, la décision a été reportée de quelques jours. "C'est peut-être une bonne chose", estime Pascal Maadé, délégue CFDT d'ACPP, "ça va permettre aux repreneurs d'améliorer leur offre." Car pour le moment et pour les salariés, le compte n'y est pas. En moyenne, selon les représentants syndicaux, c'est une centaine de postes qui seraient supprimés. "Pour l'offre la moins mauvaise, sur 233 emplois, ils n'en reprendraient que 140 à peine. Ça fait quand même beaucoup de gens à la porte", indique Arnaud Vimond, délégué CGT.
"Un silence assourdissant de l'Etat"
Outre leurs donneurs d'ordre, les salariés et leurs soutiens dénoncent une autre absence, celle des pouvoirs publics. Alors les manifestants ont arpenté les rues de la ville avec comme destination la sous-préfecture. Les salariés d'ACPP ont soudé une chaine sur les murs du bâtiment abritant le représentant de l'Etat pur tenter de se faire entendre. "Ce groupe est un fleuron de la transformation des métaux, c'est l'équivalent d'un Florange, d'un Continental. Et il y a un silence assourdissant de l'Etat", affirme leur avocate, Me Elise Brand, "Nous avons interpellé Madame la ministre du travail, pas de réponse. Nous avons interpellé le ministre de l'économie et des finances, pas de réponse. Ce qui est extrêmement rare sur des dossiers de cette ampleur."
Localement, ce silence apparaît d'autant plus incompréhensible que "l'activité d'ACPP n'est pas en cause, le carnet de commande fonctionne très bien", selon Elise Brand. "ACPP est la seule entreprise en France à avoir un savoir-faire très particulier. Si ACPP ferme, l'activité sera obligatoirement délocalisée à l'étranger puisque personne en saura faire."
Du travail pour ACPP et des compétences pour le Cotentin
Et Vincent Hurel, secrétaire général CGT Naval Group Cherbourg, de s'interroger : "Je ne sais pas si c'est de l'impuissance ou une absence d'envie de sauver. Naval Group, c'est une charge pour 50 années. Orano, c'est une charge pour des dizaines d'années aussi. Il y a largement moyen avec ces donneurs d'ordre de mettre en place une structure pour permettre à ACPP de continuer à vivre et d'avoir ces compétences dans le bassin d'emploi implantées localement."
En 2013, le groupe Manoir Industries est devenue la propriété de la holding chinoise Yantai Taihai Group. En juin 2020, ce dernier, en difficultés financières, doit cèder la place à son créancier, le fonds d'investissement de Hong-Kong CAM SPC. Comme le rapportent nos confrères des Echos, la direction du groupe Manoir Industries estime que ses difficultés actuelles incombent au nouvel actionnaire qui n'aurait pas versé les fonds promis à l'automne dernier. A la date du 23 février, l'entreprise ACPP a été mise en observation pour une période de six mois. Les salariés ont jusqu'à la fin de l'été pour échapper à la liquidation.