Danse burlesque : "ce n'est pas un cours de danse, c'est un cours de féminisme incarné"

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La place des femmes et de la lutte contre les discriminations de genre sont au coeur du festival "Femmes dans la Ville" propose jusqu'au 13 mars à Cherbourg. Pour Juliette Dragon, venue initier les Cherbourgeoises au cabaret burlesque, le féminisme passe, entre autres, par la réappropriation des codes de la féminité.

Débardeur noir sur une silhouette élancée et tatouée, Juliette Dragon s'avance d'un pas assuré sur le parquet de la salle de danse. Les regards des participantes, de tous âges et toutes corpulences, sont braqués sur la professeure du jour. "J'ai un genou devant l'autre, je suis un petit peu déhanchée, j'ai un air sympa", lance-t-elle en soulignant son sourire, "Parce qu'on a dit : sexy, c'est détendu. Si tu fais la pause méga sexy en faisant une gueule de cul, t'es moins sexy." Et les apprenties danseuses de partir à l'unisson dans un grand éclat de rire.

Au programme de cette initiation : bouger ses mains en minaudant, travailler "la pause pin-up" ou se mouvoir avec grâce en talons aiguilles. Autrement dit, pousser les curseurs des codes de la féminité à plein régime. Autant de stéréotypes avec lesquels joue le cabaret burlesque, une discipline artistique conjuguant la légèreté sous toutes ses formes. Des stéréotypes qui, de prime abord, semblent ne pas avoir leur place dans un festival comme "Femmes dans la ville", porte-voix des luttes féminines et féministes depuis 2000 à Cherbourg.

Bénédicte, la cinquantaine, s'est laissée tenter par cette initiation. "Je fais de la danse contemporaine mais pas du tout du burlesque et ça me fait découvrir quelque chose que je ne connaissais pas." Et le premier contact semble plus que concluant. "Je trouve ça très drôle de jouer des clichés féministes et sexistes parce qu'on n'en a pas l'habitude. Normalement, il faut être très sérieux. Féminine, ça veut plutôt dire assez sérieux et là c'est tout le contraire qu'on fait. C'est ce qui me plaît." L'amusement, c'est le sentiment qui revient le plus dans la bouche des participantes découvrant le cabaret burlesque. "Avec Juliette, on est complètement libérée. Une fois qu'on danse, on oublie tous les codes et on se libère", s'enthousiasme Caroline.

"C'est chouette d'être une femme"

Bustier, collant et talons aiguilles, certaines danseuses sont déjà des habituées et maîtrisent les codes. "Avec des talons, on se sent beaucoup plus féminine parce que ça galbe bien et puis il y a des mouvements qu'on ne peut pas faire sans les chaussures. Ca fait aussi partie du costume, comme les paillettes, le chapeau ou les gants. Dans la vie, j'aime mettre des baskets mais c'est mon personnage qui a des talons aussi hauts", explique celle qui se fait appeler sur scène Lula Boop. "C'est une thérapie. Parfois, on a peur d'être trop comme-ci, trop comme-ça. Là, on se sent bien, on ne se juge pas, on est nous-même. On est des femmes et c'est chouette d'être femme", confie Candy Cannelle, "On joue aussi le rôle qui nous fait plaisir, c'est du théâtre.

Maîtriser les codes pour se les réapproprier. Et pour s'en jouer. "Mes cours parlent beaucoup de féminisme, d'affranchissement, de liberté, de libération", affirme Juliette Dragon, "Ce n'est pas un cours de danse, c'est un cours de féminisme incarné." L'artiste sait que la formule pourrait faire grincer quelques dents. "Il y a un pan du féminisme qui refuse les codes de séduction parce que justement on veut détruire l'hétéropatriarcat (...) La liberté, c'est avoir la conscience, la capacité et choisir quand est ce qu'on le fait ou pas. Ce n'est forcément tout démonter. On peut être féministe, jouer avec la séduction, avoir une sexualité épanouie, et ne pas être que ça. On est beaucoup plus que ça."

Libre et puissante

Juliette Dragon raconte s'être "réconciliée" avec sa féminité en travaillant avec des drag-queens. "Le genre, on le performe. Le garçon va apprendre les codes de la masculinité. La petite fille, les codes de la féminité. Si elle ou il n'y arrive pas bien, on va les extraire de la société en leur disant : vous n'êtes pas adaptés. Moi, j'aimerais que chaque femme soit capable de les jouer si elle en a envie, quand elle en a envie, quand elle en a besoin pour prouver qu'elle peut répondre à la demande mais qu'elle le fait qu'en fonction de son désir. Et elle peut complètement s'en émanciper et dire : je prends les codes masculins parce que, dans cette situation précise, c'est tout à mon avantage. J'adore faire de la boxe, taper dans un sac. Mais je sais aussi faire comme Marilyn Monroe. Plus on ouvre le panel de possibles, plus je me sens libre et puissante."

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