Le secrétaire général de l'académie Goncourt, Didier Decoin, a été choisi ce lundi pour présider cette institution en remplacement de Bernard Pivot. Le romancier, qui a l'habitude de lire les romans de la rentrée littéraire, chez lui en Normandie, va de nouveau faire un heureux .... son facteur !
Pendant tout l'été, c'est le défilé. Didier Decoin reçoit dans sa boîte aux lettres, à Auderville, une bonne partie des 500 romans qui vont tenter de se frayer un chemin pendant la rentrée littéraire jusqu'au saint des saints, le prestigieux prix de l'académie Goncourt.
Cette année, le romancier continuera à savourer (ou non ?) ces pépites "avec vue sur la mer", titre d'un roman qu'il a écrit en 2007 où il déclarait sa flamme à la Hague "J'ai fait ce livre pour dire que je n'habite pas une maison mais que je suis habité par elle..."
Ce n'est pas une grande surprise dans le milieu littéraire, car il est parfaitement légitime. Il a été élu au premier tour par cinq voix contre trois à Françoise Chandernagor.
Didier Decoin connaît bien cette vénérable institution. Leur idylle remonte à 1977, lorsqu'il remporte le prix Goncourt pour "John l'Enfer".
"Je n'ai pas du tout l'intention d'être un président révolutionnaire, autoritaire, dictatorial... Moi, ce qui m'intéresse c'est qu'il y ait une bonne entente dans notre groupe", a prévenu d'emblée le nouveau président âgé de 74 ans.
Il devient membre de l'académie en 1995 avant d'être nommé secrétaire général, ce qui lui vaut l'honneur de prononcer chaque année le nom du vainqueur, au pied de l'escalier du restaurant Drouant, à Paris.
Il remplace Bernard Pivot, qui avait annoncé sa retraite début décembre. Après le départ inattendu de Virginie Despentes, l'académie Goncourt compte actuellement huit jurés "mais très vite, on va être dix", a promis Didier Decoin.
"Il faut que tout ça marche bien, qu'on s'aime, qu'on travaille ensemble et qu'on ait la même ambition", a-t-il insisté en faisant remarquer qu'on sent parfois au sein de l'académie "une petite ligne de fracture qui pourrait se dessiner". "Et il ne le faut pas!", a-t-il affirmé.
L'académie fera connaître le 11 février le nom des deux nouveaux membres du jury. "Si on peut trouver deux femmes, ce serait pas mal", a-t-il dit.
Je suis heureux que Didier Decoin qui en était le précieux, toujours avisé et disponible secrétaire général, devienne président de l’académie Goncourt. Prix Goncourt 1977 - il n’avait que 32 ans-, à travers lui c’est la littérature, le cinéma et la télévision qui sont honorés.
— bernard pivot (@bernardpivot1) January 20, 2020
Didier Decoin a en effet toujours écrit.
Dans les journaux, où il débute à France Soir. Au cinéma, lorsqu'il peaufine les scénarios pour Marcel Carné, Robert Enrico, Henri Verneuil, et Maroun Bagdadi avec qui il recevra, pour le film "Hors-la-vie", le prix spécial du jury au festival de Cannes.
Il consacre une partie de sa carrière à la télévision. Le scénariste des téléfilms " Les Misérables" ou "Balzac"deviendra même directeur de la fiction de France 2.
Et personne n'a oublié la superbe mini-série, en 1998, "Le Comte de Monte-Cristo", qui lui vaut le sept d'or du meilleur scénario, réalisé par Josée Dayan, avec Gérard Depardieu dans le rôle d'Edmond Dantès.
Insatiable curieux, Didier Decoin revient toujours à la littérature. Quand il écrit, il a vue sur les embruns du Cotentin, qui peuvent l'emmener très loin.
Derrièrement, son "Bureau des jardins et des étangs " (Stock, janvier 2017) nous emmenait au Japon. "Son anglaise à bicyclette" (Stock, 2011) ou sa "Pendue de Londres" (Grasset, mai 2013) nous ont fait traverser la Manche.
Didier Decoin cite souvent Jean Cayrol, "Mon père en écriture", qui lui disait : 'il faut voler le temps de l'écriture'.
"Si vous êtes à la retraite, que vous avez devant vous cette longue plage de vide, vous allez faire de la sous-littérature. Il faut souffrir pour écrire (...) Si vous n'avez qu'une heure par jour pour écrire, c'est très bien : vous ferez un chef d'oeuvre".
En devenant président, Didier Decoin ne fait que suivre ce précepte ... à la lettre.