Les cicatrices de l'incendie dans la Hague : "il faudra 10 ans pour que la végétation revienne comme avant"

Dans cette presqu'île du Cotentin réputée pour son climat humide, le feu du mois de juillet 2022 a sidéré la population. 30 hectares de végértation ont brûlé. Un an après, les traces laissées par les flammes sont encore bien visibles. C'est une tache dans le paysage.

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Sur les hauteurs de Vauville, la falaise est vertigineuse, perpétuellement battue par le vent. La grande soufflerie océanique permet aux parapentistes de prendre facilement leur envol. En regardant vers la mer, le spectacle est éblouissant. Mais lorsqu'ils reviennent vers la falaise, une tache brune apparaît dans le paysage. Idrissa vient de se poser après un vol d'une petite demi-heure. C'est un habitué de ce spot.

On voit encore bien de là-haut ce qui a brûlé. Ça fait comme une tache dans le paysage.

Idrissa

Parapentiste

Un peu plus loin, un de ses camarades sort son matériel de sa housse. Quand le feu a pris, il se trouvait chez lui, à une trentaine de kilomètres. C'était le 17 juillet 2022. "Je m'en souviens bien, j'étais complètement dégoûté. D'autant que le feu n'a pas pris tout seul". De chaque côté du chemin qui mène vers le précipice, les ajoncs carbonisés font encore peine à voir.

Au centre de secours de la Hague, quelques pompiers volontaires entretiennent leur forme. L'incendie a marqué les esprits et les corps. "C'était très dur", confie l'un d'eux. Le feu, allumé nuitamment par la main de l'homme, a pris dans la lande, près du site préhistorique des Pierre pouquelées, sur les hauteurs de Vauville. Le commandant du centre se souvient ne pas avoir été trop inquiet dans un premier temps : "Le matin du 18 juillet, le vent baissait. On s'est dit que ça allait s'arranger et que ça n'irait pas plus loin", raconte le commandant Frédéric Duchemin. 

Le feu a brûlé 30 hectares de végétation 

Il faisait anormalement chaud dans cette presqu'île où, d'ordinaire, même l'été peut être frisquet. La végétation était asséchée, assoiffée. Quand le vent de Sud-Est s'est levé, le feu est reparti de plus belle. "Plus il fait chaud, plus les végétaux émettent de vapeur et avec le vent, ça facilite la propagation des flammes. Il a fallu très vite redimensionner l"intervention".

Le feu avalait la lande et les fumées commençaient à gagner l'usine de retraitement des combustibles nucléaires d'Orano. Quelque 150 soldats du feu sont alors déployés dans la Hague. Les engins peinent à se frayer un chemin sur un terrain très escarpé. Il faut attaquer le feu à pied. "Nous avons alors élaboré une stratégie consistant à arrêter le feu à un endroit donné où on a concentré nos forces." Un avion Dash de la Sécurité civile vient même larguer un produit permettant de retarder la propagation du feu "C'était la première fois que ça se faisait, on n'avait jamais vu ça dans la Hague !"

À Vauville, près des Pierre Pouquelées, l'incendie a laissé une cicatrice. Les ajoncs calcinés sont décharnés. "Ils repartent du pied", observe Hugo Leclerc, un des gardes du littoral chargés de veiller sur 2000 hectares d'espaces naturels dans la presqu'île. Entre les repousses d'ajoncs, quelques fougères commencent à peine à verdir un sol poussiéreux, chargé de cendres. Un peu plus loin, ses pas soulèvent une poussière noirâtre. Les bruyères ont brûlé. Le terrain est à nu. Cet hiver, les pluies et le vent ont emporté le sol. Hugo Leclerc contemple les dégâts : "On estime qu'il faudra 5 à 10 ans pour que la végétation revienne comme avant".

Le risque était identifié. La lande est un espace inflammable. Le centre de secours de la Hague est d'ailleurs l'un des seuls dans la Manche à être équipé d'un camion pour lutter contre le feu dans les espaces naturels. L'ampleur de l'incendie a quand même soufflé les spécialistes. Avec le recul, les pompiers considèrent que leur intervention a été efficace : "Aucune maison brûlée, pas de blessé, un élan de solidarité des agriculteurs qui sont venus avec leurs tonnes à eau, la SNSM qui a proposé son aide pour l'intendance", résume le commandant. Le feu de juillet 2022 enseigne qu'à l'avenir, la Hague devra composer avec cette menace. 

Le dérèglement climatique est là. Il fait de plus en plus chaud. Il y a du vent. Nous allons devoir nous adapter et peut-être adapter le matériel

Commandant Duchemin

Pompiers de la Hague

Les pompiers de la Hague n'ont pas vraiment goûté le procès en impréparation intenté par certains : "tous les samedis matin, nous partons en reconnaissance dans la lande, explique le commandant Duchemin. Nous sommes 25 pompiers volontaires. Le terrain, on le connaît comme notre poche." Cette année, les pompiers de la Hague ont toutefois jugé bon d'effectuer une manœuvre d'entraînement avec leurs collègues de Cherbourg. On n'est jamais trop prêt.

Sur les falaises de Vauville, les parapentistes s'élancent face au vent. En se retournant, ils peuvent apercevoir, au beau milieu de la tache grise laissée par l'incendie, un amoncellement de roches dans une petite clairière. Les Pierres Pouquelée datent du Néolithique. C'est une sépulture collective qui remonterait à 4 500 ans avant notre ère. L'endroit est connu de longue date. Un peu plus loin, d'autres blocs de pierre affleurent sous les ajoncs brûlés. Le feu a découvert des mégalithes oubliés, parfois même totalement inconnus jusqu'ici. Ils étaient tapis sous la végétation depuis des lustres.

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