La tortue Caouanne a sans doute dérivé dans l'eau froide sur plusieurs milliers de kilomètres. Des bénévoles ont formé une chaîne pour la conduire au centre de soins de l'aquarium de La Rochelle. Le temps était compté...
Le vent du nord était coupant. Le dimanche 6 mars, un promeneur brave le froid sur la plage de Vicq-sur-mer. Il aperçoit une petite tortue flottant entre deux eaux, près de l'estran. Quelqu'un qui passait par là a le réflexe d'appeler l'aquarium de La Rochelle. Une opération de sauvetage est montée dans l'urgence. Elle suscite l'admiration de la gendarmerie ! "Nous formons chaque année des intervenants qui sont habilités à transporter et à manipuler les tortues, explique Florence Dell'Amico, la responsable du centre de soins de l'aquarium de La Rochelle. Nous avons tout un réseau de correspondants sur le littoral, de Saint-Jean-de-Luz à Dunkerque".
La tortue est récupérée. Elle passe la nuit à l'abri. Le lendemain matin, Marianne l'installe sur le siège passager de sa voiture. Cette ancienne guide naturaliste est très impliquée dans la protection de la faune sauvage.
Elle était totalement amorphe. J'avais réglé le chauffage à 18 degrés pour qu'elle n'ait pas trop chaud. J'ai éteint la radio, de peur qu'elle soit stressée.
Marianne DuruelBénévole pour le Réseau d'échouage
Marianne effectue le trajet de Cherbourg jusqu'à Blainville-sur-mer. "J'avais rendez-vous avec quelqu'un qui entre-temps avait reçu des instructions. Il fallait la mouiller et graisser certaines parties de son corps. Cette personne a ensuite roulé jusqu'à Rennes. Ensuite, un autre correspondant a fait le trajet Rennes-Nantes. Puis quelqu'un l'a conduite jusqu'à La Rochelle". Le lendemain matin, elle recevait ses premiers soins.
La petite tortue Caouanne retrouvée dans le Cotentin était à bout de forces. "Les animaux qui s'échouent sur nos côtes sont souvent très affaiblis, déshydratés et carencés, explique Florence Dell'Amico. C'est une espèce qui vit en Floride et près des îles du Cap-Vert. Parfois, les jeunes s'aventurent jusque dans les eaux européennes, mais ils sont piégés par l'hiver. Ils sont alors emportés par les courants. C'est une tortue qui souffre dans une eau à moins de 15 degrés. En dessous de 10 degrés, elle va développer des maladies".
La tortue est née en Floride ou au Cap-Vert...
Des analyses ADN permettront de savoir d'où elle est originaire cette petite tortue qui mesure une vingtaine de centimètres et qui ne pèse guère plus d'un kilo. Il est déjà établi qu'elle a dérivé pendant des mois pour atteindre la Manche. Les forces lui ont manqué et le froid l'a anesthésiée. À l'âge adulte, la tortue est autrement plus armée : elle mesure 90 cm et pèse jusqu'à 120 kilos.
En hiver, les échouages ne sont pas rares. Grâce aux correspondants du Réseau Tortues Marines Atlantique Est, le centre de soins de La Rochelle avait déjà pu recueillir sept autres tortues tropicales depuis les premières tempêtes du mois de novembre.
Les tortues ne pondent pas sur nos plages. Si on en voit une, c'est forcément qu'elle est en détresse. D'autant qu'il fait souvent plus froid sur la plage que dans l'eau. Il faut nous prévenir immédiatement et surtout ne pas la manipuler.
Florence Dell'AmicoResponsable du centre de soins de l'aquarium de La Rochelle
Sur ce reportage tourné le 6 décembre au centre de soins de l'aquarium de La Rochelle, peu après l'arrivée des premières tortues, on les voit évoluer dans les bassins :
Une semaine après son admission à La Rochelle, la petite tortue a recommencé à s'alimenter. "Ce sont des animaux au métabolisme très lent. La réponse au traitement est longue", prévient Florence Dell'Amico. Il est encore prématuré d'affirmer qu'elle aura la vie sauve, mais dans le Cotentin, Marianne ne regrette pas son investissement : "Je pense qu'avec les destructions qu'on observe dans l'environnement, chaque vie compte, même la plus petite. Et puis c'est quand même extraordinaire cette tortue qui a fait des milliers de kilomètres. Il faut la sauver !"