Rencontre avec le réalisateur de Cherbourg, qui publie en ce 24 décembre, son nouveau film intitulé « Un présent par nature ». Notez le jeu de mot puisque c’est un cadeau qu’il souhaitait offrir aux amateurs de belles images et aux curieux qui ne connaissent pas encore son point faible : le Cotentin, cette terre dit-il qui « a changé ma vie ».
C’est un concentré d’émotions de 2 minutes 30. Les premiers plans illuminent le phare de Goury, qui veille, tel un gardien, sur la mer et … ses habitants. Du haut de ses 50 mètres, combien d’enfants a-t-il vu grandir et faire ses premiers pas sur le sable ? Combien de marins a-t-il vu partir en mer et franchir l'impressionnant Raz Blanchard ?
"Ce film, je l'ai en tête depuis trois ans"
Dans son premier film aux 500 000 vues et 7000 partages, tout de même, François Dourlen nous racontait que le Cotentin se vivait et se ressentait car il était « Unique par nature ».
Trois ans après, le sujet n’a pas changé. Le réalisateur ne se lasse pas de filmer sa terre natale, mais l’histoire s’est structurée autour d’un propos : la transmission.
Le Cotentin est pour moi un cadeau que j'ai reçu de mes parents, un cadeau que je fais à mes enfants. J'ai eu ce déclic en région parisienne avec ma première fille Hannah. Je voulais lui donner la chance d'y grandir
François Dourlen, réalisateur de "présent par nature"
Le jeune papa revendique un film plus personnel et nous parle de cette presqu'île, comme d'un héritage, que des générations ne font qu’emprunter. « Dans le film, il y a trois personnages que l'on découvre à des époques différentes. On voit par exemple un petit garçon qui marche vers un tracteur, puis un adolescent sur un tracteur, après un adulte sur le même tracteur puis on le retrouve sur le marché en train de vendre ses légumes plus vieux. Pour moi, c’est la même personne. »
Un poème filmé avec au casting Alexis Brault, Claire Larquemain et Carmen Kassovitz
Le pays de Jacques Prévert décidément inspire, tant ce film ressemble à une poésie. Pour ce deuxième opus, François Dourlen a confié le texte à une auteure originaire du Cotentin, Claire Larquemain.
La musique, sensible, accompagne l’image par la main, sans lui voler son éclat. Il faut dire qu’ Alexis Rault, connaît bien son sujet. Il s’illustre depuis plusieurs années comme compositeur de musiques de films. Il a notamment remporté plusieurs prix pour Les Hirondelles de Kaboul, de Zabou Breitman.
Quant à la voix-off, François Dourlen voulait entendre un timbre "fragile", pour symboliser ce passage entre l’enfance et l’âge adulte. En rencontrant, Carmen Kassovitz, qui tournait "Tempête*" dans le Cotentin, il a trouvé sa perle rare.
*film actuellement en salle
De prof à la réalisation, comment "Le Cotentin a changé ma vie"
La production s’est étoffée en trois ans, car François Dourlen n’a cessé depuis d’évoluer. Son premier film « Unique par nature » a été un révélateur, un déclic, pour cet amoureux de l’image.
Ce film l’a sorti de l’ombre. « Au départ, je filmais lors de mes balades avec ma fille. Elle s’endormait souvent dans la poussette, alors je regardais le paysage. C'était tellement beau. J'ai commencé alors à sortir l’appareil photo. » Puis en 2019 et avec les 500 000 vues d’ « Unique par nature », le prof de français et d’histoire-géo décide de quitter la cour d’école pour une autre … un peu plus grande et plus mystérieuse où son nom commence à circuler.
Son travail tape dans l’oeil du producteur Maxime Delauney, originaire de Carentan, qui a un joli carnet d’adresses. Il a notamment collaboré avec Orelsan, Charlotte Gainsbourg, Dominique Besnehard… et lui propose de travailler avec lui sur différents projets de sa société de production, Nolita.
François Dourlen découvre alors le cinéma. En 2021, il devient cadreur du film de Julien Guetta « Les Cadors », tourné dans le Cotentin, avec Marie Gillain, Jean-Paul Rouve et Michel Blanc. Il signe également le Making-of de cette comédie, qui sortira en salle le 11 janvier prochain.
Le cinéma a beau le courtiser - un producteur lui a déjà suggéré de réaliser un long-métrage - le cherbourgeois tient à garder la tête froide, tout en faisant preuve d’humilité.
Je ne me sens pas encore prêt. Il y a trois ans, j’étais encore prof, vous imaginez. Je dois d’abord continuer à apprendre. J’ai 40 ans maintenant, et peut-être un peu plus de sagesse qu'un jeune de 20 ans qui foncerait tête baissée.
François Dourlen
En trois ans, trois films qui sortent en même temps et en 2023 ?
Coïncidence de calendrier. Ses projets sortent en même temps. « Un Présent par nature », le jour du réveillon de Noël, Les Cadors, en janvier et …. Son tout premier documentaire de 52 minutes, intitulé "Je connais personne " va être prochainement diffusé sur France 3 Normandie et la plateforme Slash de France TV.
Ce film raconte le parcours d’Estèphe Lesaulnier, un jeune coutançais de 24 ans, qu’il suit à la trace depuis deux ans. « Il a passé le concours de la FEMIS, la plus grande école de cinéma en France et il l’a raté d’une place. Mon film pose les questions suivantes : comment se remet-on d’un échec ? Comment parvient-on à passer par la petite porte alors que la grande reste fermée ? Comment percer quand on n’a pas fait d’école ? ».
Ce documentaire sur la persévérance fait résonner en filigrane la propre histoire de François Dourlen, cet ancien prof, qui a quitté l’école, lui, pour devenir un autodidacte de l'image.
« C’est drôle. Je suis parti de Paris, car je ne voulais pas priver mes enfants de l’enfance que j’ai eue ici, près de ces paysages et de ces lumières qui m’ont forgé. Aujourd’hui, avec mon nouveau métier, Paris m’appelle encore mais je résiste. Je n'ai pas du tout envie de quitter la presqu'île. »
Mieux, il s’enracine. François Dourlen vient de créer un bureau d’accueil des tournages pour inciter les réalisateurs parisiens à tourner dans le Cotentin. Il a reçu dernièrement l’équipe de Thierry Klifa pour son nouveau film, "Les rois de la piste". En somme, le réalisateur revisite à sa manière la célèbre réplique de Jean Marais, dans le Bossu, en la modifiant légèrement : "Si tu ne viens pas à Paris, c’est Paris, qui viendra à toi."