Affaire des carottes de Créances : les agriculteurs suspectés du trafic illégal de pesticides condamnés à des amendes

Des exploitations maraîchères de Créances et leurs intermédiaires ont été condamnés mercredi 1er septembre par le tribunal de Coutances. Ils étaient soupçonnés d'importer et d'épandre dans leurs cultures de carottes du dichloropropène, un pesticide interdit en France.

Le tribunal de Coutances a rendu son jugement : les maraîchers et leurs intermédiaires, impliqués dans l'affaire des carottes de Créances, sont condamnés à payer des amendes (hormis un prévenu, faute de preuves). Entre 8000 et 80 000 euros pour les maraîchers, 60 000 euros d'amende (dont 30 000 avec sursis) pour le transporteur et 80 000 d'amende (dont 30 000 avec sursis) pour l'intermédiaire qui commandait les produits en Espagne. L'entreprise de travaux agricoles qui épandait le produit la nuit et faisait de fausses factures d'élagage est condamnée à 20 000 euros d'amende (dont 10 000 avec sursis).

Rappel des faits

En mai dernier, des entreprises maraîchaires de la côte ouest de la Manche et leurs intermédiaires comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Coutances pour trafic et utilisation de plusieurs tonnes de dichloropropène, un produit phytosanitaire interdit depuis 2018 en France. Encore autorisé dans certains pays européens à l'époque, notamment en Italie, au Portugal et à Chypre, il était importé d’Espagne. 

Il y a urgence à faire autrement et à réformer le modèle agricole. C’est un impératif presque de survie j’ai envie de dire. Il nous semble d’un autre temps d’imaginer pourvoir continuer à travailler comme on l’a fait jusqu’à présent, notamment en utilisant des produits aussi dangereux que le dichloropropène.

Annick Briand Maraichère et vice présidente de la confédération paysanne de la Manche, partie civile

Au moment du procès, de 10 à 100 000 euros d’amende avaient été requis par le Parquet à l’encontre des prévenus. Le procureur avait également requis : 50 000 euros contre l'homme qui groupait les commandes et assurait la livraison, 80 000 euros contre l'intermédiaire qui commandait le produit en Espagne, 20 000 euros contre l'entreprise de travaux agricoles qui épandait le produit la nuit et 10 000 euros contre son gérant qui faisait de fausses factures d'élagage.

Les requêtes de la défense rejetées

Depuis le début de la procédure, la défense demande l'arrêt des poursuites. En décembre 2020, les avocats des producteurs de carottes contestaient la gestion de la procédure par un référé : ils demandaient la suspension des procès-verbaux dressés par la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires le 22 septembre 2020. Une demande rejetée par le juge des référés.

Selon la défense, le dossier serait entaché "d’irrégularités" comme la présence "dissimulée" de journalistes pendant les gardes à vues des maraîchers, un manque d’impartialité ainsi que 20 000 écoutes téléphoniques et des prélevements de terres sans respect des procédures scientifiques. "Nous avons soulevé un certain nombre de nullités, écartés d’un revers de manche par le tribunal", indique Maître Herzog, avocate de la défense, "mais les peines sont réduites et relativement clémentes par rapport aux réquisitions faites par le parquet lors de l’audience." 

Le mardi 14 septembre, tous les professionnels condamnés par le tribunal judiciaire de Coutance ont fait appel, hormis l'un des trois intermédiaires.

Un pesticide pour lutter contre un ver parasite

Ces agriculteurs ne sont pas des voyous, ce sont des gens qui se lèvent tôt le matin, qui font en sorte qu’on ait des légumes de qualité dans nos assiettes.

Maître Herzog, avocate de la défense

Les légumiers utilisaient ce pesticide classé cancérogène probable pour lutter contre un ver parasite des carottes. Ce dernier représente une menace importante pour les cultivateurs, en particulier pour ceux de Créances, car il se développe sur des terres sableuses. "Le problème, c'est que dans nos sables, on n'a pas la méthode pour travailler sans produit", expliquait en avril 2019 Philippe Jean, un producteur venu manifester devant la préfecture de la Manche. "Et cela fait 25 ans que des recherches sont en cours...".

On ne change pas une politique sur la réglementation des produits phytosanitaires qui est établie depuis des dizaines d’années en deux ans et surtout, on ne peut pas laisser des agriculteurs sans solution alternative.

Maître Herzog, avocate de la défense

 

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