Les campeurs face au promoteur : "Non à l'expulsion ! On veut garder notre camping"

À Saint-Pair-sur-Mer (Manche), 81 propriétaires de mobile homes ont appris que leur terrain de camping La Belle Rive allait être vendu à un puissant promoteur qui souhaite construire "un parc résidentiel de loisir". Les tarifs seront sans doute inaccessibles. La nouvelle a déjà gâché les vacances.

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Le terrain de camping est situé à l'embouchure du Thar, à proximité de la plage de Kairon. À marée haute, c'est un lieu de baignade. Quand la mer s'en va, les pêcheurs à pied investissent l'estran. Chaque soir, chacun retrouve son mobile home pour partager les coquillages et couler du bon temps. C'est la Belle Rive.

L'endroit est assez bien situé pour susciter les convoitises. Les rumeurs de vente étaient récurrentes depuis quelques années, "mais le propriétaire nous avait rassurés, explique une résidente. Il nous avait dit : si je le vends, ce sera à des gens comme nous". En somme, le camping resterait un camping. "Je leur faisais confiance, ajoute Stéphanie. En 2020, j'ai acheté un nouveau mobile home. Je me suis engagé pour un crédit de cinq ans".

40 chalets sur pilotis dans un nouveau parc résidentiel de loisir

Au début de l'été, il faisait encore beau. La nouvelle a fini par tomber. "Un compromis de vente a été signé le 31 mars, raconte Michel Blot, l'un des 81 propriétaires de mobile homes. Il a fallu attendre le début du mois de juillet pour savoir que c'était signé avec Pozzo". En quarante ans, la famille Pozzo a développé un réseau d'agences immobilières tentaculaire tout en devenant un promoteur en vue.

La société n'a pas donné suite à notre demande d'entretien, mais il y a quelques jours, le patron, Pierre Pozzo a confirmé son souhait de construire un parc résidentiel devant les élus du conseil municipal de Saint-Pair-sur-Mer. Cet ensemble "compterait 40 habitations légères de loisir, selon les normes de sécurité imposées par l’état. En effet, le site étant quasi en totalité en zone submersible, les contraintes techniques imposent une surélévation des chalets, assurant ainsi la sécurité des résidents", selon Ouest-France qui a rapporté ses propos.

"Pozzo, c'est des gros trucs. Nous, la classe moyenne, on est éliminés"

La colère des résidents s'est d'abord tournée vers le patron du camping, manifestement pas très à l'aise. Notre équipe sur place a essuyé sa mauvaise humeur : "France 3 ne vient que pour les chiens écrasés sur la route". La situation est il est vrai inconfortable : le camping loue les emplacements, mais les mobile homes appartiennent aux campeurs. Si le camping ferme, où mettre des mobile homes ?

Le temps s'est assombri. Sous un ciel incertain, quelque 150 personnes ont manifesté leur tristesse. "Nous sommes ici depuis quatre ans, raconte une retraitée. Nous avions déjà été expulsés du camping de Bréville-sur-Mer qui a été racheté. Nous avons fait 23 campings avant de trouver cette place. Ce sera notre deuxième expulsion".

Je suis là pour garder le plaisir de nos mobile homes. C'est un camping familial. On y a mis toutes nos économies pour passer notre retraite.

Un propriétaire de mobile home

Le cortège s'arrête devant l'agence Pozzo. Les manifestants chantent : "nous voulons garder le camping". Michel précise : "Nous sommes 81 familles. Nous voulons continuer à vivre ici. Certains sont là depuis trente ans". Une dame ajoute : "Nos petits-enfants pleurent. Nos voisins ont du mal à dormir. Nous sommes écœurés".

L'agence, élégante, est barrée du slogan : "Osez l'immobilier". Michel Blot prévient que "les chalets du nouveau parc vont coûter 200 000 ou  300 000 euros". Une petite voix s'élève : "Ici, les gens ont des petits moyens. Ça fait mal au cœur". Une retraitée acquiesce : "Pozzo, c'est des gros trucs. Mais nous, la moyenne classe, on est éliminés".

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