Pascal Burnel, curé de Canisy (Manche), bénit des champs agricoles à bord d'un ULM. Il remet au jour la pratique des rogations. Des prières pour que Dieu veille sur les terres de ses paroissiens.
Quelques minutes avant de monter à bord de l'ULM, le père Pascal Burnel enfile sa chasuble de prêtre, prend un bénitier, un goupillon et une bouteille contenant cinq litres d'eau bénite.
En ce jeudi après-midi de l'Ascension, le curé de la paroisse Sainte-Marie de Canisy (Manche) est prêt mais surtout impatient de s'envoler : "C'est une belle journée pour faire ça ! C'est formidable, merveilleux, chouette. Je vais prier pour les agriculteurs et bénir le fruit de leur travail, ça me rend heureux !" nous confie ce dernier, plein d'enthousiame.
Le pilote à ses côtés avoue que cette situation est un peu cocasse: "J'ai dû avoir des curés à bord mais là... un prêtre en soutane avec son eau bénite, c'est une première, je ne pense pas oublier ce moment !".
L'ULM décolle et prend de l'altitude. L'engin a survolé 11 communes aux 13 clochers. Et surtout une cinquantaine de champs agricoles avec de nombreuses vaches laitières. Tout au long de sa traversée, le curé chante des prières et balance de l'eau pour bénir toutes ces terres.
Je prie pour que Dieu bénisse l'œuvre de leur travail
Pascal BurnelCuré de la paroisse Saint-Marie de Canisy
Une tradition du Ve siècle
Bénir les champs, la pratique semble originale. Mais en réalité, c'est une réelle tradition. Pascal Burnel renoue avec les rogations. Ce sont des demandes, des supplications instaurées au Ve siècle. À l'époque, face aux problématiques régulières de la météo, Saint Mamert, évêque de Vienne (Isère), met en place des processions chantées durant les trois jours qui précèdent l'Ascension pour avoir de belles récoltes.
Si j'avais décidé de faire une procession à pied à travers les champs de ma paroisse, j'en aurais eu pour trois jours.
Père Pascal Burnel
La pratique se répand dans d'autres régions : "C'étaient de véritables fêtes autrefois dans les villages" raconte le père Burnel. "Si j'avais décidé de faire une procession à pied à travers les champs de ma paroisse, j'en aurais eu pour trois jours. C'est en me rendant à l'aérodrome qu'on m'a soufflé l'idée de l'ULM qui est un avion ouvert. C'est génial pour bénir les champs".
Un curé qui fait de l'autostop
Quelques heures avant de s'envoler, le père Burnel célèbre la messe de l'Ascension à l'église Saint-Pierre de Canisy. Le survol des champs par le prêtre est au coeur de toutes les discussions des paroissiens : "Il va bénir nos jardins, nos terres" lâche l'un d'entre eux. Un autre ajoute : "il va bénir les pommes de terre que j'ai plantées". L'événement pourrait leur sembler étonnant mais, finalement, pas tant que ça.
On est habitués aux choses extraordinaires avec lui, notre curé est hors du commun, c'est un vrai personnage.
Une paroissienne de Canisy
En effet, l'été dernier, l'homme d’Église avait perdu son permis à cause de dix excès de vitesse. Mais il était hors de question, pour lui, de rater ses obligations religieuses. Alors il faisait de l'autostop pour être pris en voiture, en tracteur, à moto par ses fidèles : "Ah oui c'est un sacré personnage, il est proche de nous et c'est toujours un plaisir de le prendre en voiture" nous confie un paroissien. "Je suis un prêtre d'aujourd'hui, être en voiture avec eux me permet de leur parler, de les écouter, ce sont de bons moments" explique le père Burnel.
D'ailleurs, après s'en être remis au ciel pour les terres de ses fidèles, il compte maintenant sur ses paroissiens pour pouvoir rentrer chez lui. Le prêtre a récupéré son permis, mais il souhaite poursuivre l'autostop : "Je trouve ça génial".
Voyez le reportage de Maëlenn Nicolas et Jean-Michel Guillaud :