Michael Forster coule une retraite paisible à Carentan-les-Marais dans la Manche. Ce photographe britannique a été accrédité auprès de la famille royale durant quinze ans. Une carrière marquée par des moments émouvants et d'autres plus cocasses.
"J'ai bien conscience de ma chance. J'ai été très privilégié. Mais c'est comme tout dans la vie, à un moment ça devient un boulot. Prendre des photos de la famille royale, c'est très prestigieux. Mais c'est aussi une grosse pression sur les épaules. On n'a pas le doit à l'erreur." En 2001, Michael Forster et son épouse se sont installés à Carentan-les-Marais, dans la Manche. Le couple, amoureux de la Normandie, a décidé d'y passer sa retraite. Pour celui qui suivit durant quinze ans (de 1985 à 2000) la famille royale dans son objectif, c'était aussi une manière de laisser derrière lui une partie de sa vie marquée par la frénésie des voyages officiels tout autour du globe. Ne restent que les souvenirs, les clichés et les macarons officiels qu'il arborait sur sa veste. "Je n'étais pas un paparazzi", tient à souligner l'ancien photographe du Daily Mail, "Aucune de mes photos n'a été volée. J'étais accrédité."
Les photographies des Windsor, Michael Forster ne les compte plus. La première qui lui vient immédiatement à l'esprit, c'est celle d'une princesse aujourd'hui disparue. Comme pour bon nombre de Britanniques, Lady Diana suscite en lui une émotion particulière. "Elle était en voyage en Angola pour une œuvre de charité contre les mines anti personnelles. Elle marchait seule sur une route qui venait d'être déminée. C'était un moment très fort, une image très forte."
Des moments forts, parfois même pesants, et d'autres beaucoup plus légers comme les vêtements de famille royale balayés par un vent un peu trop virulent le jour de noël. "C'était à la sortie de la messe à Sandrigham où la famille royale passe toujours noël. Ils quittent l'église et le vent se met alors à souffler. Vous pouvez voir ce qui arrive. J'ai eu de la chance et j'ai même gagné un prix pour cette photographie."
Avoir de la chance c'est aussi avoir du talent. Et Michael Forster n'en a pas manqué durant ces quinze années passées auprès des Windsor comme ce 6 juin 1995. "C'était le 50e anniversaire du Débarquement. La reine vient rendre un hommage au cimetière britannique de Bayeux. Elle marche seule parmi les tombes. C'était une photo plutôt difficile à prendre parce qu'il n'y avait qu'un seul endroit où on pouvait faire une image nette. Il y avait beaucoup de photographes. Mais j'étais le seul au bon endroit."
Le 8 septembre dernier, l'annonce du décès de la reine Elizabeth II a bien évidemment ébranlé ce sujet de sa majesté qui l'a côtoyée durant de nombreuses années. "La reine avait 96 ans, nous nous attendions tous à ce que ça arrive mais pas aussi vite. La façon dont c'est arrivé, ça a été un choc", raconte l'ancien photographe, "J'ai ressenti, comme tout le monde, beaucoup de tristesse mais aussi le fait qu'elle avait fait un formidable travail pendant 70 ans. Lundi, plus de 200 chefs d'état seront présents aux funérailles, ce qui démontre le respect qu'elle inspire."
Une nouvelle ère
Une page se tourne pour le royaume et pour les Britanniques. "La seconde ère élisabéthaine est terminée. Maintenant c'est l'ère "carolingienne". Le prince Charles va avoir une tâche très difficile : succéder à sa mère. Mais en parlant avec plusieurs personnes qui le connaissent depuis longtemps, je pense qu'il sera un roi fantastique. Il a un style différent mais il a fait un formidable travail pour l'environnement." Un style différent et un peu d'humour, en témoigne le nain de jardin qui trône aujourd'hui dans le salon du photographe retraité. Son frère jumeau a élu domicile dans une propriété royale.
"Le roi a le numéro 001, mon exemplaire a le numéro 002", indique Michael Forster. "Un jour, alors que je suivais le prince Charles en voyage, son secrétaire personnel me demande : Qu'est-ce-que vous allez offrir au prince pour son anniversaire ? J'ai répondu : le prince est l'un des hommes les plus riches du monde, qu'est ce que je peux lui offrir ? Et sur le ton de la blague, j'ai dit que je lui offrirai un nain de jardin. On a ri tous les deux. Mais deux semaines plus tard, j'ai reçu un appel téléphonique de Buckingham : en fait, un nain de jardin c'est une très bonne idée. J'avais alors un problème. Je ne pouvais pas acheter un nain en plastique dans la jardinerie du coin. Je me suis donc rendu aux studios de cinéma de Shepperton où travaillent notamment des artistes d'effets spéciaux. Et j'ai fait fabriquer un nain en deux exemplaires."
En témoigne le visage du futur souverain sur la photo-souvenir (voir photo de une), le facétieux photographe n'a pas commis le crime de lèse-majesté. "Je crois qu'il est installé dans sa résidence principale de Highgrove. Je sais qu'il l'a toujours parce que Camilla, la nouvelle reine (consort) a dit récemment que le prince de Galles avait un nain de jardin chez lui", s'amuse Michael Forster.
Ce lundi, l'ancien photographe sera devant son téléviseur pour suivre les funérailles de la reine, spectateur d'images produites par d'autres. Des images, le retraité du Daily Mail n'en fait d'ailleurs plus beaucoup. "Si un événement important survient, je veux le vivre pleinement, je veux le voir moi-même. Quand vous utilisez un appareil photo, étrangement, vous ne voyez pas l'événement, vous ne le vivez pas vraiment."