En marge des productions laitières et céréalières, des cultures inattendues. À Millières dans la Manche, un ancien comptable s’est lancé dans la production d'agrumes et de liqueurs.
Sous son manteau de givre, le Cotentin n'a rien de méridional. Le climat de la presqu'île a ses rudesses. Et pourtant, sous la serre, Pierre Lebel cueille des oranges. Oui, des oranges. Avec des quartiers gorgés de lumière et de vitamines. « Elles sont très sucrées, en fait le froid permet de bien colorer et de bien fixer les goûts », observe l’agrumiculteur.
Personne n'avait encore osé. Pierre et Zoé Lebel l’ont fait : monter une ferme spécialisée dans la production d’agrumes dans le département de la Manche : Agrume Cavey. La serre abrite 1600 arbres, 377 variétés.
Et dire que tout a commencé par accident. « En mangeant un pamplemousse tout simplement, on s’est dit qu’on allait essayer de faire germer les pépins pour le fun et puis on s’est pris au jeu », se souvient Pierre. Dès lors, le couple s’équipe d’une petite serre avec une vingtaine de pieds d’agrumes. « On a vu que ça fonctionnait, chez nous, avec notre climat ! » lance l'agrumiculteur.
Pierre se lance dans un BTS (brevet de technicien supérieur) production horticole. Dans son ancienne vie caennaise, le Normand était comptable, comme sa femme Zoé. Horaires de bureau, vie réglée, Pierre ne s'épanouit plus au travail. Son épouse l'incite à se réaliser autrement. « Quand tu vois que ton mari n’est pas forcément heureux dans son travail, c’est important de le pousser à faire quelque chose qu’il aime » confie-t-elle.
Le 1er juillet 2020, après quelques péripéties, une serre de 1500 m² sort de terre. « Quand la pelleteuse est venue faire les trous, il y avait tellement de gadoue qu’elle s’embourbait », se souvient le couple.
Le travail commence à porter ses fruits
Le yuzu est le premier arbre planté dans le verger en septembre 2020. Depuis, le rêve prend forme et l'ancien comptable est aujourd'hui en mesure de livrer ses premiers clients. Un kilo d’oranges et trois bouteilles de liqueur de cédrat pour le drive ambulant de produits frais et locaux Jules et Jean. « Enfin des oranges un peu plus locales que l’Espagne ou l’Italie ! », s’enthousiasme Julien Clérot, « c’est inattendu, je ne pensais pas que c’était possible », s'étonne le commerçant ambulant.
Et pour piquer la curiosité, Pierre Lebel a privilégié des variétés rares et recherchées comme le sudachi, cousin du yuzu, ou le faustrime, apparenté au citron caviar « c’est juste excellent, sur des fruits de mer ça explose en bouche, c’est hyper puissant », indique l’agrumiculteur. Les grands chefs cuisiniers de toute la France sont déjà sur les rangs, que ce soit en entrée, en plat ou en dessert. Le calamondin de Pierre participe même au championnat de France du dessert cette année, travaillé par un candidat du lycée hôtelier de Blois.
Même si la première récolte est encore modeste, quelques kilos par-ci par-là, le jeune agrumiculteur ne regrette rien : « ce qui est exaltant c’est de se lever le matin et de se dire qu’on bosse pour soi, pour sa famille et que c’est une passion ».