L'Église et l'argent : les donateurs disparaissent et "les jeunes n'ont plus le réflexe de donner..."

La campagne 2024 du denier est lancée à l'occasion de la Semaine sainte. Cette collecte constitue la principale ressource financière de l'Église. Or depuis quelques années, le nombre de donateurs fond. La situation est par endroits jugée "préoccupante". Dans l'Orne, l'année dernière, le diocèse de Séez a même dû vendre des biens pour faire face à ses dépenses.

Dimanche dernier, l'église Saint-Michel d'Argentan était pleine. Les fidèles demeurent attachés au rituel de la bénédiction des rameaux qui marque l'entrée dans la Semaine sainte. C'est traditionnellement un jour de grande affluence : ce n'est pas un hasard si l'Eglise de France a choisi ce moment pour lancer sa campagne annuelle du denier.

"Nous vivons d'amour fraternel, mais pas seulement..."

À la fin de l'office, le père Pierre-Yves Émile prend le micro pour les habituelles annonces des événements qui rythment la vie de la paroisse : les heures de messes, les inscriptions pour la marche pascale. Puis vient le moment de donner "une information très importante". Dans un silence de cathédrale, le prêtre évoque le lancement de la campagne du denier : "Nous vivons d'amour fraternel les uns avec les autres, mais pas seulement."

Le denier demeure la principale source de revenu des diocèses. "Votre don est vital pour le service de l'Église, poursuit le père Emile. Sachez malheureusement que notre paroisse cette année a vu une baisse de 15% du denier, ce qui est considérable. Je vous invite à prendre votre part"...

La paroisse d'Argentan n'est pas un cas isolé. Dans le diocèse de Séez, le denier a rapporté 1 152 202 euros en 2023. C'est précis et les chiffres sont têtus : le produit de la collecte est en diminution de 15%. "Cette forte baisse du montant final de la collecte du denier 2023 est très préoccupante", reconnaît Violaine d’Aillières, en charge de la communication du diocèse.

Les évêques sont "préoccupés"

La générosité de ceux qui donnent n'est pas vraiment en cause en cause : dans l'Orne, le don moyen a encore augmenté. Mais le nombre des donateurs s'effondre. On en comptait 6 189 en 2021. Ils n'étaient plus que 4 675 en 2023, ce qui marque un tournant dans ce département rural où l'Êglise a toujours été particulièrement bien implantée.

D'un diocèse à l'autre, les situations diffèrent quelque peu. À Rouen, la collecte d'argent était encore dynamique en 2022 (les chiffres pour l'année 2023 n'ont pas encore été communiqués), mais le nombre de donateurs avait déjà tendance à diminuer. Dans le Calvados, l'économe du diocèse de Bayeux-Lisieux remarque que "toutes les collectes sont en baisse". Le produit du denier n'a reculé que de 1%. "Mais le plus inquiétant est la continuité de la baisse des donateurs", souligne Laurent Poichotte.

Cet hiver, la conférence des évêques de France a tiré le signal d'alarme. Ils n'étaient plus que 813 000 en 2022. "C'est 50 000 de moins par rapport à l'année précédente", remarque la CEF qui se dit "très préoccupée". Pour la première fois, en décembre dernier, l'Eglise catholique a financé des spots publicitaires à la télévision pour tenter de recruter de nouveaux contributeurs.

L'Église ne reçoit aucun subside du Vatican, aucune subvention. Elle vit uniquement des dons et legs. Les ressources se sont globalement maintenues grâce aux quêtes qui sont effectuées dans les lieux de culte. La baisse du denier pose toutefois un problème majeur. Cet argent sert en effet à payer les salaires.

L'argent ne tombe pas du ciel

Dans l'Orne, le diocèse rémunère 47 prêtres, 20 salariés laïcs et 15 prêtres retraités et la collecte est loin de couvrir les besoins : "Il manque 603 000 euros". Le diocèse a dû se résoudre à vendre des biens et à puiser dans ses réserves.

"On voudrait pouvoir vivre comme Saint-François d'Assise dans la pauvreté évangélique en marchant en sandales sur les chemins, mais il y a une réalité et des besoins matériels", dit le père Pierre-Yves Emile. "Il faut entretenir les bâtiments et entretenir les prêtres. On a quand même besoin de manger", ajoute-t-il sans se départir de son sourire.

À la sortie de la messe, un petit fascicule est remis aux paroissiens pour leur expliquer comment contribuer. "Tous les ans on essaye de donner notre part, mais je pense que nous sommes beaucoup sollicités. On ne peut pas donner à tout le monde, explique une fidèle de longue date. Quand on est chrétien, c'est un devoir d'aider l'Eglise, mais les jeunes ne sont pas touchés par cette question, malheureusement..."

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