Burn-out scolaire chez les lycéens français : l'inquiétant constat d'une chercheuse

Selon une étude menée entre 2021 et 2022, 15 % des lycéens présenteraient des signes importants d’épuisement et de stress. Une tendance qui pourrait notamment s’expliquer par l’augmentation de la pression scolaire depuis la mise en place de Parcoursup.

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Psychologue de l'Éducation nationale et doctorante, Aline Vansoeterstede, originaire de Rouen (Seine-Maritime) a mené une étude auprès de 500 lycéens en France métropolitaine.

Souvent utilisé dans le cadre professionnel, le concept de burn-out concernerait également le milieu scolaire. Un travail universitaire qui fait écho à la conférence sur le bien-être à l’école, menée cette semaine par le Conseil national d'études des systèmes scolaires. Interview.

"Ça augmente le risque de dépression"

France 3 Normandie : Comment avez-vous réalisé cette étude ?

D’une manière générale c’est compliqué de faire de la recherche avec l’Éducation nationale et c’était juste après le Covid. Il y avait encore pas mal de restrictions et notre échantillon d’élèves n’était pas aussi grand que prévu. On a eu 500 participants alors qu’on en espérait 1 500.

Comment se traduit le burn-out chez un élève ?

Le burn-out des élèves, ce n’est pas forcément quelque chose qui les paralyse mais nous savons que c'est délétère pour la santé mentale à long terme puisque ça augmente le risque de dépression. On sait aussi que les gens qui sont en burn-out ont plus envie que les autres de changer de formation. 

Les élèves ne vont pas forcément s’épuiser au point de ne plus réussir à se lever un beau matin mais ils peuvent se plaindre de symptômes psychosomatiques (maux de tête, ventre, dos, irritabilité, nervosité, et troubles du sommeil). Ils peuvent aussi exprimer qu’ils ne trouvent pas d’intérêt ou de sens à l’école. 

Parcoursup rend extrêmement saillant la question de la performance, cela pourrait être un facteur aggravant pour le burn-out scolaire.

Aline Vansoeterstede, psychologue

Qu’est-ce qui peut déclencher un burn-out chez un lycéen ?

Le burn-out est lié à des facteurs très concrets comme la charge de travail. Il y a un décalage entre ce qu’il faudrait que je fasse et ce que je suis capable de faire. C'est ça qui va épuiser la personne et qui va miner son moral. Cela engendre une mauvaise évaluation de moi-même en tant qu’élève voire de moi-même en général. A contrario, l'anxiété est beaucoup moins ancrée dans la réalité, on a peur de quelque chose mais qui ne devrait pas faire peur.

Comment expliquez-vous cette tendance ?

Il y a plusieurs questions que je me pose concernant les raisons de ces burn-out. Le Covid a peut-être accentué les choses mais il y a aussi la réforme du lycée qui est arrivée presque en même temps que Parcoursup. Or, on sait que ce qui stresse les élèves, c'est la pression qui est liée à la réussite, les opportunités d'orientation sont largement déterminées par le niveau de performance scolaire. Parcoursup rend extrêmement saillant la question de la performance, ce pourrait être un facteur aggravant pour le burn-out scolaire.

"La réforme a été extrêmement maltraitante"

Il y a eu aussi la réforme du lycée avec un tronc commun et des spécialités au choix qui représente 12 heures hebdomadaire dans leur emploi du temps. À cela s’est ajouté, le changement des programmes scolaires. Cette réforme a été mise en place un peu dans la précipitation, ce qui a généré une pression énorme sur les enseignants et forcément quand les professeurs ne sont pas bien, cela a un impact conséquent sur les élèves.

La réforme a été extrêmement maltraitante pour les personnels de l’Éducation nationale, les programmes sont très denses et d'un niveau vraiment plus important qu’auparavant selon certains enseignants. On peut supposer qu’il y a un effet sur la charge de travail des élèves mais ça ne reste qu'une hypothèse.

La réforme du lycée a aussi détruit les collectifs de classe. Les élèves ont tous des enseignements différents au sein de la même classe. Il n’y a plus d’unité comme avant. Les lycéens aimeraient avoir plus de temps pour échanger avec leurs professeurs.

"Les filles sont plus sensibles au stress"

Peut-on établir des tendances sociologiques dans les profils des élèves en burn-out ?

Les filles sont plus sensibles au stress et à l’épuisement à l’école. En termes de catégorie sociodémographique il n’y a pas de tendance claire. Par contre, on peut dire que les élèves perfectionnistes ont plus tendance à s’épuiser et ceux qui ont de mauvais résultats ont plus de probabilité de connaître un burn-out.

Les élèves des voies générales sont aussi plus exposés car la charge de travail est plus importante.

Ce phénomène est-il nouveau ?

Je ne pense pas, mais il y a un certain nombre de scientifiques qui expliquent qu’il y a une dégradation de la santé mentale des jeunes avant le Covid, ça s'explique justement par le stress scolaire inhérent aux sociétés qui accordent beaucoup d'importance à la connaissance et aux diplômes, c’est le cas en France.

Les pays qui sont tournés vers une économie de la connaissance créent une pression à l'école chronique qui dégrade la santé des élèves.

Est-ce un problème particulièrement important en France ?

C’est très difficile à dire. Il faudrait pouvoir comparer avec des études menées de manière très similaires et réalisées exactement sur la même période. On sait qu’il y a des pays très soucieux du bien-être en milieu scolaire comme la Finlande, là-bas les élèves sont à la fois performants et en bonne santé psychologique.

En revanche, en Corée du Sud les élèves sont très performants mais avec les pires évaluations en matière de bien-être avec un taux de suicide important. Ils ont beaucoup de cours et des parents souvent absents car très occupés professionnellement.

Votre étude a-t-elle mis en évidence d’autres problématiques scolaires ?

Il y a effectivement ce que l’on appelle le désengagement. Ce sont des élèves qui s’ennuient à l’école et qui risquent de décrocher. Ils représentent dans notre étude 17 % des élèves contre 15 % en situation de burn-out. Pour ces deux cas de figure, 20 % d’entre eux envisagent d’arrêter leurs études.

Je précise que notre échantillon n’est pas suffisamment important pour être considéré comme représentatif. Il s’agit d’une tendance qui doit être vérifiée par d’autres études. Pour cela nous avons besoin de soutien financier de la part de nos institutions…

"Se centrer sur le bien-être et pas sur la performance"

Quels conseils donneriez-vous aux parents d’élèves qui vivent ces situations ?

Je dirais aux parents de se centrer sur le bien-être et pas sur la performance. C’est stressant pour les parents toutes ces questions d’orientations et même s’ils ne s’en rendent pas compte, ils peuvent transmettre une forme de pression avec les enjeux liés à Parcoursup. Il faut aider l’élève à trouver ce qu’il aime faire à l’école, dans quel domaine il a envie de faire des efforts.

Il est parfois nécessaire d’envisager une autre voie dans la filière professionnelle par exemple, si cela a du sens pour l’élève. Si les parents constatent que le problème provient plutôt d’une mauvaise gestion du stress, il faut alors consulter un psychologue.

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