Les professionnels comme les artisans, boulangers ou restaurateurs voient le prix de leur facture d'électricité s'envoler depuis quelques mois avec la crise de l'énergie. Mais pourquoi concrètement ?
Stéphane et Corinne Laurent sont les gérants du bar de l'Europe au nord de Caen (Calvados). En novembre, ils reçoivent leur facture d'électricité d'un montant de 7 000 euros alors qu'habituellement elle ne dépasse pas les 500 euros par mois. L'inquiétude, mais surtout l'incompréhension, prennent le pas :
"De 6 centimes d'euros le kWh, on est passé à 1,41€, c'est fou!"
Stéphane Laurent, gérant du Bar de l'Europe
Les gérants ont contacté leur fournisseur. Après quelques recherches et malgré le prélèvement effectué "c'est une erreur" affirme TotalEnergies. Mais après un recalcul, les restaurateurs se verront tenus de payer dorénavant 0,74 centimes d'euros le kWh, au lieu des 0,06 centimes d'euros qu'ils payaient depuis 4 ans. Soit une augmentation de 1 133% !
TotalEnergies explique avoir répercuté les hausses des prix du marché. Les gérants craignent les échéances à venir et choisissent donc de mettre fin à leur contrat qui arrivait à échéance le 31 décembre 2022 : "nous sommes passés par un courtier qui nous a trouvé un contrat chez EDF spécifique aux entreprises de moins de 10 salariés et qui ont un chiffre d'affaire ne dépassant pas les 2 millions d'euros" raconte Stéphane. Désormais ils payeront 0,17 centimes d'euros le kHw, au moins pendant un an.
Des artisans et commerçants dont la consommation est particulièrement énergivore, comme les boulangers ou les bouchers, ont vu le prix de leur facture d'électricité s'envoler un peu partout en Normandie, comme dans le reste de la France. Mais comment en est-on arrivé à de telles envolées des prix ? Comment les fournisseurs d'énergie expliquent cela ?
2016 : fin des tarifs réglementés pour les professionnels
Il faut remonter au 1er janvier 2016 pour comprendre la situation actuelle, date à laquelle les entreprises n'ont plus eu accès à un tarif réglementé de l'électricité, contrairement aux particuliers qui peuvent toujours conserver cette offre encadrée par l'Etat.
Les commerçants et artisans ont dès lors eu le choix de souscrire un contrat avec EDF, ou avec l'un des autres fournisseurs privés d'énergie désormais disponibles en France et dont les tarifs peuvent fluctuer, selon les cours du marché et les modalités du contrat.
Ce changement de système n'a pas provoqué de fluctuations de prix très importantes pour les professionnels durant de nombreuses années. Mais depuis l'été 2021, la situation a radicalement changé. Les prix de l'électricité ont commencé à fortement augmenter sur les marchés jusqu'à atteindre un pic extrêmement élevé en août 2022, quelques mois après le début du conflit en Ukraine.
Les tarifs des nouveaux contrats flambent
Les nouveaux contrats signés ces derniers mois entre les entreprises et les fournisseurs ont ainsi vu leur prix flamber, parfois de manière spectaculaire. "Les contrats de fourniture d'électricité sont établis en cohérence avec les prix observés sur les marchés et nos coûts d'approvisionnement au moment de la signature", explique TotalEnergies à nos confrères de franceinfo. L'opérateur assure qu'il a dû faire face à "des niveaux supérieurs à vingt fois les prix de marché historiques". Des hausses répercutées sur les contrats avec les professionnels.
Ces hausses sont accentuées lorsque le contrat avec le fournisseur est renouvelé sans négociation ou au dernier moment. "Si un professionnel a besoin d'un nouveau contrat du jour au lendemain, l'opérateur va lui proposer le prix d'approvisionnement au dernier moment sur le marché", alerte Nicolas Goldberg, expert en énergie pour Colombus Consulting, à franceinfo. Les marges de négociations sont extrêmement limitées.
Le gouvernement hausse le ton
Face à l'envolée des prix et aux dérives constatées de certains opérateurs, le gouvernement a donc décidé de hausser le ton. Si les fournisseurs ne respectent pas ces engagements, le gouvernement a promis de révéler les noms des mauvais élèves et de renforcer leur taxation. "On peut toujours prélever davantage sur les fournisseurs d'énergie que ce que nous faisons aujourd'hui", a menacé Bruno Le Maire.