La Seine-Maritime fait partie des départements où les violences intrafamiliales et les vols avec violences ont le plus augmenté en septembre, octobre et novembre 2022 par rapport à 2021. Selon Frédéric Desguerre, secrétaire national Unité SGP Police FO, cette hausse est principalement due à un manque d'effectifs sur le terrain.
La Seine-Maritime fait partie des 20 départements concentrant 75% de la délinquance et placés sous surveillance par le ministère de l'Intérieur depuis l'été. Gérald Darmanin a déclaré jeudi 8 décembre s'attendre à une baisse de la délinquance générale en 2022, au regard des résultats obtenus entre septembre et novembre dans ces départements.
Mais la Seine-Maritime fait figure de mauvaise élève. Le 76 fait partie des trois départements où les violences intrafamiliales et les vols avec violences ont augmenté en septembre, octobre et novembre 2022 par rapport à la même période en 2021.
Hausse des violences intrafamiliales de 17,48%
Gérald Darmanin s'est félicité de voir "pour la première fois les atteintes aux personnes en baisse", hormis les violences intrafamiliales toujours en hausse, en raison, selon lui, "de la libération de la parole". Au cours des mois de septembre, octobre et novembre 2022, la Seine-Maritime a connu une hausse de 17,48% du nombre de victimes de violences intrafamiliales par rapport à la même période en 2021.
Elle se place ainsi en troisième position des départements où ce chiffre a le plus augmenté, derrière Paris et l'Hérault. A titre de comparaison, dans les 20 départements placés sous surveillance, les victimes de violences intrafamiliales sont en hausse de 8,71%.
Augmentation des vols avec violences de 25,67%
La Seine-Maritime est aussi le département où les vols avec violences ont le plus augmenté sur cette même période (+25,67%). Dans les départements sous surveillance, les violences aux personnes dans les transports publics sont en baisse (-23,66%), sauf dans l'Hérault et les Pyrénées-Orientales. Les vols de véhicules sont en revanche en hausse dans 14 départements (+ 52,36% cumul des 20 départements). Les homicides ont également baissé de 14% dans ces départements.
Fin août, Gérald Darmanin avait demandé aux préfets de ces 20 départements d'accentuer leurs efforts et aux responsables de la police de mettre "davantage de bleus [forces de l'ordre, ndlr] dans la rue". Depuis, chaque semaine, les préfets sont priés de faire un bilan de la lutte contre la délinquance auprès du ministre.
Afin de comprendre l'augmentation des violences intrafamiliales et des vols avec violences en Seine-Maritime, nous avons posé cinq questions à Frédéric Desguerre, secrétaire national Unité SGP Police FO.
Les derniers chiffres de la délinquance en Seine-Maritime sont-ils surprenants ?
Frédéric Desguerre : Pas du tout. Depuis des années, on avait prévu que ces chiffres allaient exploser vu le manque d'effectif et les communications de monsieur le ministre sur différentes thématiques. Donc on arrive à ce qu'on espérait ne pas voir arriver, c'est-à-dire une explosion des vols avec violences et des violences intrafamiliales.
Pourtant il y a eu 60 personnes recrutées sur la circonscription Rouen-Elbeuf en 2022…
On a toujours dénoncé que, depuis 2017, il nous manquait 127 fonctionnaires de police pour traiter toutes ces procédures sur Rouen. On a eu un renfort de 60 [fonctionnaires, ndlr]. Il nous en manque donc 67. 60, ce n'est pas assez parce qu'on avait renforcé le service investigation et on avait délaissé la voie publique. Or, sur la voie publique, on n'avait plus que deux [équipages, ndlr] de police-secours pour assurer la sécurité de nos concitoyens rouennais. Il a fallu renforcer cette présence policière sur le terrain donc les 60 ont été en grande majorité mis sur la voie publique pour assurer la sécurité.
Mais quand on met plus de voitures sur la voie publique, il y a plus de dossiers qui arrivent et il y a moins d'enquêteurs pour traiter donc, en fait, on déshabille Paul pour habiller Jacques. C'est pour ça que les 67 supplémentaires qu’on réclame sont importants. On va pouvoir équilibrer et tout le monde pourra travailler sereinement.
Sur le terrain, qu'est ce qui manque à la police ?
En fait, c'est tout une chaîne. Il manque de la présence sur la voie publique. La police, ce n'est pas que de la répression, c'est aussi de la prévention. Et quand on attrape des délinquants, il faut des fonctionnaires de police aguerris et spécialisés pour pouvoir traiter tous ces dossiers. Et là aussi, on a des services comme la brigade des mineurs, la brigade des violences intrafamiliales, la brigade des violences aux personnes, qui sont à bout car [elles doivent traiter, ndlr] trop de dossiers et elles n'arrivent pas à s'en sortir. On est passé de quelques centaines de dossiers par personne à quelques milliers.
Qu'est ce qui explique ces chiffres catastrophiques ?
Quand la délinquance a vu qu’on n'avait plus la capacité d'occuper ce terrain, tout doucement, elle s'est installée, elle a commencé à prendre ses aises, à s'implanter. On l'a vu à Lyon, à Grenoble, on le voit maintenant à Rouen. Quand on laisse du terrain, la nature reprend ses droits et les délinquants œuvrent sereinement dans les endroits où on ne peut pas aller.
Quelles sont les solutions pour faire baisser ces chiffres ?
Il faudrait cet équilibrage entre la voie publique et les gens qui traitent l'investigation donc la suite des procédures. Deuxième chose, [il faut] accentuer la prévention. C'est-à-dire ne pas faire que des police-secours mais des patrouilles pédestres plus nombreuses un petit peu partout sinon on va juste déplacer le problème. Et avoir une continuité dans l'apport de nouveaux effectifs. C'est-à-dire ne pas avoir un gros apport de 60 et puis pendant cinq ans les voir diminuer de mois en mois.
Et surtout se mettre autour de la table avec la justice pour voir que, peut-être, tous les dossiers ne sont pas à traiter. On a des dossiers farfelus qui nous engorgent, qui sont chronophages et qui nuisent aux vraies procédures qu'on doit traiter.Et au bout de la chaîne, c'est quand même la victime qui subit tout ce préjudice.