L’été 2022, caniculaire, a laissé un souvenir cuisant aux agriculteurs. Les incendies dans les champs ont marqué les esprits. Un an plus tard, la sécheresse est toujours là et les moissons ont débuté. Le monde agricole tente de s'organiser pour éviter le pire.
Un petit rien et des dizaines, voire des centaines d’hectares de blé ou d’orge peuvent brûler. Et ce, en pleine période de moisson. Ce petit rien, ce peut être une étincelle surgie d’un frottement entre une pierre et la barre de coupe de la moissonneuse-batteuse. Un exemple parmi tant d'autres. "Les causes sont diverses : le feu peut partir de la poussière accumulée sur la machine elle-même, ou des freins qui chauffent. On évacue déjà une bonne partie des risques en dépoussiérant la machine avant d’attaquer la moisson. L’entretien doit être fait. Et pendant les opérations, on relève suffisamment la barre de coupe afin d’éviter tout risque d’étincelle" résume Geoffroy de Lesquen, céréaliculteur dans la plaine de Caen et vice-président de la FDSEA.
L’an dernier, il a perdu 17 hectares dans un incendie. "Les pompiers ont localisé le départ de feu en bord de route, c’est sûrement un mégot jeté par un automobiliste. Je suis assuré, mais c’est simplement horrible de voir partir ainsi une partie de la récolte, ça fait mal au cœur", reconnaît-il, tandis qu’il s’apprête à moissonner une trentaine d’hectares.
800 hectares partis en fumée
L’été dernier, dans l’Eure, pas moins de 800 hectares au total ont brûlé, dont plus de 500 de céréales à paille. Une convention entre la chambre d’agriculture, le SDIS et des syndicats agricoles a été signée en juin 2023 pour renforcer la lutte contre le risque d’incendie.
Guy Jacob, de la chambre d'agriculture de l'Eure, résume le dispositif : "On s'est rendu compte en 2022 que trop de personnes dans une même parcelle pour lutter contre un feu, ça peut vite devenir contre-productif et on risque le suraccident. Par exemple, un tracteur venu apporter son aide qui brûle, ça ne devrait pas avoir lieu. Depuis cet été, on a créé un réseau. Les secours sont chargés d'appeler un agriculteur référent, qui connaît très bien la zone géographique. Il se charge d'organiser le soutien apporté au SDIS côté exploitants."
L'avantage : un gain en termes de réactivité et d'efficacité dans la lutte contre les flammes. Ce dispositif n'est pas propre qu'à l'Eure. Il a déjà été mis en place dans l'Oise en 2019.
"Eviter de frôler la catastrophe, comme l'été dernier"
Les incendies laissent parfois un arrière-goût âcre dans les têtes. "On aimerait cette année éviter de frôler la catastrophe, comme l'été dernier autour du 14 juillet, dans le secteur de Verneuil, où 192 hectares ont brûlé en un jour, avec des maisons qui étaient menacées."
"On a divisé le département en 9 secteurs, on doit encore ajuster tout cela. On se demande s'il ne faudrait pas plus de référents afin de mieux mailler le territoire, et avoir une connaissance plus fine des parcelles concernées", précise Guy Jacob.
Un guide des bonnes pratiques pour les exploitants
Un guide des chambres d'agriculture résume quelques conseils donnés aux agriculteurs. Comme celui de "déchaumer à proximité des habitations et des forêts". Geoffroy de Lesquen explique que "déchaumer ou travailler le sol pour remettre de la terre au-dessus du reste de végétation coupée, c’est le moyen le plus efficace de faire pare-feu. On a toujours un engin attelé à proximité ou à la ferme pour agir. Et il y a une solidarité entre agriculteurs, bien souvent les voisins proposent de déchaumer une parcelle qui brûle ou celle d’à côté, c’est un travail collectif".
En revanche, amener l’équivalent d’une tonne d’eau sur place comme préconisé dans le document de la chambre n’est pas appliqué.
Reste un conseil de bon sens : les dix premières minutes sont essentielles pour maîtriser les flammes. Alors sans se mettre en danger, les agriculteurs sont incités à tenter d’éteindre tout départ de feu à l’aide d’un extincteur. Et, surtout, à appeler les secours.