Environnement : ces médicaments qui polluent la Seine

Avec les Jeux Olympiques de Paris, la qualité de l’eau de la Seine a fait la Une des médias. Bactéries, micro-plastiques, pesticides, polluants éternels… Les sources de pollution sont nombreuses. Zoom sur celle liée aux médicaments.

Presque 20 ans que Cédric Fisson scrute l’eau de la Seine. Plus particulièrement les 170 kilomètres de l’estuaire, qui s’étend du barrage de Poses jusqu’à la Baie de Seine. Parmi les sources de pollution qu’il étudie, celle liée à la présence de molécules chimiques contenues dans les médicaments que nous consommons.

Quand on ingère un médicament, une partie est métabolisée par notre corps, c’est-à-dire assimilée, mais une partie est rejetée notamment dans nos urines.  Ces résidus ne sont traités que partiellement dans les stations d’épuration et se retrouvent ensuite dans la Seine. 

Cédric Fisson, chargé de mission au Groupement d’intérêt public Seine-Aval

Diclofénac, ibuprofène, hormone contraceptive… Ce que les chimistes identifient est à l’image de notre consommation, même si aujourd’hui seules quelques dizaines de molécules sont analysées.

Une pollution liée aux médicaments stable depuis 20 ans

Cédric Fisson se veut rassurant sur la concentration de ces rejets : « on est de l’ordre du nanogramme par litre, c’est l’équivalent d’un sucre dans une piscine olympique. On parle de quelques dizaines de kilos par jour qui vont passer dans la Seine si on cumule les différentes substances pharmaceutiques qu’on retrouve ».

Des données globalement stables depuis 20 ans, l’amélioration des traitements dans les stations d’épuration ayant probablement contrebalancé l’augmentation de la consommation de médicaments.

Mais les molécules chimiques de nos comprimés sont loin d’être la seule source de pollution. Pesticides, métaux, hydrocarbures, plastiques… La faune qui évolue dans ce fleuve est soumise à une multitude de contaminants.

Ce cocktail est le reflet des activités humaines actuelles, mais aussi l’héritage de pollutions historiques dans les années 50 à 70. À l’époque, les rejets industriels n’étaient pratiquement pas traités, ce qui a très fortement pollué le fleuve.

 Dans l’estuaire, aujourd’hui, ces contaminants sont encore présents sur les abords du fleuve, stockés dans les couches profondes de certaines vasières ou dans les sols de sites industriels pollués. Les fortes cures, les grandes marées ou les tempêtes peuvent les mobiliser de nouveau.

Une qualité des eaux en nette amélioration

Si le tableau paraît sombre, la qualité des eaux s’est globalement améliorée depuis les années 1970-1980, comme l’explique notre journaliste François Pesquet dans ce reportage réalisé en juin 2023.

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Pesticides, métaux, hydrocarbures, plastiques, résidus médicamenteux… la Seine est soumise à de nombreux polluants. Si le tableau paraît sombre, la qualité des eaux s’est pourtant améliorée depuis les années 1970-1980. D'ailleurs les poissons font leur retour. ©FTV

Les PCB, des polluants chimiques persistants utilisés par certaines industries et interdits dans les années 1980, sont par exemple de moins en moins présents. Même tendance pour les phosphates dont la réglementation et le traitement ont évolué depuis les années 1990.

Quel impact sur la biodiversité ?

Face à une pollution aussi polymorphe, difficile de déterminer l’impact précis des résidus médicamenteux sur les poissons, les vers, les crevettes qui évoluent dans la Seine.

 « Il y a encore 30 ans, il n’y avait plus de poissons dans le fleuve, se souvient Cédric Fisson. Leur retour est synonyme d’une amélioration de la qualité de l’eau. Mais ils restent soumis à une forte pression chimique, ce qui a un impact sur leur état de santé, sur leur système immunitaire, sur leur ADN. »

Toute l’énergie que ces poissons vont mettre à lutter contre cette pression chimique pour détoxifier leur organisme, ils ne pourront pas la mettre dans leur croissance, leur développement, leur reproduction. C’est la même chose quand nous sommes malades et que toute notre énergie est concentrée sur notre guérison 

Cédric Fisson, chargé de mission au GIP Seine-Aval

 

En avril 1999 déjà, le laboratoire d'écotoxicologue de la Faculté des sciences du Havre rendait compte d’une pêche étonnante. Des chercheurs avaient trouvé des poissons dans l'estuaire de la Seine dont certains mâles étaient féminisés.

Une pathologie qui serait liée à l'action de substances polluantes présentes dans le fleuve. Impossible de déterminer si ce phénomène était dû à l'action des hormones contraceptives rejetées avec les eaux usées ou aux polluants chimiques rejetés par l'industrie, comme l’expliquait à l’époque notre journaliste Béatrice Rabelle dans ce reportage.

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Avril 1999, le laboratoire d'écotoxicologue de la Faculté des sciences du Havre rendent compte d’une pêche étonnante. Des chercheurs ont trouvé des poissons dans l'estuaire de la Seine dont certains mâles sont féminisés. Une pathologie qui serait liée à l'action de substances polluantes présentes dans le fleuve. ©FTV

 

Cibler les résidus médicamenteux

 Pour limiter la pollution engendrée par les médicaments, Cédric Fisson évoque deux leviers d’action possibles. « Le premier serait de travailler sur les prescriptions médicales, explique le spécialiste de la qualité des eaux. « Limiter leur nombre, sinon privilégier des traitements qui se dégradent plus facilement dans les eaux ou que le corps humain métabolise davantage. Mais on peut comprendre que l’efficacité d’un médicament soit la priorité et pas forcément sa dimension environnementale. »

L’autre piste pourrait venir des techniques utilisées dans les stations d’épuration en France. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’objectif précis de qualité sur les résidus médicamenteux. Elles traitent la matière organique, l’azote, le phosphore, les bactéries, mais pas spécifiquement les molécules chimiques médicales. »

D’autres pays européens ont pourtant fait ce choix. Depuis 2016, la Suisse a mis progressivement en œuvre le traitement des micro-polluants dont font partie les résidus médicamenteux dans ces stations d’épuration. « Les moyens techniques existent, conclut Cédric Fisson. C’est une question de coût et de choix politique. »

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