Le compte à rebours est lancé : 35 jours avant le 1er tour de l’élection présidentielle. Les débats s’invitent aussi en prison car la plupart des prisonniers conservent leur droit de vote. Au Havre, les détenus se sont révélés particulièrement politisés.
La prison du Havre s’anime d’une ambiance inhabituelle ce lundi 7 mars. Le temps de l’après-midi, un sport d’un autre genre s’est invité dans le gymnase. Des débats autour de la prochaine élection présidentielle se sont tenus avec une quarantaine de détenus.
L’élection présidentielle n’est pas taboue en milieu carcéral. Elle est même abordée à de nombreuses reprises, lors des cours d’éducation civique, mais aussi de manière plus informelle entre les détenus. « On regarde beaucoup la télévision alors on en parle souvent entre nous » témoigne l’un d’eux. Son voisin ajoute : « On est des citoyens français, on est nés en France, on vit en France alors on est obligés de dire ce que l’on pense ».
On est des citoyens français, (...) on est obligés de dire ce que l’on pense.
Un détenu de la prison du Havre
Pour la première fois, un professeur de sciences politiques et un fonctionnaire de l’état civil étaient invités pour animer les discussions.
L’idée est venue de l’étudiante en service civique Violette Guiffault : « J’étais censée les informer sur les modalités de vote mais finalement cela terminait souvent en débat politique entre les détenus ».
Lors de cet après-midi, les prisonniers ont d’eux-mêmes abordé un certain panel de sujet : l’intérêt de voter, la citoyenneté en tant que détenu, le vote blanc et sa reconnaissance mais aussi les programmes des 12 candidats. « Je suis déçu car j’ai l’impression que certains candidats font des fixettes sur beaucoup de choses mais pas sur les priorités de nos familles » commente au micro l’un des détenu.
A l’issue des échanges, le responsable de l’état civil des élections d’Harfleur, Enrick Gouthier, est agréablement surpris. « Je me suis rendu compte que les détenus sont très politisés. Je m’attendais à ce qu’ils nous parlent seulement des mesures en lien avec le milieu carcéral alors qu’ils étaient globalement intéressés par l’ensemble des élections à venir ».
Quelle abstention en prison ?
Même si les stéréotypes autour de l’abstention en prison semblent être démentis au Havre, celle-ci existe bel et bien. En 2017, 98% des détenus inscrits sur les listes électorales se sont abstenus de voter à l’élection présidentielle, selon le rapport transmis au Sénat. C’est sans compter ceux-ci qui ne sont pas inscrits sur ces listes.
Pourtant la plupart des prisonniers conservent leur droit de vote. Seuls les actes de terrorisme et de trahison militaire peuvent priver les citoyens français de ce droit. Sur les 650 détenus du Havre, une centaine a fait les démarches nécessaires pour voter le 10 avril prochain.
Les détenus ont trois options pour voter :
1 Le vote par correspondance
Les détenus voteront eux-mêmes depuis le gymnase de la prison et les bulletins seront ensuite acheminés en mairie.
2 Le vote par procuration
Les détenus doivent demander à l’un de leur proche de voter pour eux.
3 Le vote avec permission de sortie :
A l’issue d’une autorisation du juge, les détenus peuvent se rendre en mairie pour voter. Cette option est jugée plus incertaine car les démarches administratives sont plus lourdes et l’autorisation dépend de la situation pénale du prisonnier.