Au début du mois de février, un navire belge aurait débarqué sur le port du Havre du poisson sans le peser. Impossible de savoir si les quotas ont été respectés ou carrément dépassés. Le pêcheur aurait également prélevé du bar européen, une espèce protégée durant les mois de février et mars.
Les images révélées par l'association de défense des océans, Bloom, datent du 2 février. La scène se déroule sur le port du Havre, au retour de pêche. Un homme décharge le poisson, stocké dans des caisses, vers un camion sans passer par la case pesée. "Non seulement le poisson n'est pas pesé mais il n'y a aucun contrôle de la pêche", réagit Laetitia Bisiaux, chargée de projet pour Bloom. Une plainte a été déposée au tribunal du Havre le 16 février dernier.
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C'est une histoire qui serait passée inaperçue si un pêcheur havrais n'avait pas alerté les autorités et l'association Bloom. Au port de la cité océane, des dizaines de bateaux débarquent du poisson chaque semaine. Leur activité est soumise à un règlement stricte, notamment sur la quantité d'animaux pêchés, pour ne pas perturber l'équilibre de l'écosystème marin.
Loi française ou accord bilatéral avec la Belgique?
Selon l'article L945-4 du code rural et de la pêche maritime, il est puni de 22 500€ d'amende le fait de "pêcher, détenir à bord, transborder, transférer, débarquer [...] des produits de la pêche [...] en quantité ou en poids supérieur à celui autorisé [...] ou d'enfreindre les obligations ou interdictions relatives à l'arrimage, au tri, à la pesée." Cependant, un accord prévoirait une exception pour ce pêcheur étranger qui devra réaliser sa pesée, une fois le poisson débarqué sur le territoire belge. Un non-sens pour Laetitia Bisiaux qui se fait porte-parole des pêcheurs havrais : "Il y a une différenciation au niveau des contrôles entre les navires français et les navires étrangers, cela provoque une colère légitime au port du Havre."
La plainte déposée par Bloom s'appuie sur l'article de loi français. Les pêcheurs belges, eux, se fondent sur un accord bilatéral entre les deux pays qui autoriserait la pesée à l'arrivée de la marchandise.
Pour les membres de l'association, les textes nationaux permettent notamment une "vérification indispensable pour éviter les fraudes et les trafics en tout genre." En effet, comme le souligne Mme Bisiaux, un camion peut faire un détour avant sa destination finale pour décharger une partie de sa cargaison et ainsi réduire son quota final.
Selon elle, la Belgique aurait même été mise en cause par la Commission Européenne pour des problèmes de traçabilité du poisson. "Nous avons un accord avec un pays qui ne respecterait pas ses obligations en termes de contrôles", s'insurge-t-elle, avant d'ajouter que, "la fraude d'un seul navire pourrait rapporter gros : plus de 500 000€ par an!"
Du poisson interdit à la pêche
L'incident aurait pu s'arrêter là, mais quelques heures après l'arrivée du camion en Belgique, une photo du résultat de la pêche est postée sur le réseau social Facebook. Sur l'image, on identifie du bar européen, une espèce de poisson qu'il est interdit de pêcher en Manche durant les mois de février et mars.
Un règlement de l'Union Européenne publié le 30 janvier dernier interdit la pêche du bar européen entre le 1er février et le 31 mars en raison du "repos biologique". En clair, cette pause permet à l'espèce de se reproduire.
Il est interdit aux navires de pêche de l’Union, ainsi qu’à toute pêcherie commerciale exerçant ses activités depuis la côte, de pêcher le bar européen (Dicentrarchus labrax) [...] ou de détenir à bord, de transborder, de transférer ou de débarquer du bar européen capturé dans cette zone.
Article 11 du règlement de l'Union Européenne du 30 janvier 2023
Une dérogation est accordée aux pêcheurs à partir du 1er avril et jusqu'à la fin de l'année 2023. En attendant, aucun bar ne peut être prélevé. "Nous avons décidé de porter plainte pour la pêche illégale de cette espèce de poisson", abonde la chargée de mission de l'association de protection de l'océan.
France 3 Normandie a pu consulter la plainte déposée auprès du procureur du Havre. Il est reproché au pêcheur belge "un délit de pêche d'une espèce à une période interdite", "un délit de débarquement, transbordement des produits de pêche", "un délit de mise en vente, vente, stockage, transport de poissons de la pêche irrégulière" et "un délit d'absence de pesée".
La direction des affaires maritimes du port du Havre a été contactée par l'association Bloom. Pour l'heure, elle n'aurait obtenu aucune réponse des autorités portuaires suite à cet incident. Si cet exemple semblerait isolé, il est difficile de quantifier le nombre de délit de pêche au port du Havre. Les associations de défense des océans ont réclamé des rapports chiffrés. Pour l'heure, leurs demandes restent sans réponse.