Journaliste spécialiste de l'environnement et auteure de six "Carnets d'alerte" avec Pierre Rabhi, Juliette Duquesne a animé, au Havre jeudi 4 mai, une conférence sur la pollution numérique. Elle a enquêté plus d'un an sur le sujet.
Qu'est-ce que la pollution numérique ?
On a souvent l'impression que le numérique est immatériel, que derrière nos télévisions et nos box internet, il n'y a pas d'énergie. Mais c'est loin d'être le cas puisque le numérique représente 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Et dans ce chiffre, l'usage de l'objet est minime. Les trois-quarts de cette pollution concernent la fabrication des terminaux, que ce soit par l'usage des énergies fossiles, des métaux rares et de l'eau. En plus de ça, toute cette pollution générée est importée, c'est-à-dire qu'elle n'est pas directement produite en France. La pollution du numérique est aussi en constante progression : son impact pourrait tripler d'ici 2050.
Qu'est-ce qui pollue dans notre quotidien ?
Ce qui pollue le plus dans le numérique, ce sont les équipements que nous achetons. Je pense notamment à nos téléphones, ordinateurs, téléviseurs ou encore nos box internet. On en a beaucoup trop et nous les renouvelons trop fréquemment. C'est encore plus ahurissant quand nous savons que, par exemple, 88 % des téléphones portables remplacés fonctionnent encore. Bien sûr, il y a d'autres gestes qui peuvent polluer comme utiliser Internet par la 4G au lieu de la WIFI, ce qui est 20 fois plus énergivore. Le stockage des données est aussi une source de pollution grandissante, même si des progrès sont réalisés dans leur efficacité énergétique. La France est l'un des premiers pays au monde à avoir voté une loi sur la sobriété numérique qui n'est pas suffisante, selon les associations. C'est difficile d'être sobre dans une société qui se numérise de plus en plus. Il faut aussi des réformes plus globales dans la société.
Pourquoi est-il important d'agir ?
Il est important d'agir parce qu'on a des fois l'impression que l'accélération de la numérisation est obligatoire alors que ce sont des choix politiques, économiques et sociétaux. Il y a malheureusement un manque de débats sur ces sujets essentiels. De toute façon, demain, nous n'aurons pas assez de métaux pour continuer à ce rythme. On sait que le pic d'extraction du cuivre devrait être atteint en 2060. On sait qu'on aura des soucis d'approvisionnement pour l'indium en 2030. Même si on ne connaît pas toutes les réserves des métaux sur la planète, on sait qu'il faudra creuser encore plus loin et donc émettre encore plus d'émissions de gaz à effet de serre. Ce n'est tout simplementpas soutenable.