Les orthophonistes se mobilisent ce jeudi 5 octobre dans toutes les villes qui disposent d'un centre de formation, comme c'est le cas à Rouen et Caen. Ils demandent la consolidation de leurs enseignements, et des salaires à la hauteur de leurs engagements. Rencontre avec la présidente du Syndicat Régional des Orthophonistes de Normandie.
Ceux qui ont déjà eu besoin de consulter un-e orthophoniste, pour eux ou leur enfant, savent comme les délais sont longs pour y parvenir. En Seine-Maritime, il faut souvent compter un an avant d'accéder à cette aide précieuse. "On est débordés. Il faut plus d'un an pour avoir un rendez-vous. Sauf pour les créneaux d'urgence, comme les personnes qui ont fait un AVC" nous confirme Camille Lelièvre, la présidente du SRON, le Syndicat Régional des Orthophonistes de Normandie. Cette professionnelle exerce son métier depuis une quinzaine d'années à Darnétal, dans l'agglomération rouennaise. Camille Lelièvre a d'abord travaillé en "mixte", à la fois en libéral, et salariée dans des établissements publics. Jusqu'à ce qu'elle change d'orientation. "J'ai finalement quitté ce système, car mon salaire était beaucoup trop faible". Elle exerce aujourd'hui en libéral, et enseigne son métier aux futurs orthophonistes.
Un large champ d'application
Les orthophonistes sont un peu plus de 800 en Normandie, ce qui est très insuffisant compte tenu de la demande. Car le champ d'application de ces professionnels est beaucoup plus large qu'on ne l'imagine. On pense bien sûr aux enfants dyslexiques, au retard de langage, au handicap intellectuel, au bégaiement ou à la surdité. Mais ces professionnels exercent leurs compétences aussi chez l'adulte dans les cancers de la sphère ORL, les troubles de la voix, les séquelles des AVC ou encore les maladies neurodégénératives. Le plus souvent, ces troubles sont chroniques et nécessitent un suivi.
En moyenne, un orthophoniste va s'occuper d'une cinquantaine de patients par semaine. Or, le nombre de professionnels formés est insuffisant, et la formation trop sélective.
Nous faisons 5 ans d'études très exigeantes pour un salaire trop faible
Camille Lelièvre, présidente du Syndicat Régional des Orthophonistes en Normandie
Une centaine de personnes sont ainsi formées chaque année entre Caen, Rouen et Amiens, sur les 1800 candidats à la profession dans la région.
Vers un salaire décent pour une meilleure prise en charge ?
Le salaire des orthophonistes est l'un des points cruciaux de leurs revendications. Voilà déjà 10 ans que leur niveau d'études est équivalent à celui d'un Master, mais toujours pas de réelle revalorisation salariale en vue. Seul un système de primes permet de dépasser le salaire minimum pour un-e orthophiniste salariée. "Sans les primes, on est en dessous du SMIC. Avec les primes, on est de 7 à 20% au-dessus" détaille Camille Lelièvre. L’une de leurs revendications, en ce jour de mobilisation, est de bénéficier d'une grille de salaire spécifique à leur formation et profession, compte tenu de leurs compétences et de leurs responsabilités.
"Tout découle des salaires qui sont trop bas, les orthophonistes ne postulent pas, et il en manque beaucoup dans les institutions. On laisse les patients chercher eux-mêmes alors qu'ils devraient trouver des professionnels dans les établissements qui les accueillent. Dans les hôpitaux ou en institutions, les équipes sont pluridisciplinaires. Les orthophonistes vont former les autres membres de l'équipe pour aider les patients avec lesquels on ne peut pas toujours communiquer. Sinon, on ne comprend pas le malade et c'est la porte ouverte à la maltraitance" insiste la praticienne.
Les orthophonistes se mobilisent ce jeudi 5 octobre partout en France, à l'appel d'une intersyndicale qui regroupe entre autres la Fédération Nationale des Orthophonistes, la Fédération des Orthophonistes de France, et la Fédération Nationale des Etudiants en Orthophonie.
Les orthophonistes normands manifesteront à Rouen de 12h à 14h devant le Théâtre des Arts, et à Caen place du Théâtre de 14h à 18h.