L’avenir olympique du patinage artistique synchronisé se joue dès aujourd’hui dans la capitale normande, à l'occasion de la French Cup 2022, avec la compétition Elite 12, sous les yeux de l’Union internationale de patinage.
Plus de "kiss" que de "cry" aujourd’hui à la patinoire Nathalie Péchalat à Rouen. 90,81 points. C’est la note obtenue par la Team Jeanne d’Arc. Solides et émouvantes sur le thème du deuil, elles ont battu, et de loin, leur record de 76 points. Et c'est la médaille d'argent pour les Rouennaises. « C’est super que ce soit à la French Cup, où le jury est connu pour être sévère », s’enthousiasme Clara Levieux, coach de l’équipe rouennaise. « On s’est éclatées, on a tout donné ! », s’exclame Lorrena Calabrese, patineuse de l'équipe, « ce serait cool si la synchro arrivait enfin aux JO ».
Parce que oui, c’est l’objectif. Aller aux Jeux olympiques.
La Team Jeanne d’Arc pour la France, Team United 12 pour les Pays-Bas et Hayden Select pour les Etats-Unis. Trois équipes de douze patineuses pour convaincre. Convaincre que le patinage synchronisé a sa place aux Jeux Olympiques. C’est la première compétition internationale et la seule de la saison pour cette nouvelle catégorie Elite 12.
En 2015, le Comité international olympique (CIO) s’était rendu à la French Cup pour décider de l’avenir olympique de ce sport. Conclusion : pas de synchro aux JO. Les athlètes sont trop nombreux et le sport pas assez médiatisé. Mais l’ISU (International Skating Union, Union internationale de patinage en français) ne lâche pas l’affaire. Et en sortie de crise sanitaire, le Rouen olympic club (ROC) se lance dans une nouvelle aventure.
Un pari pour les Rouennaises
Il n’y a donc plus d’équipe Jeanne d’Arc en junior et senior, catégories historiques qui patinent à seize. Un pari, pour l’équipe rouennaise, toujours prête à relever des défis. « De toutes façons, avec le covid, tout avait été annulé… l’équipe était démotivée, il n’y avait plus de perspective », lâche leur entraîneur Clara Levieux.
Un nouveau souffle et un nouveau programme à douze. Douze patineuses, de 15 à 26 ans pour écrire une nouvelle page de l’histoire de la synchro. « Les jeux olympiques ça a toujours été mon objectif et c’est toujours dans un petit coin de ma tête », confie Amélie Hervé, patineuse de la Team Jeanne d’Arc. Sa co-équipière Alicia Buquet, 26 ans, travaille aussi pour emmener son sport aux Jeux. Mais la route est encore longue. Peut-être que la flamme olympique ne brillera que pour les générations futures. « On a toujours envie de rêver, mais ce n’est encore qu’un projet. Même si ce n’est pas pour nous, on aura contribué à faire avancer les choses », s’enthousiasme l’athlète.
La reconnaissance olympique pour élever le niveau
La reconnaissance du patinage synchronisé comme sport olympique est primordiale pour qu’il soit considéré comme sport de haut niveau… et justement élever son niveau. « Ça permettrait de monter un centre de formation, adapter les emplois du temps scolaires ou plus simplement avoir plus d’heures de glace », explique Sandrine Devaux, présidente de la French Cup et du Rouen Olympic Club (ROC). Aujourd’hui les jeunes patineuses de synchro s’entrainent de 6h à 8h du matin.
Le sport olympique permet aussi de ne pas arrêter l’entraînement en cas de crise sanitaire, comme ce fut le cas pour le patinage synchronisé ces derniers mois.
Des adaptations techniques et artistiques
Pour passer d’un programme de seize à douze patineurs, il a fallu beaucoup de travail pour la coach et son équipe. « Certains éléments n’ont plus de sens comme "l’intersection whip" qui s’appuie sur la force centrifuge », indique Clara Levieux. Le programme se pense différemment. Pas forcément en terme de technique mais les patineurs se montreront plus créatifs, avec plus d’acrobaties. « Le patinage sera probablement plus rapide avec plus de travail en diagonal et il faudra qu’on utilise plus la glace », développe la coach de la Team Jeanne d’Arc.
Les Américaines, les Hayden Select, l’ont déjà bien compris avec un programme à douze innovant. « Il y a une belle recherche, elles sont créatives », explique Clara Levieux. Du côté des Hollandaises, selon la coach française, le programme reste construit comme un programme à seize. Les Jeanne d’Arc quant à elles, se situent entre les deux. « Ça va être intéressant de voir comment les juges vont évaluer ces trois propositions », conclut-t-elle.
Et les juges ont justement récompensé la créativité. 112,17 points pour les Américaines, 90,81 points pour les Françaises et 82,89 pour les Hollandaises.
Philippe Maitrot, président du comité technique de l’ISU et membre du jury, participe à la French Cup surtout pour évaluer le potentiel de cette nouvelle catégorie à douze. « On a pu voir des vidéos pendant le Covid mais en réalité c’est différent. Je suis très content, il y a un gros potentiel », commente-t-il.
Le président du comité technique de l’ISU évalue les possibilités et les changements à opérer dans les règlements. Les figures imposées pourraient donc bien changer. Certaines disparaitront au profit de nouvelles. « On voudrait augmenter le côté artistique avec des sauts, des pirouettes ou encore des twizzles. Avec moins de patineurs, il y a une meilleure homogénéité donc plus de puissance et de vitesse », détaille Philippe Maitrot.
La candidature du patinage synchronisé pour les Jeux olympiques a été envoyée au Comité international olympique en novembre 2021. Le verdict est attendu pour cet été. Et encore une première, attendue pour la saison 2022-2023 : les championnats du monde de patinage synchronisé Elite 12. Le rendez-vous est pris avec la Team Jeanne d’Arc.
La compétition continue
La French Cup se poursuit samedi 5 février à Rouen avec le programme long des catégories juniors et seniors à partir de 16h30. La Team Elite Junior (USA) est première après le programme court dans la catégorie junior et la Team Helsinki Rockettes (Finlande) a remporté le programme court chez les seniors.