Depuis la réouverture de l'Ibiza Club en juillet 2021 à Rouen, seule discothèque de la ville ouverte cet été, des clients de tout le département affluent autour de l'établissement. Un calvaire pour le voisinage qui ne dort plus et un gérant dépassé par les évènements.
Leurs nuits sont devenues un calvaire. Depuis la réouverture de l’Ibiza Club début juillet, en bas du boulevard des Belges à Rouen, les riverains de la discothèque peinent à dormir. Attroupements, bagarres, deals… les habitants subissent les nuisances d’individus qui viennent squatter les abords de la boîte de nuit. “On a des voitures qui s’installent sous nos fenêtres avec de la musique à fond”, nous indique une habitante de la rue de le Nostre.
Selon les riverains, du mercredi au dimanche, c’est le même scénario : “vers 23h30 des nuisances sonores diverses sont à déplorer (cris, voitures garées pour quelques minutes seulement avec moteur allumé et musique forte, bruits de klaxons, smartphones projetant de la musique, personnes buvant debout au coin de la rue de le Nostre ou assis sur des rebords de fenêtres)”, indiquent les habitants dans un courrier adressé au Préfet. “Plus tard dans la nuit, des rixes éclatent (au moins une par nuit à déplorer depuis la réouverture), de petits groupes se forment un peu partout et parlent fort ou crient.”
Certains urinent, d'autres vomissent... Enfin, à la sortie de la discothèque, des groupes fortement alcoolisés stationnent un peu partout autour de l'établissement, criant et chantant à tue-tête.
Des nuisances nouvelles
“J’habite le quartier depuis huit ans. Même avant le confinement, je n’avais jamais vu ça !”, nous confie un habitant de la rue de le Nostre qui a décidé de monter un collectif avec ses voisins. Ce dernier a publié plusieurs vidéos sur internet. On y voit notamment des personnes alcoolisées aux abords de la discothèque, de la musique trop forte dans la rue, mais aussi des bagarres.
On y voit aussi une camionnette, “vendant vraisemblablement de l’alcool et des ballons gonflés au protoxyde d'azote", selon les riverains. "Elle reste garée toute la nuit à l'entrée de la rue de le Nostre. On retrouve des gobelets, des bouteilles d’alcool et des cartouches de protoxyde d’azote à proximité le lendemain”, nous indiquent les riverains de la rue De-le-Nostre qui ont décidé de monter un collectif.
Selon le gérant de l’établissement, cette camionnette appartiendrait à “un jeune entrepreneur qui s'installe à [leur insu] pour vendre de l’alimentation.”
Pour les habitants du numéro 3, dont l’immeuble est collé à celui de l’Ibiza Club, “c’est la double peine”. “On entend le son des basses et de la ventilation dans tout l’immeuble !”, nous confie Laure (son prénom a été modifié) qui s’est installée dans la rue pendant le confinement.
“Les vibrations traversent l’appartement, les tôles du toit vibrent et nous avons une ventilation à deux mètres des fenêtres.”
“Le patron s’est montré très conciliant, il s’est déplacé chez moi avec ‘un technicien du son’ pour faire des tests en m’indiquant que tout allait bien et qu’il allait faire isoler le mur. Chose qu’il aurait faite, mais je ne constate aucune différence…”
Épuisement et insécurité
“Vers 4h30 on finit par s’endormir de fatigue. On est épuisé… Nausées, maux de tête et je ne suis pas la seule”, poursuit la riveraine. “On est réveillés au moins deux fois par nuit. Il arrive que les gens tambourinent aux portes aussi. On se sent en insécurité totale !”, ajoute sa voisine.
Fatiguée, une habitante a décidé de porter plainte contre l’Ibiza Club pour “nuisances sonores et insécurité”. D’autres ont prévu de suivre la même démarche. Après plusieurs mails à la Préfecture de Seine-Maritime et à la mairie de Rouen, ils ont récemment été reçus à la mairie avec des élus et le chef de la police municipale. Les gérants de l’établissement n’ont pas été conviés.
L’Ibiza Club dépassé par les évènements
L’Ibiza Club a été la seule boîte de nuit à rouvrir dès le 9 juillet à Rouen, les gérants des autres clubs ayant préféré attendre la rentrée. Résultat : des jeunes de toute la Seine-Maritime en manque de fête sont venus affluer devant l’établissement. “On s’est retrouvés débordés", indique Dulauran Ngombo, l’un des gérants de l’établissement.
On ne s’attendait pas à autant de monde, on a eu des jeunes qui venaient de Dieppe et du Havre.
Contrôles de pass sanitaire, jauge à 75%... autant d’éléments qui génèrent de l’attente devant l’établissement. “En plus de ça, on a des personnes qui viennent squatter autour de notre établissement pour mettre de la musique et fumer leurs pétards. Un individu qui vient en jogging devant notre établissement, ce n’est clairement pas pour aller en boîte”
Le gérant du club a pris des mesures : trois agents de sécurité supplémentaires ont été embauchés et la file d’attente qui débordait sur la rue de le Nostre a été déplacée de l’autre côté. “Avec la réouverture des autres boîtes de nuit de la ville, on espère que ça va se calmer.”
Selon lui, d’autres nuisances pourraient aussi venir de fêtes organisées dans des appartements à proximité loués sur Airbnb.
Un dossier sensible et délicat
“On a un problème de nuisances sur l’espace public parce que les gens se rassemblent en masse. Des individus viennent autour pour venir et faire leur business”, indique Kader Chekhemani, élu en charge de la Tranquillité publique à la mairie de Rouen.
Les nuisances ayant lieu aux abords du club, est-ce aux gérants de l’établissement de s’en occuper ? “Ils ont la responsabilité de gérer à proximité de leur établissement”, explique Kader Chekhemani. “Mais à côté, ça ne relève plus de leur compétence. Une fois que les gens sont engagés dans la rue de le Nostre, ce n’est plus de leur ressort. C’est là toute la difficulté du dossier”.
En effet selon la loi, "les agents exerçant une activité mentionnée au 1° de l'article L. 611-1 ne peuvent exercer leurs fonctions qu'à l'intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde, y compris dans les périmètres de protection institués en application de l'article L. 226-1."
On joue au chat et à la souris. Quand on envoie des policiers municipaux, il ne se passe rien.
Des contrôles en cours
La mairie vient de lancer deux études concernant les problèmes de nuisances sonores. Dans un premier temps, vérifier si l’Ibiza Club est aux normes. “Dans un second temps, on va lancer une étude chez les riverains pour mesurer les décibels. On prendra les mesures sur plusieurs jours s’il le faut pour identifier de manière claire les nuisances et prendre des décisions”, indique Kader Chekhemani. “Notre priorité, c’est que les riverains retrouvent leur tranquillité.”
De son côté, la préfecture de Seine-Maritime nous indique : "Dès le 9 juillet et l'ouverture, plusieurs contrôles ont été organisés par la DDSP, dont certains menés par les enquêteurs spécialisés dans le contrôle des débits de boissons, destinés au contrôle du fonctionnement même de la discothèque comme du contrôle du pass sanitaire. Ces contrôles n'ont jusqu'à aujourd'hui pas donné lieu à la constatation d'infraction, à l'inverse d'autres exploitants et établissements Rouennais et Seinomarins."
Plusieurs passages de patrouilles sont réalisés chaque nuit d'ouverture, devant et aux abords de la discothèque. Tout constat d'infraction par les policiers donne lieu à verbalisation. Il en va ainsi des tapages nocturnes ou encore des faits d'ivresse sur la voie publique, et d'incivilités. Plusieurs regroupements ont également été dispersés devant ou à proximité de la discothèque, avec l'appui de la police municipale de Rouen.
Bientôt une brigade de nuit à Rouen
La ville de Rouen travaille actuellement sur la mise en place d’une brigade de nuit. “On est en train de recruter 11 policiers municipaux pour monter une brigade du mardi soir au dimanche matin, de 20h à 4h”, indique Kader Chekhemani. On aura des agents qui pourront se déplacer au pied des bars et des boîtes de nuit.” Trois équipages tourneront en centre-ville gérer la tranquillité de l’espace public et les tapages nocturnes sur l’espace public.