Le seminaire se tient à l'initiative de l'archevèque de Rouen. Durant deux jours, une cinquantaine de prêtres du diocèse se réunissent au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon. L'objectif de cette session de travail : prévenir les abus commis au sein de l'Eglise, et libérer la parole des victimes.
La session démarre par le témoignage fort et symbolique de Véronique Garnier. Victime d'un prêtre pédophile pendant son adolescence, elle a accepté d'en parler devant cette assistance d'hommes d'Eglise.
Etre en dialogue, en particulier avec l’Eglise, c’est briser le silence. Je crois que le silence nous a enfermé dans le passé et que le dialogue nous ouvre un chemin d’avenir.
"Je ne rentrerai pas dans les détails mais j’ai été abusée par un prêtre ami de la famille pendant deux ans et demi entre 13 ans et 15 ans" explique Véronique Garnier. Elle souhaite partager ce qu'elle a vécu, faire comprendre ce qu'elle a ressenti et ce qui s'est éteint en elle, pour que son calvaire n’arrive pas à d’autres. "J’ai l’impression que petit à petit, je suis passée de victime à témoin, si on peut dire ça. Son but n’est pas la revanche, "mais au contraire, d’aider pour que cela n’arrive pas à d’autres jeunes. Je pense qu’il y a une prise de conscience de plus en plus approfondie qui se fait, même si cela est toujours trop lent pour les personnes qui ont été victimes."
Pendant ces deux jours passés à Notre-Dame de Montligeon, les prêtres sontsensibilisés sur l'écoute des victimes, à la compréhension du processus relationnel et la lutte contre la tentation de l'abus.
A titre personnel, cette session m’aide à réfléchir à la manière dont je peux avoir une certaine influence sur la vie des personnes et comment réguler ce pouvoir que le ministère de prêtre me donne.
"Cette rencontre des prêtres du Diocèse de Rouen sur la question des abus sexuels est importante car nous sommes concernés à plusieurs titres, d’abord parce que l’Eglise est un lieu où les abus ont eu lieu" rappelle Philippe Maheut, Curé de la paroisse d'Eu, "c’est important de réfléchir au pourquoi de cette situation."
Ensuite parce que nous sommes amenés à rencontrer des victimes et donc il est important que nous sachions comment réagir pour les accompagner du mieux que nous pouvons. Et puis parce que, souven, les abus sexuels sont une expression d’un abus de pouvoir et que, nous les prêtres, nous exerçons un certain pouvoir de fait, au moins un pouvoir moral sur les personnes et il est important que nous puissions réfléchir à l’exercice de ce pouvoir qui est le nôtre."
"C’est un sujet délicat", avoue Philippe Maheut, "on découvre avec une certaine sidération le nombre de victimes qu’il y a pu avoir dans l’Eglise de France depuis 1950. On ne peut pas passer à côté de cette question. On découvre aussi les ravages que cela fait dans la vie d’une personne d’avoir été victime, souvent dans sa jeunesse, d’abus sexuel. L’Eglise est responsable en proposant à ses prêtres de participer, comme nous le faisons aujourd’hui, à une session de ce type. "
En France, au moins 10 000 enfants auraient été victimes de prêtres depuis les années 50
Cette conférence intervient alors qu'une Commission indépendante doit rendre un rapport à l'automne sur les abus sexuels dans l'Eglise. Au moins 10 000 enfants auraient été victime de prêtres depuis les années 50 en France. Jean-Marc Sauvé, le président de cette commission, a déclaré à nos confrères de France Inter, que selon "des indications provisoires qui seront éclairées, 62% des victimes sont des garçons, 38% des filles. La moitié disent avoir été victimes d'abus dans les années 50 et 60. Seulement 5% l'ont été avant, 18% dans les années 70, 12% dans les années 80, et "le pourcentage est ensuite très décroissant".
"Il y a une vraie décision de faire la lumière et d’en parler" explique Mgr Dominique Lebrun, Archevêque de Rouen, qui anime la session d'étude se Notre-Dame de Montligeon "il faut en parler entre evêques, il faut en parler entre prêtres, il faut en parler entre fidèles, et il faut que les evêques, les pretres et les fidèles puissent se parler de ce sujet qui est la pédocriminalité qui existe qui a existé et qui ne devra plus exister"
Depuis 2016, une cellule d'écoute a été mise en place par le diocèse de Rouen, qui lance un appel aux victimes à se manifester et à porter plainte.